Le FBI pardonne à Hillary

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens
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comey_0.jpgDans une présentation attendue, le directeur du FBI James Comey a enfin donné le point de vue des autorités sur l'affaire des emails qui empoisonne la campagne présidentielle d'Hillary Clinton. Le FBI recommande au ministère de la Justice de n'entreprendre "aucune poursuite judiciaire" à l'encontre de l'ancienne secrétaire d'État.

Le texte intégral de l'intervention de James Comey se trouve en ligne sur le site du FBI.

La déclaration de M. Comey clôt des mois d'enquête et d'examens. André Archimbaud donne un résumé du contexte et des enjeux sur Boulevard Voltaire. Tout démarre avec l'attaque de Benghazi, où un ambassadeur américain réclamant en vain des renforts se fait assassiner par des commandos islamistes bien préparés. Après ce fiasco, l'opinion publique est abreuvée d'une fable rocambolesque où l'attentat n'aurait été qu'une "simple manifestation dégénérant en émeute", elle-même consécutive à la présence sur YouTube de la bande-annonce d'un film américain islamophobe. La mort du fonctionnaire entraîne la création de deux commissions d'enquête qui vont révéler bien des choses:

Le 11 août 2014, la seconde commission d'enquête découvre, après injonction, que seuls dix courriels sur Benghazi sont produits par le ministère... parce que l'ancienne secrétaire d'État utilisait un serveur privé pour les affaires d'État. Suspicion supplémentaire : au lieu de remettre le serveur aux enquêteurs, Hillary les inonde de dizaines de milliers de pages de photocopies... en spécifiant royalement que 30'000 courriels ont été détruits du fait de leur nature "privée". Intervention du FBI, qui exige poliment la remise du serveur... déjà effacé. On saisit alors le serveur de sauvegarde installé dans la salle de bains d'une micro-société de consultants, avant de passer à l'archéologie numérique : 100 employés du FBI sont sur le pont... sachant que le respect d'une multitude de lois et règlements fédéraux est en jeu, en particulier sur les secrets d'État.

L'affaire se termine donc, apparemment, en queue de poisson:

Le FBI a tranché: Hillary Clinton a fait preuve d'une "négligence extrême" en utilisant inconsidérément sa messagerie personnelle, via un serveur privé, lors de son passage à la tête du Département d'État, de 2009 à 2013, mais elle n'avait "pas l'intention de violer la loi".

Les partisans pro-Clinton seront aux anges, mais ils seront bien vulnérables face à des accusations de partialité de la justice. Rappelons juste quelques éléments contextuels:

  • La loi américaine exige l'utilisation d'une infrastructure spécifique pour les communications électroniques conduites dans le cadre d'un mandat officiel, pour des raisons de transparence, d'archivage, et de contrôle, et punit la destruction de preuves.
  • Par une heureuse coïncidence, le nom de domaine clintonmail.com utilisé pour les échanges de mail "privés" des Clinton fut enregistré le 13 janvier 2009, soit exactement huit jours avant que Mme Clinton ne soit officiellement nommée secrétaire d'État de l'administration Obama.
  • Mme Clinton a utilisé de grands moyens pour effacer ses archives, et a en partie réussi: de nombreux trous de plusieurs mois subsistent dans sa correspondance, notamment autour d'un voyage de Mme Clinton en Libye en 2011. Nous savons que ces lacunes existent parce que des traces d'e-mails envoyés durant ces périodes se retrouvent dans des conversations avec des tiers.
  • Malgré le nettoyage opéré par Mme Clinton, certains de ses mails montrent encore des échanges d'informations top-secrètes, et qui l'étaient déjà au moment de la conversation électronique. Les traces de 110 e-mails "classifiés" ont ainsi été retrouvées alors qu'elle avait affirmé la main sur le cœur qu'il n'y en avait aucun. La transmission d'informations classifiées est un crime fédéral.
  • La semaine dernière, Bill Clinton rencontra "par hasard" la ministre de la Justice Loretta Lynch (en charge du FBI) sur l'aéroport de Phoenix. Pendant les trente minutes d'un entretien informel, ils ne discutèrent que "de golf et de leurs enfants et petits-enfants", affirment-ils.
  • Le Président Obama est tout autant impliqué comme témoin ou complice, ayant entretenu des conversations électroniques avec Mme Clinton sur cet e-mail privé et étant donc parfaitement au courant de son existence.
  • En 2012 un ambassadeur fut sévèrement réprimandé par Mme Clinton, et ensuite licencié, pour avoir utilisé une adresse e-mail privée dans le cadre d'affaires professionnelles. Hillary Clinton signa elle-même, en 2011, un message enjoignant tous les ambassadeurs à ne pas utiliser des adresses privées dans le cadre de leurs activités professionnelles. Peut-on parler d'hypocrisie?

En résumé, Mme Clinton mit en place un serveur mail privé pour déroger délibérément aux obligations de transparence liées à son rôle officiel, s'en servit avec abandon et, une fois découverte, chercha à effacer toute trace compromettante.

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On peut s'interroger sur ce qu'Hillary Clinton avait à cacher. Sa responsabilité dans le fiasco de Benghazi et le scénario échafaudé ensuite pour l'excuser, certainement. Mais aussi, sans doute, un mélange des genres assumé entre son rôle de secrétaire d'État, la fondation Clinton - qui n’a distribué "humanitairement" que 10% des fonds levés depuis sa fondation en 2001 - et la caisse politique des Clinton en vue, notamment, de la campagne d'Hillary pour l'élection présidentielle. Autrement dit, les e-mails manquants portent certainement la marque des innombrables trafics d'influence auxquels s'adonne le couple présidentiel le plus célèbre du monde.

Jamais la législation américaine n'a prévu que quelqu'un ne devrait pas être inculpé pour avoir violé la loi sans le savoir, sans même considérer la légèreté de l'excuse dans ce cas précis. Compte tenu d'autres affaires où les accusés n'ont pas bénéficié de la même mansuétude, il est évident que Mme Clinton a bénéficié d'un traitement de faveur.

La non-entrée en matière du FBI n'est donc pas surprenante. Malgré les dénégations de son directeur, c'est évidemment un verdict politique, le seul qui puisse épargner la candidate démocrate dans sa campagne électorale. Mais Hillary Clinton n'en sort pas indemne. Le grand public américain est bien plus au courant des tentants et aboutissants de cette affaire, et la décision du FBI suscite une indignation légitime.

Beaucoup de gens ont le sentiment qu'il y a une justice pour le bas peuple et une autre justice, infiniment bienveillante, pour les puissants ; difficile de les contredire. Lorsque Donald Trump qualifie continuellement Clinton de "crooked Hillary" (crooked pour malhonnête, véreuse, tordue...) sur Twitter, il n'est que l'écho du sentiment de nombreux Américains. Mme Clinton s'en sort peut-être indemne légalement, mais elle aura fort à faire jusqu'aux élections pour changer son image de politicienne corrompue, hypocrite et au-dessus des lois.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 6 juillet 2016

2 commentaires

  1. Posté par Sergio Morosoli le

    On retiendra qu’au pays du Coca-Cola, il est possible de faire preuve d’une négligence extrême et de prétendre aux plus hautes fonctions de l’Etat. C’est probablement le secret de l’American way of life.

  2. Posté par Elsaesser le

    Ainsi ” crooked killiary ” ne sera pas poursuivie !…. Bah ! on s’y attendait. Avec le soutien d’ obama ( qui se ressemble, s’assemble ) et de toute la clique malfaisante de banksters etc. Et puis, comme écrivait Jean de la Fontaine dans ” Les Animaux malades de la Peste” : “Selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir”.
    Dans cette enquête menée par le FBI, je retiens néanmoins cette phrase qui tue et qui devrait faire couler définitivement la dangereuse vieille harpie à la santé précaire : “ELLE A FAIT PREUVE D’UNE NEGLIGENCE EXTREME !”
    Qui, parmi les Américains, peut encore vouloir voter pour cette femme sans foi ni loi qui excelle non seulement dans la négligence, mais aussi dans l’incompétence, le mensonge et surtout le crime ?

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