La Russie et l’Iran lâchent-ils la Syrie ?

Michel Garroté
Politologue, blogueur


Russie-Iran-Syrie-2


Certains experts considèrent que le principal problème, c’est l’Etat islamique sunnite, et, non pas, l’Iran chiite nucléarisé. D’autres experts, à l’inverse, pensent que la bombe atomique aux mains des ayatollahs chiites iraniens serait une catastrophe pour la région. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que l’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps. Face à l’Etat Islamique (EI) qui veut anéantir les chrétiens en terre d’islam, le régime syrien de Bachar al-Assad n’est pas notre allié stratégique à long terme. Il est, ou plutôt, il devrait être - seulement et provisoirement - un partenaire tactique à court terme.

J’ai également eu l’occasion d’écrire, d’une part, que l’Administration Obama et l’Union Européenne ne sont pas désireuses de régler la crise syrienne ; et d’autre part, que l’Otan aurait dû mener une négociation secrète avec Poutine sur trois dossiers, et, non pas, sur un seul dossier, à savoir une négociation secrète conjointe sur l’Ukraine, la Syrie et l’Iran. L’Otan ne l’a pas fait - et ne le fera pas - pour deux raisons.

La première raison, c’est qu’Obama fait semblant de combattre l’Etat Islamique (EI) sunnite et qu’il négocie un accord désastreux avec l’Iran chiite, accord qui permettra à ce pays de poursuivre son programme nucléaire clandestin à vocation militaire. Obama favorise les deux branches de l’islam en même temps, la branche sunnite (avec l’Etat Islamique) et la branche chiite (avec l’Iran théocratique), car il veut détruire l’Occident, d’ici son départ de la Maison blanche.

La deuxième raison, c’est que l’Union Européenne (UE) a clairement choisi de coopérer avec les musulmans religieux, au détriment des musulmans laïcs. L’UE a signé des accords avec de hauts dignitaires islamiques, accords qui mettent fin à l’islam des dictateurs laïcs au profit des religieux musulmans intégristes. Ainsi, l’UE s’indigne face à Bachar al-Assad et elle s’aligne sur le Qatar.

La Russie, l’Iran et la Syrie

A propos de l’Iran, la Russie et la Syrie, le politologue Anthony Samrani, dans L’Orient-Le-Jour, a récemment publié l’analyse que voici (extraits adaptés ; voir premier lien vers source en bas de page) : Malgré toutes les divergences qui opposent les différents commentateurs de la crise syrienne, ils s'accordent généralement sur un point : sans le soutien de la Russie et surtout de l'Iran, le régime Assad serait probablement tombé. Ce soutien est d'abord de nature diplomatique. Il a permis au régime d'éviter l'isolement total sur la scène internationale, mais également économique, logistique et militaire. Moscou fournit les armes et l'énergie tandis que les pasdaran iraniens sont présents sur le terrain, conseillent et encadrent les combattants loyalistes.

Anthony Samrani : Ayant subi une série de défaites sur plusieurs fronts en seulement quelques semaines - Idleb, Jisr el-Choughour, Palmyre, Deraa - le régime syrien a plus que jamais besoin de ses deux alliés. Si le président iranien Hassan Rohani a encore réaffirmé le 2 juin que « l'Iran soutiendra jusqu'au bout Bachar el-Assad », il n'en reste pas moins que la guerre en Syrie commence à ressembler à une épine dans le pied pour Téhéran. Les pertes sur le terrain conjuguées au coût économique de l'intervention, moins prioritaire que celle menée en Irak aux yeux de Téhéran, pèsent lourd dans la balance. Téhéran aurait d'ailleurs expressément conseillé à Damas de renoncer à reconquérir toute la Syrie et de concentrer toutes ses forces dans la défense du littoral.

Anthony Samrani : La faiblesse désormais apparente du président Assad et la perspective des négociations sur le nucléaire pourraient sérieusement amener Téhéran à assouplir sa position en Syrie et chercher à trouver un consensus général avec les autres acteurs régionaux et avec les Occidentaux. Avec toutefois une ligne rouge à ne pas dépasser : le nouveau pouvoir à Damas ne devra pas entraver l'axe stratégique entre l'Iran et le Hezbollah. Davantage encore que les Iraniens, les Russes semblent désormais convaincus de l'urgence de mettre un terme à cette guerre. C'est pourquoi la Russie a parrainé deux sommets de négociations, à Moscou puis Astana, au Kazakhstan, entre le régime et l'opposition tolérée.

Anthony Samrani : Ces évolutions dans les stratégies de la Russie et de l'Iran en Syrie et en Irak ont donné lieu à une conférence organisée par le centre Carnegie au Moyen-Orient. Intervenant sur les relations qu'entretiennent Moscou et Damas, Nikolay Kozhanov, chercheur associé au centre Carnegie de Moscou, a cherché à répondre à la question suivante : pourquoi les Russes persistent-ils à vouloir soutenir le régime ? « Les observateurs ont relevé toute une série de raisons qui expliqueraient le soutien russe en Syrie : la pression du complexe militaro-industriel, la présence en Méditerranée avec la base de Tartous, la volonté de ne pas reproduire l'erreur libyenne ou encore le rôle de protection des chrétiens d'Orient. Mais ces enjeux traditionnels ne reflètent pas l'évolution des rapports entre Moscou et Damas entre 2011 et 2015 », explique M. Kozhanov. Selon le chercheur, les intérêts russes en Syrie ne sont plus tout à fait les mêmes. Il explique ce changement par deux raisons.

Anthony Samrani : D'une part, le nombre de Russes et même d'Ouzbeks, d'Azéris ou de Tadjiks ayant rejoint les rangs jihadistes d'al-Nosra ou de l'État islamique (EI) pose un sérieux problème de sécurité intérieure pour Moscou. « 2’000 Russes ont rejoint la rébellion en Syrie (plus grand contingent européen), et la Russie se demande comment elle va gérer le problème de leur retour », précise le chercheur. D'autant plus que, selon lui, ces jihadistes auraient l'intention de prolonger leur combat contre le régime de Moscou mais aussi contre les pouvoirs en place en Asie centrale.

Anthony Samrani : D'autre part, le dossier ukrainien, qui nécessite énormément d'énergie pour la Russie, affaiblit sa marge de manœuvre en Syrie. La Russie ne peut pas se battre sur deux fronts à la fois. « Moscou encourage le dialogue national en Syrie mais le soumet à deux conditions. Un : les institutions gouvernementales doivent rester en place, ce qui n'implique pas nécessairement Assad. Deux : l'intégrité territoriale de la Syrie ne doit pas être remise en cause ».

Anthony Samrani : Un consensus entre Russes et Occidentaux en Syrie apparaît donc possible dans une volonté de coopération globale contre le terrorisme. En tant qu'interlocuteurs privilégiés de Damas et de Téhéran, les Russes peuvent jouer un rôle central dans les futures négociations. Reste quelques obstacles tout de même, selon M. Kozhanov : les Russes n'accepteront pas la partition de la Syrie, ne veulent pas négocier avec les islamistes, jihadistes ou pas, et ne peuvent pas trop bousculer leur partenaire iranien. Sans compter que les tensions autour de la question ukrainienne ne mettent pas les parties dans les meilleures conditions possibles pour dialoguer. Les Russes cherchent en outre à développer de nouveaux partenariats dans la région. Ils le font déjà avec Israël et la Turquie, et ils renouent actuellement leurs liens avec l'Arabie saoudite (Mohammad ben Salmane, vice-prince héritier, s'est rendu au Forum économique de Saint-Pétersbourg) et avec l'Égypte d'Abdel Fattah el-Sissi.

Anthony Samrani : En mettant toutes ses cartes entre les mains de ses deux alliés, principalement entre celles de l'Iran, Bachar el-Assad a pris le risque de lier son destin à la solidité de ses alliances. Mais la Russie et l'Iran semblent aujourd'hui davantage préoccupés par la limitation de leur perte et la préservation de leurs intérêts que par le fait de sauver la tête du président syrien. Comme l'explique Khaled Hamadé, directeur général du Forum régional de consultation et d'études, également intervenant à la conférence du centre Carnegie, l'Iran voudra continuer à utiliser le territoire syrien pour lancer ses « guerres par procuration », même si le régime tombe. Selon lui, dans le pire des cas, Téhéran s'appuiera sur les milices pour préserver son influence en Syrie, concluait récemment le politologue Anthony Samrani, dans L’Orient-Le-Jour (fin des extraits adaptés ; voir premier lien vers source en bas de page).

L’Iran demeure un Etat terroriste

L'Iran est resté en 2014 un Etat soutenant le terrorisme international, a rappelé vendredi 19 juin 2015, la diplomatie américaine, en dépit du processus historique de négociations entre Washington et Téhéran sur le programme nucléaire iranien. L'Iran a continué de soutenir des groupes terroristes tout autour de la planète, a pointé le département d'Etat dans son rapport annuel mondial sur le terrorisme. La République islamique figure depuis 1984, aux côtés de la Syrie et du Soudan, sur une liste américaine d'Etats soutenant le terrorisme. Cuba a été retiré de cette liste fin mai. Washington relève notamment le rôle des Gardiens de la révolution, l'armée d'élite du régime iranien, et l'appui militaire apporté par Téhéran en Syrie et en Irak. Dans son rapport, le département d'Etat condamne le soutien de l'Iran au Hezbollah chiite libanais, à plusieurs groupes chiites irakiens et aux groupes palestiniens Hamas et Jihad islamique.

La situation au Liban

Alors que la Russie retire progressivement la quasi-totalité de ses experts et conseillers de la Syrie (voir deuxième lien vers source en bas de page), c’est maintenant le ministre adjoint des Affaires étrangères russes, Mikhaïl Bogdanov, qui a clairement fait savoir à l’ambassadeur du Liban à Moscou qu’il est plus que temps de sortir de l’impasse institutionnelle. Que le président du Courant Patriotique Libre Michel Aoun, allié chrétien du Hezbollah et de Bachar el Assad, mette de côté ses ambitions présidentielles, et qu’il s’emploie plutôt à convaincre ses « alliés » d’assurer enfin le quorum parlementaire nécessaire à l’élection du prochain président de la République.

Mikhaïl Bogdanov a insisté sur l’intérêt particulier que porte Vladimir Poutine à la situation du Liban et au fait que la présidence de la République soit nécessairement attribuée à un chrétien selon la Constitution libanaise et sur la responsabilité des puissances régionales dans la résolution de cette impasse institutionnelle – ajoutant que le soutien de Téhéran aux exigences d’Aoun n’est pas justifié. Il a également mis en garde contre un « entêtement insensé » du chef du CPL, qui pourrait bien lui faire perdre d’autres nominations en cours de négociation, comme celle de son gendre le général Chamel Roukoz à la tête de l’armée libanaise (voir deuxième lien vers source en bas de page).

Michel Garroté, 24 juin 2015

Sources :

http://www.lorientlejour.com/article/930480/quand-teheran-et-moscou-commencent-a-changer-de-politique-en-syrie.html

http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2015/06/la-russie-met-la-pression-sur-le-g%C3%A9n%C3%A9ral-aoun-au-liban.html

   

4 commentaires

  1. Posté par Derek Doppler le

    Ça sayanime sec par ici. Un peu de retenue, j’aime bien me faire enfumer avec classe, quand même.

  2. Posté par Jacques le

    Cet article est totalement biaisé en faveur de la ligne israelo-sunnite. Israël a l’arme nucléaire et dénie la possibilité d’une parité équilibrante à l’Iran, lui faisant un procès d’intention. Il qualifie l’Iran d’Etat terroriste alors que les Saudis sont en train de bombarder à tour de bras leurs voisins. Rien de nouveau, Garroté est connu pour sa propagande israelophile….

  3. Posté par Erkangilliers le

    Non, ni la Russie ni l’Iran ne laissent tomber la Syrie, ces pays étant bien plus fidèles à leurs alliés que leurs adversaires et, l’échec en Syrie de la “coalition du Bien”, celle qui toujours apporte mort, destruction, misère et abominations sous prétexte d’apporter la démocratie et la liberté, signe la fin de la domination unilatérale que les élites de Washington ont voulu, par la terreur, imposer au monde.
    L’Iran comme la Russie ont maintenant tant d’alliés que déjà Obama négocie avec l’Iran et que toutes les simagrées criminelles pour nuire à la Russie restent lettre morte et reviennent en boomerang dans la face des alliés européens des USA.
    Non-seulement l’Iran et la Russie ne lâchent pas la Syrie mais c’est bien le contraire qui se produit: de plus en plus de nations lâchent les USA et leur domination par le dollars arrive à son terme, la Russie étant un bien trop gros morceau pour quiconque sur cette terre.
    Demandez un peu à Hitler et Napoléon ce qu’ils en pensent.

  4. Posté par D. Baettig le

    Les partisans d’Israël sèment la confusion et la désinformation. L’entité sioniste possède l’arme nucléaire, sans légitimité et soutient les djihadistes contre Assad, les chrétiens libanais, l’Iran et la Russie.
    Tout le reste n’est qu’enfumage

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