Dans une INTERVIEW, Lloyd Blankfein, patron de Goldman Sachs, livre au quotidien français 'Les Echos' son point de vue sur la situation en Europe et en France, sur les élections américaines et sur les difficultés que traverse le secteur bancaire (voir lien vers source en bas de page).
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Quel regard portez-vous sur la situation économique en Europe ?
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Dans le cycle de reprise économique, l'Europe reste derrière les Etats-Unis. Elle s'est mobilisée : elle a pris des mesures de soutien à l'activité, ramené les taux d'intérêt à des niveaux très bas. Mais il est vrai que, au cours des dernières années, les gens trouvaient toujours de bonnes raisons pour se préoccuper de l'Europe : pas assez de croissance, trop d'incertitudes... Je ne dirais pas que cela les paralysait, mais cela leur donnait des raisons de retarder leurs décisions ou leurs investissements. Aujourd'hui, le prochain référendum britannique fait peser une grande incertitude sur l'Europe : l'éventualité du Brexit peut avoir beaucoup de ramifications. Nous serons soulagés quand nous n'aurons plus à faire face à cette incertitude.
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La BCE en fait-elle trop ou pas assez pour la croissance ?
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Depuis quelques années, toutes les banques centrales ont dû prendre des décisions agressives et parfois innovantes. Elles ont fait tout ce qu'elles pouvaient pour rendre les problèmes moins dramatiques, pour que les Etats puissent retrouver plus facilement le chemin de la croissance. La BCE a fait du bon boulot. Car il ne faut pas oublier qu'en Europe, il n'y avait pas de précédent. C'est la première génération d'une banque centrale européenne. C'est la première fois qu'une telle institution opérait dans un tel contexte, devait asseoir son autorité dans un cadre fédéraliste, et parfois même se battre pour imposer ses décisions. Aux Etats-Unis, la Fed ou la Cour suprême existent depuis des années. Elles ont construit leur pouvoir avec le temps, l'expérience et la tradition.
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Aux Etats-Unis, la Fed doit-elle remonter ses taux d'intérêt, ou faire encore preuve de patience ?
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Je crois que si la Fed remontait ses taux, ce serait bien reçu par les marchés. Car ce serait une validation de la bonne santé de l'économie américaine. Et ce, quels que soient les derniers chiffres sur l'emploi. L'économie s'améliore globalement aux Etats-Unis, le chômage est faible et le marché du travail est en train de se resserrer. In fine, il serait bon pour la confiance que la Fed commence à relever progressivement ses taux.
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D'autant que des politiques monétaires trop accommodantes font monter des risques de bulles financières...
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Oui, c'est un risque effectivement. Les valorisations de certains actifs sont artificiellement soutenues, l'épargne n'est pas toujours bien allouée. Mais par définition, on ne voit pas les bulles, on les découvre toujours ex-post, une fois qu'elles ont éclaté. Quand les taux auront remonté, cela aura un impact sur certaines activités financières, le coût de la dette augmentera et pourrait mettre en risque certains emprunteurs déjà trop endettés. Certains Etats pourraient se retrouver en difficulté, y compris en Europe. Il y a toujours des risques associés aux remèdes. Mais y a-t-il une alternative ? Il faut toujours survivre à court terme avant de penser au long terme ! Quand vous avez une maladie ou un problème important à régler, vous ne pouvez mégoter sur la cure. Il faut en passer par là, et il faut être patient. Vous mettez toujours du temps à récupérer - je peux en -témoigner personnellement !
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Avec un stock de dettes très important et un vieillissement de la population, croyez-vous que les économies développées vont être confrontées à une croissance durablement faible ?
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Je ne suis pas spécialiste en la matière. Mais je crois aux cycles. Et je crois que les gens ont toujours tendance à extrapoler la situation actuelle comme si elle devait toujours durer. Ils ont tort. Mes parents qui ont connu les années 1930 étaient convaincus qu'ils vivraient durablement dans une ère de dépression et de déflation. Moi qui ai connu les années 1970, j'ai longtemps cru que l'inflation galopante serait la règle. Mes enfants pensent maintenant qu'ils vivront dans un monde de faible croissance et de déflation à la japonaise... Les cycles changent, peut-être pas toujours au rythme que l'on souhaiterait, mais ils ne durent pas éternellement...
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La campagne présidentielle américaine bat son plein. Wall Street fait l'objet de nombreuses critiques, de la part notamment de Bernie Sanders chez les démocrates...
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Je ne connais pas personnellement Bernie Sanders. La seule chose que je peux vous dire, c'est que nous venons tous les deux de Brooklyn ! Wall Street est effectivement un secteur très important de l'économie américaine. C'est normal que beaucoup y voient un symbole. Mais je crois que le discours populiste qu'on entend beaucoup dans cette campagne ne reflète pas le sentiment général.
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Comment jugez-vous les deux mandats de Barack Obama pour Wall Street ?
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La crise financière de 2008 a provoqué un énorme traumatisme dans le pays. Il était normal que cela conduise à des changements réglementaires et à un renforcement des contrôles. C'est le résultat de la politique menée par Barack Obama et par le Congrès aussi, puisqu'aux Etats-Unis il n'y a pas un seul décideur, mais plusieurs. Il est toutefois trop tôt pour dresser le bilan de ce surcroît de réglementation qui a entraîné un changement en profondeur du système bancaire. Ce qui est sûr, c'est que les banques n'ont jamais été aussi solides, aussi fortement capitalisées, aussi peu endettées et assises sur autant de coussins de liquidités.
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Quel impact le surcroît de réglementation a-t-il eu sur l'activité de Goldman ?
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Nous nous sommes adaptés. Notre métier nous impose de fonctionner dans un monde donné avec des règles données. Le nouvel environnement reflète des choix politiques qui ne relèvent pas de la responsabilité des acteurs bancaires. Nous n'avons pas à nous plaindre, juste à nous adapter. In fine, ce sont les clients et les utilisateurs du système bancaire qui doivent y trouver leur compte.
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Diriez-vous que le système financier est aujourd'hui plus sûr qu'avant la crise ?
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Ça ne fait aucun doute pour les banques. Et même si le pendant des évolutions réglementaires, c'est que la quantité de risques accumulée dans le « shadow banking » (ndlr : la finance non régulée) a beaucoup augmenté, le système financier dans son ensemble est beaucoup plus sûr parce que ces risques sont moins concentrés. Ils sont distribués entre une multitude d'acteurs.
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Les banques européennes se plaignent souvent du fait qu'elles sont soumises à une pression réglementaire supérieure à ce que vivent leurs homologues américaines.
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Je ne le crois pas. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Quand je regarde Goldman Sachs, nous exerçons de toute façon notre activité de manière globale en nous soumettant aux réglementations de chaque pays.
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Une technologie comme la blockchain peut-elle bouleverser l'activité de Goldman Sachs, alors que vous vous positionnez comme une société technologique ?
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Cette technologie permettant d'authentifier des transactions de manière décentralisée, elle peut avoir des conséquences sur toute activité impliquant un tiers de confiance. En l'occurrence, nous ne sommes pas dans le métier des paiements ou de la compensation qui sont les plus ciblés. Plus globalement, les nombreuses innovations technologiques disruptives qui émergent actuellement et les fintech qui s'en emparent représentent une opportunité de faire notre métier plus vite, à moindre coût et même d'ouvrir de nouveaux champs d'expertise. Notre métier ne cesse d'évoluer, mais il ne change jamais complètement. Goldman Sachs reste avant tout une banque, mais quand je dis que nous sommes une société technologique, cela signifie que les technologies sont dans notre ADN. Elles mobilisent d'ailleurs un tiers de nos équipes et ce n'est pas nouveau.
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Estimez-vous toujours « faire le travail de Dieu » ?
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Je crois que cette expression me poursuivra longtemps ! L'activité centrale de Goldman Sachs consiste à réunir du capital pour lancer de nouvelles entreprises ou en aider d'autres à se développer pour, in fine, créer des emplois. S'il existe une force supérieure dans ce monde, elle apprécierait ce type d'activité !
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Quel est votre point de vue sur la France ?
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La France a créé des champions mondiaux et bénéficie d'une main-d'oeuvre très qualifiée. C'est aussi un marché important pour nous, parmi les six premiers au plan mondial, et Paris a été la ville où nous avons ouvert notre premier bureau en Europe continentale en 1987. Il y a, bien sûr, des défis et des problèmes à régler, mais le pays peut s'appuyer sur des atouts réels, comme la qualité de ses infrastructures, des talents très nombreux et une position unique au coeur de l'Europe, pour soutenir son attractivité. Nos prévisions sont positives pour la France sur les prochains mois et nous estimons que la croissance du PIB en France devrait être supérieure à celle de l'Allemagne pour 2017. Nous pronostiquons même la victoire de la France à l'Euro 2016 (voir lien vers source en bas de page).
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Michel Garroté
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http://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/0211014162131-trump-brexit-wall-street-les-confidences-du-patron-de-goldman-sachs-2005228.php
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Un magnifique catalogue de platitudes (et de mensonges). Il se moque du monde.