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Depuis « l’affaire Sokal » en 1996, la pratique du canular académique, c’est-à-dire la publication d’un faux grossier dans une revue académique pour dénoncer le manque de sérieux d’un courant ou d’un auteur est devenue pratique courante.
En juin 2015, le carnet Hypothèse (réseau francophone de blogs académiques) « Zilsel », dont le sujet de prédilection est l’épistémologie des sciences sociales, avait réussi à publier un article bidon sur Maffesoli, dans la revue qu’il avait créé et qu’il est supposé diriger.
Badiou Studies
Ce 1er avril, c’est au tour d’Alain Badiou, l’un des derniers des Mohicans français nostalgiques du maoïsme, de faire les frais de Zilsel. Ses auteurs ont réussi à publier dans le numéro 4 de la revue anglophone Badiou Studies, qui avait pour thème « Towards a Badiouian Feminism », un article totalement bidon avec pour titre « Ontology, Neutrality and the Strive for (non)Being-Queer ».
Si l’article de Sokal paru en son temps dans Social Text n’avait pas été revu par les pairs, il semble que dans ce cas-ci, l’editorial board de Badiou Studies a bel et bien accepté le texte… avant de le retirer deux jours plus tard, une fois la supercherie dévoilée publiquement.
À la sortie du numéro, les deux auteurs du canular, Anouk Barberousse et Philippe Huneman, ont publié sur Zilsel un très long article qui revenait sur les raisons de s’en être pris à Badiou. Il y avait, pour résumer, trois motivations.
D’abord, le décalage énorme entre le traitement médiatique de Badiou, considéré comme le plus grand philosophe français vivant dans la presse (de gauche) alors qu’il est quasiment inexistant dans le monde académique de sa spécialité (la philosophie des mathématiques) et fortement critiqué quand il est pris en compte.
Ensuite, peut-être le plus important, les auteurs de Zilsel s’étaient attachés à montrer que cette renommée venait de la capacité de Badiou à rester à l’interface entre monde académique et monde médiatique, ce qui permettait de jouer la carte du rebelle qui pense hors des murs de l’université lors des débats avec le premier monde, tout en asseyant son autorité lors de ses interventions dans le second.
Argument d’autorité
Ainsi, si Badiou n’a que peu de légitimité en philosophie des mathématiques, il gagne en prestige politique chez toute personne se revendiquant de gauche, prestige qui, surfant sur l’anti-sarkozysme (son ouvrage De quoi Sarkozy est-il le nom ?), ne peut être entaché par sa production académique de toute façon hors de portée des non-spécialistes, sans parler du commun des mortels. Alors que l’argument d’autorité joue ici sa plus belle partition, il se double d’une proximité idéologique qui fait peu de cas de la rigueur intellectuelle.
Badiou a trouvé dans le post-modernisme des nombreuses X-Studies un public académique non-spécialiste de cette philosophie et réceptif à son discours, piochant par petits bouts là où il y trouve son compte, alors que, pourtant, dogmatique, dirigiste, maoïste et anti-relativiste, la pensée de Badiou s’oppose presque en tous points à ces études.
Enfin, troisième point soulevé par les auteurs, les textes philosophiques de Badiou sont une logorrhée incompréhensible, hors-sol, usant et abusant de techniques d’écriture limitant le débat tout en étant supposément profond.
Toute la supercherie démontre que les fans de Badiou s’embarrassent assez peu du contenu du texte, pour autant qu’il semble proche de ce que le maître raconte et que Alain Badiou, tout auréolé de son autoproclamé titre de plus grand philosophe français vivant, ferait mieux de surveiller plus étroitement les comités de lecture qu’il est censé présider. Sa crédibilité, déjà pas bien épaisse en dehors de l’extrême gauche et des contempteurs béats de la philosophie supposée complexe et profonde, vient d’en prendre un coup.
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Extrait de: Source et auteur
Bien fait! Il faut exposer cet imposteur intellectuel, ce cuistre qui s’est proclamé plus grand philosophe français contemporain, producteur de non-sens et de confusion tous azimuts depuis des décennies.