L’impasse immobilière

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

"L'achat d'une maison est devenu un rêve inaccessible" explique Le Matin du 30 mars, chiffres à l'appui ; inaccessible pour le commun des mortels, cela va sans dire. Reprenant une étude publiée par le quotidien 20 minutes alémanique sur la base d'une analyse de 800'000 annonces du portail immobilier Homegate, il ressort que la classe moyenne n'est plus en mesure d'acquérir un logement dans la plus grande partie de la Suisse.

Qu'on en juge: un couple avec enfant et des revenus annuels de 90'000 francs cherchant un objet raisonnable - une maison individuelle de 4,5 pièces - n'en trouvera pas dans 88% des communes du pays, dont l'ensemble des cantons de Genève et de Zurich. En augmentant les revenus à 100'000 francs annuels, 65% des communes du pays restent hors d'atteinte. Il faut disposer de 200'000 francs annuels pour espérer acquérir l'objet convoité à peu près n'importe où en Suisse, et encore, certaines communes restent tout de même inaccessibles, dont la ville de Zurich. Mais, à ce stade, peut-on encore parler de classe moyenne?

Une tendance lourde

Partant d'une base 100 en 2003, la courbe des prix montre clairement une hausse, mais ce n'est pas la seule. Les loyers prennent eux aussi l'ascenseur. Les résidents payent une proportion de plus en plus grande de leurs revenus pour simplement se loger, car les salaires ne suivent pas.

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Placer l'origine de la courbe en 2003 n'est pas anodin: c'est en effet en 2002 que l’accord sur la libre circulation des personnes est entré en vigueur. Il fallait donc attendre un an pour ressentir ses premiers effets sur le marché de l'immobilier, ininterrompus depuis.

En quatorze ans les prix sont montés de 36% - d'abord les prix des locations, puis les prix d'acquisition avec un léger retard. Fait accablant, les deux courbes ont été systématiquement supérieures à la hausse des salaires. "La libre-circulation des personnes a beaucoup amené à la Suisse" diraient ses adeptes ; c'est-à-dire, aussi, une énorme pression démographique qui a poussé l'ensemble des prix immobiliers à la hausse. Ce que la Suisse et les Suisses pensèrent gagner en croissance, ils le perdirent en loyers et en hypothèques.

Le défi est moins d'acheter la maison de ses rêves que de tout simplement parvenir à se loger, une épreuve que les familles de l'arc lémanique connaissent bien.

La Geste politique

Les indices d'inflation reposent sur des moyennes historiques et mettent l'accent sur les biens de consommation, ce qui permet aux autorités de minimiser l'impact du logement, signe essentiel de la dégradation économique de la vie en Suisse. Or, non seulement le logement est le premier poste de dépense d'une famille helvétique, mais il l'est de façon écrasante. Même les primes d'assurance-maladie sont loin derrière. Le déplaisir de découvrir la hausse annuelle des primes d'assurance-santé obligatoire s'efface devant la terrifiante perspective d'être obligé de déménager.

Le niveau des prix s'explique fort simplement par le mécanisme de l'offre et de la demande. Les constructions restent très lourdement réglementées. Les zones à bâtir vont et viennent au bon plaisir des politiciens. Si les immeubles semblent désormais pousser comme des champignons, les nouvelles constructions ne parviennent pas à rattraper des années de pénurie. Du reste, les Suisses voudraient-ils d'une vaste banlieue s'étalant de Genève à Zurich?

La question se pose puisque la demande, elle, ne s'est jamais tarie. L'utilisation du capital de retraite des salariés pour nantir les fonds propres d'une acquisition immobilière a été rendue plus difficile, mais la mesure s'apparente à une simple vexation. Cela ne change strictement rien pour tous ceux qui cherchent désespérément une simple location, et la racine du problème, le flot de nouveaux arrivants, ne faiblit pas.

Alors que la classe politique est déjà responsable de la situation, la tentation est grande pour des politiciens de s'emparer du dossier et prétendre faire quelque chose. Des aigrefins pourraient ainsi s'inspirer de la législation française dans ce qu'elle a de pire et introduire toute une gamme de mesures aussi démagogiques qu'inefficaces, s'attaquant aux effets et non aux causes.

On verrait - et on verra donc probablement - fleurir des lois pour le contrôle des loyers, la création de nouveaux appartements subventionnés, l'interdiction des expulsions, la gestion de diverses "priorités" au logement, et toute une ribambelle de régimes de faveur donnant autant de prétexte à une nouvelle corruption et de nouveaux passe-droits.

Le futur des prix immobiliers

Selon Claudio Saputelli, expert immobilier chez UBS, on relève des "essoufflements" et des régions comme Zurich ou Genève pourraient bien accuser des corrections allant jusqu'à 20%. Il faut espérer qu'il se trompe: l'effet serait catastrophique.

Les nombreuses personnes à la recherche d'un logement abordable aimeraient sans doute une baisse, c'est bien compréhensible. Mais une diminution franche des prix immobiliers ferait perdre leurs fonds propres à des milliers de familles. Elles y perdraient leurs avoirs de retraite. D'autres s'exposeraient à une vente forcée. Les banques seraient obligées de déprécier leur bilan en recalculant la valeur réelle de leurs prêts immobiliers. Tout un pan de l'économie menacerait de s'effondrer, dont les fonds de pension gérant les retraites par capitalisation des salariés.

De proche en proche, la crise immobilière toucherait toute l'économie, y compris ceux qui pensent qu'une baisse des prix ferait leurs affaires. Une baisse réelle des prix de l'immobilier en Suisse aurait des conséquences que ceux qui ont connu la décennie post-bulle des années 90 ne sont pas pressés de revoir.

A moins d'une hausse des taux, on peut plutôt tabler sur une stabilisation des prix, puisque le grand public voit ses limites financières désormais atteintes. Genève et Zurich donnent un aperçu du maximum tolérable des prix immobiliers. Les zones où ces tarifs se pratiquent vont peu à peu s'étendre - comme elles le font déjà à Nyon et d'autres villes de Suisse bien connectées à ces centres urbains.

Pour les nombreuses personnes qui n'arrivent pas à se loger, ce n'est évidemment pas une bonne nouvelle. A l'instar d'autres pays d'Europe, la Suisse voit donc fleurir toute une ribambelle de logements alternatifs: micro-maisons, camping, colocation, retour chez les parents, squats.

Sur ce dossier comme bien d'autres, l'idéologie de gauche domine au sein des élites jusque dans ses incohérences. La construction est mal vue, les promoteurs immobiliers méprisés, les Suisses attachés à leurs campagnes ; et dans le même temps, les vannes de l'immigration restent grandes ouvertes et la population du pays s'accroît de plus de 70'000 habitants par an.

Répétons-le, une baisse franche de l'immobilier jetterait le pays dans une crise financière ; la fuite en avant dans la hausse n'est pas plus tenable. Le seul salut est dans la stabilisation des prix à long terme, qui permettrait aux habitants du pays de revenir lentement dans la partie avec la hausse progressive des salaires. Mais tant que le solde migratoire dépasse le rythme des nouvelles constructions, il ne faut pas y compter.

Entre de jolis paysages, une Suisse sans frontières et des logements abordables, les citoyens doivent décider: deux de ces choix excluent le troisième.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 2 avril 2016

5 commentaires

  1. Posté par Un observateur le

    L’immigration est une chance pour la demographie, le communautarisme, les problèmes ethnico-religieux, ainsi que pour le patronat et la gauche. La Suisse a besoin d’Erythreens, de Soudanais de Kenyans, de Kosovars et de Syriens etc… qui sont tous éduqués , ingénieurs, médecins etc…et qui finissent a 95 % a l’aide sociale…
    Bien avant cette migration/invasion les Suisses ont été mis en esclavage par les lois, les banques, les fonds de pensions , les voleurs et les riches étrangers qui achètent l’immobilier comme rente.
    Comment se fait il que la même maison côté français est payée en 20 ans alors qu’à quelques kms une famille Suisse paie durant 3 générations .
    Faire payer un impôt des qu on a finit de payer sa maison est une saloperie qui empêche l’accès à la propriété en Suisse.
    A quand la prise de conscience des Suisses pour accéder à la propriété en changeant la loi ?

  2. Posté par aldo le

    Voilà un travail qui mériterait un site complet dédié à de pareils études. Excellente initiative que cette étude, et surtout son rattachement à 2003 et à la libre circulation. Il serait intéressant de faire la même avec la montée du coût des prisons, l’accroissement des délits, l’augmentation de coûts des assurances vol, et des assurances maladie. En parallèle avec l’augmentation de la population, la part d’immigration, et l’accroissement des naturalisations. Ceci devrait même être le fait de l’action étatique. Démontrer que la surpopulation a un coût à croissance exponentielle devrait pouvoir ce faire assez facilement, C’est très certainement déjà le cas, de cette répercussion, aussi dans les courbes ci-dessus.

    Dans le même ordre d’idées, il serait aussi intéressant d’étudier les primes d’assurances maladie depuis l’obligation de s’assurer. Qu’on ne nous fasse pas gober qu’il s’agit des vieux dont bon nombre finissent par claquer sans coûts particuliers alors que le sida et les maladies liées à la propagande pour la permissivité sexuelle pèsent très lourdement sur les traitements à vie et aussi sur l’AI. A ceux nombreux qui ne le savent pas, nos assurances maladie-accident ont développé un furoncle politico-juridique pour planquer les inutiles de la gauche, chargé en principe de poursuivre les responsables des frais quand il y en a. Mais concrètement on en est plus face à des trieurs de dossiers qui finissent dans des armoires ou des PC. malgré que leur action soient facturées aux caisses.

  3. Posté par Sergio Morosoli le

    Cette situation est voulue et construite de toutes pièces. Les Suisses sont un peuple de locataires et doivent le rester. Celui qui ne vivrait pas dans un logement le plus souvent collectif, en payant son loyer devient un dangereux réactionnaire. La gôche dixit.

  4. Posté par Pierre Steiner le

    C’est une très belle démonstration des coûts induits par l’immigration qui ne sont pas mis en évidence dans les argumentations parce que peu visibles à première vue. Comme disait Frédéric Bastiat il y a ce qui se voit et ce qui ne se voit pas en économie. Mais enfin on doit se consoler par le fait qu’on accueille tous ces ingénieurs érytréens et ces médecins afghans qui sont une chance pour la Suisse n’est-ce pas.

  5. Posté par Dominique Schwander le

    A ces coûts inaccessibles s’ajoutent des frais de transport pour tous ceux qui se logent loin de leur lieu de travail. Les cantons devraient créer des bourses d’échange, sans ces frais exorbitants de mutation et de notaire, pour que les familles et les couples de retraités échangent leurs logement afin que les travailleurs et leur famille puissent se rapprocher de leur lieu de travail et des collèges. De plus il faut diminuer drastiquement l’immigration qui occupent des logements et les routes et diminue bien trop depuis 2003 la qualité de vie des autochtones. Et si notre Banque nationale avait gardé notre or pour garantir notre monnaie, notre classe moyenne ne serait pas l’otage de l’UE euroatlantiste et des USA dont leurs monnaies aura bientôt la valeur du papier.

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