Par Olivier Bault.
Pologne – Pour le journal allemand Die Welt, c’était la plus importante visite d’un chancelier allemand depuis 1989. Alors qu’il y a encore un an le leader de l’opposition libérale appelait à lutter contre le gouvernement conservateur du parti Droit et Justice (PiS) « avec la rue et l’étranger », alors que depuis la victoire du PiS aux élections d’octobre 2015 les grands médias allemands ne cessent d’appeler à des sanctions contre leur voisin de l’est et à décrire, à de rares exceptions près, une Pologne en pleine dérive autoritaire, la visite d’Angela Merkel à Varsovie le 7 février dernier et sa rencontre avec le premier ministre Beata Szydło, le président Andrzej Duda et le leader du PiS Jarosław Kaczyński marque un tournant.
Même les médias allemands semblent l’avoir compris : la majorité absolue du PiS au parlement et le soutien dont il continue de bénéficier auprès d’une majorité d’électeurs (40 % selon le dernier sondage CBOS, contre seulement respectivement 17 % et 9 % en faveur des deux partis libéraux, PO et Nowoczesna) le rendent incontournable pour au moins encore trois ans, et il faut donc faire avec.
C’est une première prise de conscience qui semble s’être opérée à Berlin, soulignée par le fait que, si Angela Merkel a aussi rencontré les leaders des deux partis de la coalition qui gouvernait la Pologne de 2007 à 2015 (PO et PSL) en leur qualité de membres, comme la CDU, du parti populaire européen (PPE), elle n’a pas rencontré le chef du nouveau parti libéral-libertaire, à la fois allié et concurrent du PO au sein de l’opposition « totale » au gouvernement du PiS. La deuxième prise de conscience visible à Berlin, c’est que la Pologne dirigée par le PiS peut être un précieux partenaire pour sauver une Union européenne menacée dans son existence-même. Car contrairement à ce qu’en disent les grands médias européens, le PiS polonais est, comme le Fidesz hongrois, très favorable à l’UE, même si ces deux partis conservateurs d’Europe centrale veulent une UE plus respectueuse des souverainetés nationales.
Jarosław Kaczyński et Viktor Orbán sont tous deux bien conscients que l’UE pourrait bientôt disparaître et ils considèrent une redistribution des compétences en faveur des États-nations comme la seule chance de sauver les institutions européennes communes. Or l’un des grands objectifs de la visite en Pologne de la chancelière allemande, c’était justement d’obtenir le soutien de la Pologne pour sauver l’Union européenne. Si l’immigration est un point de désaccord, et pas des moindres, de même que dans une certaine mesure la politique énergétique (et notamment le gazoduc Nord Stream), Berlin et Varsovie sont plutôt sur la même ligne en ce qui concerne la défense européenne et la nécessité de préserver le Marché unique.
C’est ce qui explique les distances que prend le PiS avec l’AfD allemand et même les propos du ministre des Affaires étrangères polonais Witold Waszczykowski qui a déclaré en novembre dernier que la victoire d’Angela Merkel aux prochaines élections législatives allemandes serait l’issue la plus favorable du point de vue des intérêts de la Pologne. Ce point de vue a été confirmé dans des interviews par Jarosław Kaczyński.
La dernière rencontre entre Angela Merkel et Jarosław Kaczyński avait eu lieu en juillet dernier en Allemagne, et plus récemment, en novembre, un groupe de députés du PiS s’étaient rendus à Berlin pour des échanges avec les députés de la coalition CDU-CSU-SPD aux affaires en Allemagne, le but étant pour les députés des deux pays de contourner le filtre de médias engagés et se parler directement.
Extrait de: Source et auteur
Et vous, qu'en pensez vous ?