Michel Garroté - En France, la gauche et l'extrême-gauche cherchent désespérément une "ultra-droite" qui n'existe pas ou pratiquement pas. But de l'opération : détourner les esprits de l'islamisme et de sa caisse de résonance, l'islamo-gauchisme. La ficelle est trop grosse et le mythe de l'ultra-droite ne passe pas. Pauvre gauche et pauvre extrême-gauche qui brandissent un spectre qui ne convainc personne ou presque. La France compte 15 à 20 millions de musulmans. Mais le soi-disant "danger", ce serait deux ou trois "fachos" coincés dans une cabine téléphonique en quête de "révolution nationale". Pathétique et ridicule.
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L'ultra-droite et l’église Sainte-Rita :
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Olivier Faye (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : La rumeur parcourait la « fachosphère » dès mardi soir, sur Twitter : les forces de l’ordre envisageaient d’évacuer l’église Sainte-Rita, mercredi 3 août, au petit matin. Cette église est occupée depuis octobre 2015 par différents groupuscules d’extrême droite, qui tentent d’empêcher sa démolition. Le rappel des troupes a donc été battu : une trentaine de militants, dont un groupe issu de l’Action française, se sont barricadés à l’intérieur de l’édifice pendant la nuit. L’abbé de Tanoüarn, un des principaux occupants des lieux, proche de l’Action française, avait même annoncé la tenue d’une messe à 6 heures du matin. La police a procédé à l’évacuation de l’église aux alentours de 6h45.
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Olivier Faye : Une opération qui « s’est déroulée sans incident », selon la Préfecture de police de Paris. C’est l’association des Chapelles Catholiques et Apostoliques, propriétaire du bâtiment, qui demande la démolition de l’église, pour y construire à la place un parking et des logements sociaux, a rapporté le site Streetpress, qui s’était intéressé à cette « ZAD d’extrême droite » [zone à défendre, ndlr]. L’association a obtenu, le 6 janvier, l’autorisation judiciaire de faire procéder à l’expulsion des occupants. Qui intervient donc en plein cœur de l’été. De nombreux groupuscules, comme l’association islamophobe Riposte laïque, s’étaient penchés, ces derniers mois, au chevet de l’église Sainte-Rita, et se sont donc émus du sort qui lui est réservé aujourd’hui.
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Olivier Faye : L’annonce de l’évacuation a été tout aussi mal accueillie par l’extrême droite « mainstream ». La présidente du Front national Marine Le Pen a fait mine de s’interroger : « Et si l’on faisait des parkings sur l’emplacement des mosquées salafistes plutôt que de détruire nos églises ? ». Une semaine après l’attentat contre l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), qui a causé la mort du Père Jacques Hamel, cette expulsion est ressentie par certains comme une agression de la part du gouvernement à l’encontre de la communauté catholique. « Le tact de [Bernard] Cazeneuve [ministre de l’intérieur] : le lendemain des funérailles [du père Hamel] à Rouen, l’église Sainte-Rita évacuée pour faire un parking ! », s’est par exemple indigné le député du Gard Gilbert Collard (Rassemblement bleu Marine).
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Olivier Faye : Gérée une association gallicane – qui ne répond pas à l’autorité du Vatican -, l’église n’appartient pourtant pas à l’Etat. A droite aussi, on a du mal à accepter cette évacuation. Le maire du 15e arrondissement Philippe Goujon (Les Républicains) s’est ému de cette décision, tout comme le député (LR) des Français de l’étranger Frédéric Lefebvre, qui était présent sur place au moment de l’intervention des forces de l’ordre. L’église Sainte–Rita avait pour particularité d’être la seule à Paris à accepter les animaux lors des offices. Chaque premier dimanche de novembre, ces derniers avaient même droit à une bénédiction. Aujourd’hui, la future ex-église Sainte-Rita pourrait bien devenir un symbole pour une partie de l’extrême droite radicale, conclut Olivier Faye (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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L'ultra-droite (ne) passe (pas) à l'action :
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« Moins de 10% des membres de l'ultra-droite seraient prêts à passer à l'action ». Le politologue Stéphane François, chercheur au CNRS et spécialiste des droites radicales, décrit les contours et les moyens d’action de cette mouvance que Patrick Calvar, patron de la DGSI voit entrer en guerre avec « le monde musulman ».Le patron de la DGSI n’a pas fait dans la demi-mesure. Auditionné par la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, Patrick Calvar a expliqué redouter à terme « une confrontation entre l’ultra-droite et le monde musulman - pas les islamistes mais bien le monde musulman ». Ses propos, rendus publics, questionnent sur la nature de cette « ultra-droite », petite constellation de groupes aux revendications et aux méthodes variées.
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Ultradroite et musulmans :
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20minutes.fr (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Comment définir l’ultra-droite ?
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Stéphane François : C’est ce qu’il y a à droite du Front national, plus radical que le FN. On estime que cela représente une population assez constante de 4.000 à 5.000 personnes, divisée entre quinze à vingt groupes. Certains refusent l’étiquette, mais on peut y mettre le Bloc identitaire, les Jeunesses nationalistes, l’Action française ou ce qu’il en reste, des skinheads, des néo-nazis, etc. Alain Soral, par son côté antisémite voire négationniste, y figure de facto. Certains membres de la Manif pour tous font partie de l’ultra-droite aussi.
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20minutes.fr : Ces différentes entités font-elles preuve de cohésion entre elles ?
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Stéphane François : Pas forcément. Certes, il y a un même rejet de l’Islam, du monde arabo-musulman en général, des Juifs parfois, de la République, des avancées de la société (le mariage pour tous par exemple). C’est un fond commun. Mais il n’y a pas une bonne entente entre les différents groupes. Prenez des cathos tradis, mettez-les dans la même pièce que des païens néo-nazis, ça finit très mal. Le Bloc identitaire est plutôt régionaliste quand d’autres groupes qui se réclament de Vichy sont jacobins. Ce qui participe aussi à la mésentente, ce sont les querelles d’égos, de chefs. Ils se prennent pour des petits chefs, c’est une caractéristique. On peut y voir une forme de trotskysme de droite : rassemblez trois trotskystes, vous avez deux scissions. Ce sont des groupes qui fusionnent, se déchirent, trouvent de nouveau des accords, et ainsi de suite.
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20minutes.fr : Il n’y a aucune figure tutélaire ?
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Stéphane François : Dominique Venner [ essayiste qui s’est suicidé en 2013 dans la cathédrale Notre-Dame] est l’icône commune, la figure de l’intellectuel guerrier. Depuis les années 1960, il refuse ce qu’il appelle le Grand remplacement. C’est une constante chez lui, c’est un ancien de l’OAS qui a fait de la prison pour son soutien au putsch des Généraux en 61. Il était tout sauf bête, mais d’après les rapports de police, il était considéré comme un dangereux psychopathe. Mais aujourd’hui, aucun leader de groupe ne fait l’unanimité. On peut citer Fabrice Robert du Bloc identitaire, Yvan Benedetti de l’Œuvre française, Alexandre Gabriac, fondateur des Jeunesses nationalistes, Soral évidemment. Il y avait aussi Serge Ayoub du mouvement Troisième voie, mais depuis l’affaire Méric, il est en retrait de la politique.
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20minutes.fr : Les entraînements paramilitaires de l’ultra-droite sont-ils une réalité ?
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Stéphane François : Il y a effectivement une tradition d’entraînement paramilitaire dans ces milieux-là. Il y a eu des passages de témoins d’anciens de l’OAS, de l’extrême droite violente des années 1960-1970. Certaines structures néo-nazies et fascistes s’entraînaient jusque dans les années 1990. Le font-ils encore ? Difficile à dire, il n’y a plus d’infiltration du renseignement dans ces groupes depuis très longtemps. Je suppose que oui, un groupe de skinheads picard, le White Wolf Klan, avait été arrêté en 2015 par les gendarmes, et eux s’entraînaient. Les entraînements au combat, vous en avez au Bloc identitaire. Officiellement, pour s’entraîner au combat de rue, officieusement pour canaliser la violence de ses membres. Maintenant, tous ne sont pas violents, les catholiques tradis par exemple. La violence militante existe encore, mais tend à disparaître.
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20minutes.fr : Entre l’absence de leader établi, d’entraînement et de réelle cohésion de pensée, peut-on donner du crédit aux propos du directeur de la DGSI ?
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Stéphane François : J’ai du mal à croire à une action commune. Le thème du Grand remplacement et du combat identitaire peut être fédérateur au sein de l’ultra-droite. Mais c’est actuellement peu plausible. Pour les raisons précitées d’abord, mais aussi pour une explication toute bête : il y a beaucoup de bras cassés là-dedans. Sur les 5000 membres au maximum, moins de 10% seraient prêts à passer à l’action. Dans leur globalité ils sont inoffensifs. Toutefois, individuellement, y en a toujours un qui est prêt pour un passage à l’acte violent. Cela peut être une ratonnade, un nouveau Breivik… là-dessus il y a beaucoup de possibilités. Il n’y a qu’à voir la personne arrêtée en Ukraine récemment, conclut Stéphane François (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Introduction, adaptation et mise en page de Michel Garroté
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http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2016/08/03/lextreme-droite-semeut-de-levacuation-de-leglise-sainte-rita-a-paris/
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20minutes.fr, 12 juillet 2016
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