Les interventions militaires russes en Crimée et en Syrie ont démontré que l'armée russe a bel et bien tourné une page de son histoire.
Les réformes mises en place par Vladimir Poutine depuis quelques années, et cela malgré la résistance de certains haut gradés russes, semblent désormais porter leurs fruits. L'époque d'une armée russe sous-équipée basant sa puissance sur les vestiges de ses forces mécanisées issues de l'Armée Rouge, semble aujourd'hui révolue. En diminuant les effectifs de son armée, la Russie est désormais capable d'aligner une force de plus en plus professionnelle et de mieux en mieux équipée, conçue non plus pour assurer la défense de son territoire mais tournée vers les opérations extérieures. La volonté d'acquérir des navires de type mistral, c'est-à-dire des bâtiments de projection et de commandement, sorte de base avancée idéale pour mener des opérations loin de ses frontières, démontre une nouvelle approche stratégique pour ce pays qui se conçoit non plus comme une puissance régionale mais comme une puissance mondiale.
Or il existe un domaine dans lequel la Russie souffre toujours d'un important retard par rapport aux autres puissances, notamment occidentales, c'est celui de la communication. Il faut dire qu'en Russie, la « maskirovka », c'est-à-dire l'art de la dissimulation, est une véritable tradition ancestrale dans le domaine militaire. Afin de leurrer leurs ennemis sur leurs véritables intentions, les Russes ont pour habitude d'utiliser de nombreuses ruses pour désinformer et maintenir le doute chez l'adversaire. Une approche tout a fait compréhensible pendant des siècles mais qui pose aujourd'hui problème car elle n'intègre pas un changement majeur dans l'évolution des sociétés. Ces dernières se sont transformées depuis quelques décennies en véritables sociétés de consommation de l'information.
Souvenez-vous, durant la guerre du Vietnam, les familles américaines pouvaient voir quasiment tous les soirs les images des dernières batailles à la télévision. En janvier 2013, lors de l'intervention française au Mali, les internautes ont quasiment pu suivre en direct le saut des parachutistes français sur la ville de Tombouctou. Cette stratégie de la communication ne concerne pas seulement les grandes puissances, l'exemple le plus flagrant étant bien sûr le cas de l’État Islamique qui a opté pour une approche très offensive et particulièrement morbide pour diffuser son image. Un choix stratégique marqué par un certain succès, à tel point que désormais Daesh est devenu aux yeux de l'opinion publique mondiale, le seul et unique groupe jihadiste en Syrie, transformant ainsi les autres groupes (dont Al Qaïda) en de simples « rebelles ».
Mais du côté de la Russie, rien de tout cela. Lors de son intervention en Crimée, la Russie a volontairement fait passer ses troupes comme des rebelles opposés au nouveau pouvoir ukrainien alors que n'importe quel observateur ayant un minimum de connaissance sur l'armée russe, pouvait très bien voir que ces soldats n'avaient rien de « rebelles ». En Syrie, rebelote. La Russie a laissé planer le doute jusqu'au bout. Et si depuis, les russes abreuvent les médias de communiqués et de déclarations souvent difficilement vérifiables, les images restent rares. Une stratégie de communication qui semble volontaire puisque lorsqu'ils le souhaitent, les russes savent très bien communiquer comme le démontre la vidéo montrant le lancement de 26 missiles depuis des navires dans la mer Caspienne le 7 octobre dernier.
Cette absence de communication peut certes se justifier par des raisons de sécurité, mais elle reste un frein au développement de l'image de la Russie dans l'opinion internationale. Se taire c'est aussi laisser la parole à ses adversaires qui ne vont pas se priver de vous rabaisser. Or dans le cas de la Russie, les adversaires ne manquent pas et ils savent profiter de ses faiblesses. Il suffit de voir comment les médias occidentaux présentent systématiquement une communication officielle russe comme suspecte avec un emploi immodéré du conditionnel alors que les communications émanant de Washington et des différentes capitales européennes sont généralement traitées comme des vérités. On pourrait bien sûr crier à la malhonnêteté des médias occidentaux mais ce serait oublier trop vite les véritables carences de Moscou dans ce domaine. Certes, des efforts ont été fait avec le lancement de Russia Today en 2005 puis du site Sputnik plus récemment. Mais c'est très loin d'être suffisant, d'autant plus que ces deux médias plongent parfois, voire même souvent, dans une propagande assez grossière.
En choisissant une nouvelle stratégie en terme de politique internationale, la Russie doit s'en donner les moyens. En faisant abstraction de l'importance cruciale de la communication, elle choisit elle-même de maintenir cette image de « méchant agresseur » qui lui colle à la peau.
Jordi Vives, 17 octobre 2015
Tout au contraire , je crois percevoir une communication subtile, dosée, ciblée construite en parfaite cohérence avec les ambitions restaurées de la Russie de toujours, cela qu’il s’agisse de grands évènements populaires comme les JO par exemple ou les opérations militaires de reconquête et de pacification. Tout le contraire des tapageuses tartufferies néo-coloniales et “révolutionnaires” de l’occident oxydé qui font beaucoup de bruit pour autant de flops .
Il reste que nos media , en France , en particulier, sont au garde-à-vous devant le prix nobel de la pax terrorista dont ils reçoivent leur prompteur dédicacé , comme une authentique sainte relique de la religion du “progrès” contre l’humanité.
Il va sans dire que, pour le coup, cela n’enrichit pas sensiblement la communication russe.
Parlons peu et agissons efficacement, telle pourrait être la devise de l’armée russe. Elle a bien raison. La guerre n’est pas un spectacle hollywoodien pour faire mousser l’opinion publique. Et informer ses adversaire de ses intentions ne serait pas très malin. Attention Roger, sur mon prochain coup, je vais te faire un passing sur ton revers. T’es prêt ?
Jordi Vives se fourvoie complètement. Ce qui compte, c’est le résultat de son action. Comme au jeu d’échecs. Pourquoi dévoiler ses intentions et la façon dont on opère ? Les EUSA sont de grands amateurs de gesticulation, mais cela n’impressionne que les gens naïfs, pas les Russes. Ce qu’ils montrent, ce sont les résultats. Ils ne vont tout de même pas laisser la Syrie devenir une deuxième Libye…. Ils sont plus crédibles que les EUSA qui ont créé Daesh et feignent de vouloir l’éliminer, Ce sont des apprentis sorciers. La Russie va leur montrer comment procéder, sans grand tam tam sur ses medias, au demeurant de plus en plus suivis sur le Web.
La Russie actuellement c’est le grand type costaud qui agit sans trop parler.
Face à l’Occident dans le rôle du bonimenteur efféminé qui jamais ne fait suivre ses paroles d’action, l’opinion internationale a vite choisi, quelle que soit la stratégie de communication choisie par un camp comme par l’autre.
http://www.rense.com/general96/putinvobama.html
Or il existe un domaine dans lequel la Russie souffre toujours d’un important retard par rapport aux autres puissances, notamment occidentales, c’est celui de la communication.
Si leur retard sur nous est qu’eux ne roulent pas leur population dans la farine avec leurs médias, est-ce vraiment un retard et serait-ce vraiment désirable d’imiter nos médias ?
Il est évident que la Russie souffre de l’image du méchant puisque nous, les Occidentaux, sommes dans le camp du bien. C’est ce que l’on nous a rabâché depuis de générations. Les institutions, les romanciers et les cinéastes nous ont tous expliqué à l’envi que l’ennemi était rouge et qu’il venait de l’Est. Il faudra encore beaucoup de temps pour faire admettre que nous n’avons pas toujours et encore, quoiqu’il advienne, systématiquement raison.
Je me demande quel intérêt il y aurait à avertir par les ondes (radio et TV) l’ennemi de nos intentions ? C’est la méthode du barnum Américain, celui je ne sais plus quelle bataille de la guerre de sécession où le public était convié en spectateur, ou encore les fumisteries de la guerre du Golfe. Alors la propagande (et non pas la “communication”) peut jouer un rôle démoralisant, j’en conviens, mais c’est purement de l’esbroufe. Le vrai tacticien, le vrai stratège, laisse l’ennemi dans l’expectative, ne découvre son dispositif que lorsqu’il est trop tard pour s’y opposer.