L’arrivée massive et continue de migrants en Europe à travers la Méditerranée a relancé de plus belle le débat sur la politique d’asile dans les pays européens. La Suisse, proportionnellement à sa population, accueille une partie importante de ces migrants qui viennent pour un grand nombre d’entre eux de pays africains. Quelle politique d’asile est souhaitable pour notre pays ? Nous avons confronté le point de vue de Romain De Sainte Marie, député socialiste au Grand conseil du canton de Genève, à celui de Thomas Mazzone, journaliste indépendant et écrivain.
Alimuddin Usmani : Romain De Sainte Marie, une partie de la gauche s'est fortement mobilisée pour qu'Ayop Aziz, ce ressortissant tchadien menacé d'expulsion vers l'Espagne, reste en Suisse. Vous même avez contribué à faire pression sur Pierre Maudet pour qu'il infléchisse sa position. Comment évaluez-vous la politique d'asile menée par la Suisse?
Romain De Sainte Marie : La Suisse possède une tradition humanitaire et d’accueil particulièrement importante. Genève en est d’une certaine manière l’expression la plus saisissante en abritant les sièges d’Organisations internationales et non-gouvernementales. Son nom est même synonyme de droits des réfugiés avec la Convention de Genève, dont la Suisse est signataire. Rappelons que ce traité qui fixe le statut des réfugiés recommande aux gouvernements d’offrir tant l’asile que la possibilité de rétablissement.
Il est dès lors regrettable de constater un réel durcissement des conditions d’asile en Suisse depuis les années 2000. Rappelons la dernière réforme en date, que la majorité du peuple a largement acceptée en 2013, qui ne reconnaît plus le statut de déserteur comme réfugié et qui restreint considérablement les conditions d’asile et de regroupement familial.
Le drame du centre de requérants des Tattes est révélateur des conditions catastrophiques octroyées aux demandeurs d’asile. Certes, comme l’avait dit Michel Rocard au sujet de la France « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Garantir une politique d’asile respectueuse des humains qui la demandent représente un coût. Mais pour un pays aussi riche que la Suisse (4ème richesse mondiale en matière de PIB par habitant), il est de notre devoir de faire preuve d’un minimum de solidarité avec les peuples les plus défavorisés.
Dès lors, aucun argument économique, ou pire, culturel, ne peut être supérieur au principe de solidarité. C’est exactement ce type de valeurs qui ont animé des personnes comme Henri Dunant, fondateur de la Croix rouge, et qui ont porté l’image de la Suisse dans le monde.
Une tradition doit se cultiver pour perdurer. Or, il semble que la Suisse perde petit à petit ses valeurs humanitaires et d’accueil qui la caractérisent. A moins que l’on retrouve un semblant de solidarité.
Thomas Mazzone : Si l’on regarde les règles éthiques autrefois imposées par l’Eglise, je crois que sur le plan du concept et de l’esprit, elles étaient bien supérieures à lesdites “Conventions de Genève”. On a beaucoup critiqué l’Eglise quant à l’application de l’esprit chrétien, mais sans rentrer dans un débat historique, j’entends tout de même signaler que les forces majeures sur le Globe n’ont que faire des présentes conventions, du moment où elles deviennent contraignantes. Ainsi, lors de la guerre d’Irak, une région entière a été contaminée à l’uranium appauvri, fléau qui durera sans doute pour des générations (avant une dispersion relative de la substance radioactive). C’est donc au nom d’un principe qui n’est appliqué qu’à l’avantage des Puissants qu’on voudrait nous vendre ce que j’appelle une “immigration déguisée”.
Loin de prendre le problème de façon bornée - qui voudrait qu’on admette comme réalité inéluctable la lutte géopolitique entre Américains et Russes - , il faut, en effet, tenter d’avoir une vue d’ensemble. L’Afrique est ravagée par ce jeu des ressources, mais ni les USA ni la Russie ne subit l’immigration. En outre, ces flux de réfugiés ne sont souvent même pas une conséquence directe de la politique d’un état tiers, mais de jeunes hommes spécifiquement visés, à qui on a fait miroiter l’espoir d’une vie meilleure (par diverses voies d’information) et qui parviennent tout de même à payer entre 1000 et 6000 € pour une traversée en Méditerranée, somme souvent inimaginable pour le salaire horaire du pays d’origine. Pour que ce financement leur parvienne, cela nécessite au moins l’approbation des gouvernements des pays en question. Dès lors, peut-on vraiment parler de gens en danger?
Un regard sur les morts au quotidien nous dépeint l’Afrique du Sud, avec 50 meurtres par jour, comme beaucoup plus dangereuse, mais les descendants blancs d’Afrikaners, bien plus proches de nous sur le plan ethno-culturel pour réclamer une quelconque “solidarité”, parfois dans un état de maigreur indignant, n’ont pas le droit à l’asile. Ne cherchant qu’une terre à cultiver, on leur demande des sommes encore plus exorbitantes pour venir s’installer en Europe. Niveau besoin imminent, on pense aussi aux réfugiés de “l’Etat Islamique” (bien doté en matériel américain): ils sont peu nombreux, en proportion, à venir chez nous.
Enfin, il ne faut pas négliger le fait que la Suisse, avec une densité de 200 habitants par mètre carré, ne peut pas se permettre un tel taux d’accueil. Globalement, c’est une politique de mort programmée, explosive pour le Monde entier: moins la Suisse pourra produire sa propre nourriture, plus sa responsabilité - à cause des besoins d’import - sera grande sur l’échiquier géopolitique, et plus son action permettra de déguiser les crimes des états prédateurs en limitant la casse par l’accueil des requérants. Une politique centrée sur soi-même et sur les intérêts des siens est, en dernière instance, beaucoup plus humaine (parce que réaliste), que celle qui vise à jouer l’ignorance et la culpabilisation. Je crois que c’est dans ce contexte qu’il faut recentrer l’affaire d’Ayop Aziz, puisqu’il sera aussi question de son renvoi, finalement repoussé.
Romain de Sainte Marie : La conclusion de la prise de position de Thomas Mazzone est particulièrement intéressante et demande à ce que l’on s’y attarde. Sans vouloir vulgariser ses propos, l’immigration représente une menace pour la Suisse et le Monde. La clé du problème qui semble être proposée est le concept d’autosuffisance alimentaire. En quelques mots, si la Suisse arrive à nourrir uniquement ses « vrais Suisses », alors elle arrêtera d’affamer les pays en voie de développement pour ses propres intérêts.
En reprenant cette argumentation, on comprend que le réel problème n’est pas l’immigration en tant que telle, mais le système économique globalisé qui pousse à celle-ci. Et c’est parfaitement juste !
Le succès économique des pays occidentaux est dû à une exploitation des forces de production. La pensée capitaliste veut que les bénéfices produits pour le patronat et les actionnaires soient les plus importants et les plus immédiats possibles. Cette mentalité a conduit aux nombreuses délocalisations que nous connaissons. Et le constat s’avère pire encore, nous commençons à comprendre aujourd’hui que ces délocalisations ont eu des impacts positifs à court terme sur notre économie mais qu’elles entrainent des conséquences désastreuses à long terme : chômage, économie basée uniquement sur le secteur tertiaire, perte de l’outil de production et ralentissement de la croissance économique.
De plus, les puissances occidentales pratiquant une consommation énergétique élevée ont toujours cherché à s’assurer un apport en matières premières au moindre coût. Pour ce faire, l’occident a toujours cherché à exercer une main mise politique et économique sur ces pays, bien souvent du Sud. Corruption, instabilité politique, soutien à des coups d’Etat… la recette de notre ultra-consommation salit les mains ! Nous pillons ces pays pour assurer notre confort.
Dès lors, il est légitime de s’interroger sur la responsabilité que nous portons face à la situation humanitaire dans bon nombre de ces régions. Ces mêmes pays dont proviennent les immigrés que nous accueillons aujourd’hui et que certains stigmatisent.
Pour conclure, si nous souhaitons stopper l’immigration, cessons de provoquer celle-ci en instaurant la misère et soyons responsables. Les frontières ou les murs n’arrêteront pas les humains qui vivent dans la misère. Ne nous voilons pas la face. Il est insupportable de vivre de tragiques événements comme ce récent naufrage avec plus de 700 immigrés morts dans la Mer Méditerranée. Prenons de réelles mesures afin d’assurer un développement économique et social à ces pays producteurs de matières premières. Cela aura un coût pour nous, pour chaque citoyen-ne-s de notre pays, mais tout le monde sera bien plus heureux !
Thomas Mazzone : Je tiens d’emblée à préciser que “l’Occident”, tel que décrit par les idéologues de gauche, ne permet pas de pointer avec exactitude la tare qu’on souhaite lui attribuer. Selon cette définition usuelle, tous les “peuples blancs” des pays dits développés seraient responsables du pillage du Tiers-Monde, mais si l’on creuse un tant soit peu, on peut judicieusement redéfinir “l’Occident” comme un messianisme planétaire qui, selon la vision d’un petit groupe de financiers et technocrates utopistes, a pour but de rationaliser la production et les ressources dites humaines, afin de créer un monde idéal. Ces velléités s’appuient d’ailleurs souvent sur les organisations internationales, véritables temples de l’idéologie des Droits de l’Homme. Systématiquement, on dit que ces droits humains sont bafoués, mais n’est-ce pas précisément, parce qu’encore une fois, la définition qu’on leur associe n’est pas la bonne? En règle générale, toute chose est bonne dans ce pour quoi elle a été crée. Les Droits de l’Homme, déjà autrefois, avaient rapidement été dévoilés par la Troisième République (française) comme une raison d’aller “éduquer les races inférieures” (cf. Jules Ferry). Eh bien, je crois qu’au vu des “guerres d’intervention” souvent douteuses des Américains, ils n’ont, en effet, jamais tout à fait décollé de leur fonction messianique implicite.
Loin de l’utopie, on peut comprendre la sensibilité pragmatique observée, consistant à vouloir aider ceux qui, de gré ou de force, se retrouvent mal lotis une fois chez nous, mais on se doit aussi de comprendre un peuple d’autochtones, qui ne sait plus où se mettre, avec l’impression d’être chaque jour écrasé davantage par une machine qui semble le broyer. De façon tout à fait intéressante, “les blancs” qu’on accuse aujourd’hui d’avoir eu un passé esclavagiste ont, pour beaucoup, travaillé dans les mines, dans les usines ou dans les champs, alors même que les colonies étaient parfois moins pénibles à vivre. Les choses n’ont pas vraiment changé, mais la forme et les modalités ont opéré un glissement. Oh, bien sûr, vous me direz que la situation n’est pas comparable, mais moi, je pense que comparaison n’est raison que si les mêmes éléments mènent aux mêmes conclusions, dans l’objet comme dans l’élément de comparaison. La situation est plus subtile. J’entends bien qu’il puisse sembler insupportable de voir des gens mourir en mer, mais cela ne se produit-il pas aussi parce que ce système est alimenté par un laxisme dans l’asile et par une propagande résiduelle en Afrique, comme en témoignent migrants et écrits qu’on découvre sur place, notamment “Afrique Magazine”? Les passeurs se font grassement payer et, loin d’être directement menacés de morts chez eux, de nombreux migrants espèrent juste en ce qu’on leur a vendu comme une vie meilleure ; une vie qui, pourtant, pousse à la déprime et à l’hystérie nombre de nos concitoyens, qui les défait de toute substance et les délie de toute raison d’être. Mais il y a pire: cibler uniquement le maintien des requérants engraisse vraiment ce système, instrumentalisant des victimes objectives, comme Ayop Aziz, pour culpabiliser l’égoïste autochtone (qui est, pourtant, souvent loin de son foyer douze heures par jour pour gagner à peine de quoi payer son loyer, ses impôts et son assurance). Comme seule consolation, il peut se permettre de végéter une à deux heures par jour devant la télévision, assis dans un canapé confortable (mais payé en mensualités), avant de tomber de fatigue. La présence des réfugiés arrange aussi les milieux économiques, qui font tout pour pouvoir les régulariser ou les employer au noir. Cet étouffement, doublé d’une dynamique économique, produit fatalement une intensification des activités multinationales en Afrique ; activités qui concernent souvent des entreprises sur lesquelles - il ne faut pas se mentir- le salarié suisse et le petit patron “blanc” n’ont absolument aucun pouvoir.
Pour être constructif, dans un pragmatisme politique tenant compte de l’organisation sociale actuelle, il serait de bon ton que les “petits blancs” qui se sentent étouffer dialoguent directement avec les migrants, sans intermédiaire, car ces deux ne sont que des ennemis de circonstance, privés d’une diplomatie découlant directement de leur existence politique. On ne pourra jamais “(re-)construire” l’Afrique à coup d’ONG qui fournissent un salaire à des gauchistes capables seulement d’encadrer leurs “petits nègres”: on ne pourra le faire que si la force vive reste ou retourne sur place, que si l’on bâtit un programme mutuellement intéressé. A l’heure actuelle, le requérant, perdu dans les méandres administratifs, n’a, vers qui se tourner, que des associations qui vont parasiter son renvoi. Les autres, ceux avec qui ils auraient intérêt à dialoguer, n’ont rien à leur offrir. C’est ici, précisément, qu’il y a un manque à combler et les associations déjà existantes, plutôt que de jouer la carte du réfugié contre l’autochtone, pourraient se recycler dans la médiation. A la fin, en tout cas, il n’est absolument pas souhaitable, même pour un noir, qu’on se contente de l’accueillir pour exprimer une solidarité envers lui, sans remettre en question une situation extrêmement anti-naturelle et étouffante. Il n’a aucun intérêt à ce qu’on se serre les coudes avec lui, sans s’interroger sur l’absence de sagesse de ceux qui feignent réguler l’ordre du Monde, nous accompagnant de catastrophe en déluge et de déluge en apocalypse. C’était aussi l’avis du pasteur Martin Luther King, peu avant son assassinat ; il avait déclaré: “mais j’en suis venu à croire que nous sommes en train de nous intégrer à une maison qui brûle”. Ma proposition peut relever de l’utopie politique, mais c’est probablement la seule option pacifique parce que, lorsqu’un ballon se rapproche rapidement du sol, on en vient vite à lâcher du lest. Et lorsqu’on en arrive là, les bons sentiments ne forment alors plus qu’un vague souvenir, malheureusement.
* ”But I've come to believe we're integrating into a burning house”
Je vous laisse maintenant un mot de conclusion à chacun pour ce débat.
Romain de Sainte Marie : La crise qui se produit actuellement à Genève est révélatrice d’une situation catastrophique en matière d’asile. « Pourquoi investir des moyens pour des requérants d’asile, dont l’entrée en matière est refusée et qui devront, de toute façon, quitter le territoire dans plusieurs mois ? ». Tel est le type de question que certains peuvent se poser. A premier abord, il peut sembler légitime de s’interroger et d’effectuer une analyse rationnelle concernant cette charge.
La Suisse, comme la plupart des pays européens connaît un grand nombre de réfugiés. Guerres civiles, dictatures, persécutions de minorités, guerres, alimentent un flux toujours plus important de réfugiés provenant actuellement principalement de pays d’Afrique et du Moyen Orient. Très prochainement, la Suisse accueillera 3000 nouveaux réfugiés de Syrie qui fuient le massacre en cours de la population prise en otage entre la dictature de Bachar El Assad et l’Etat Islamique.
La première question est pourquoi la Suisse doit-elle accueillir ces hommes et ces femmes. Je ne répéterai pas les propose que je tenais dans le précédent texte. Mais il s’agit ici d’un devoir de responsabilité qui repose sur le principe de solidarité vis-à-vis d’êtres humains qui souffrent et qui nécessitent un refuge et une aide. Ne pas agir en observant cela de loin, c’est être complice du crime !
Une fois le constat établi de l’obligation morale d’intervenir, se pose la question des moyens à investir dans cette aide.
Aujourd’hui, à Genève ainsi que dans d’autres cantons suisses, existe un réel problème de manque de places d’accueil pour ces requérants. Pour pallier à ce manque, la principale réponse a été l’ouverture d’abris souterrains de la protection civile. Cette solution initialement à but provisoire, semble être devenue définitive. En effet, certaines personnes vivent jusqu’à 18 mois dans ces abris. Si la solution est légitime et sensée, son application pour des durées extrêmement longues entraîne de graves séquelles chez les réfugiés qui y vivent.
La promiscuité entre les individus à l’intérieur, le confinement, l’incapacité de pouvoir cuisiner, des lumières qui restent allumées toute la nuit, ces conditions entrainent le développement de maladies physiques et psychiques.
Infliger de telles conditions à des êtres humains est inadmissible dans un pays aussi riche que la Suisse. Encore une fois, il ne s’agit pas d’accueillir toute la misère du monde ou d’oublier celles et ceux qui vivent déjà en Suisse avec si peu. Non, il s’agit de mettre à disposition les moyens et les infrastructures nécessaires pour garantir des conditions d’accueil minimales. Concrètement, les abris PC ne doivent plus accueillir des individus pendant une durée supérieure à 3 mois. Les pouvoir exécutifs, tant au niveau national que cantonal, doivent adopter une attitude responsable et agir dans les plus brefs délais dans ce sens.
Thomas Mazzone : L’asile, à proprement parler, nécessite d’être grandement révisé à la baisse et analysé de façon pragmatique, sans s’encombrer d’irrationalité sentimentale. Dans un premier temps, il est nécessaire d’envisager sérieusement des solutions de retour, de privilégier le traitement des demandes en amont et d’avoir une vision d’avenir locale, afin de combiner la création de structures d’accueil en Afrique et l’assainissement du continent noir. Il ne serait pas judicieux de continuer de traiter avec les responsables des mouvements géopolitiques provoquant la migration, si ceux-ci venaient à entraver par leur influence l’établissement des structures proposées. Le cas échéant, il serait urgent de les pointer comme principaux responsables des crises migratoires et de les traduire, autant que faire se peut (et au moins jusqu’à ce que les masques ne tombent), devant les tribunaux où ils ont, aujourd’hui encore, le choix exclusif des accusés. Il ne faut pas se leurrer: l’impulsion est principalement américaine et entraine l’Union Européenne dans son sillage, avec des visées qui font souvent converger socialisme international et technocratie planétaire.
Certains contesteront cette analyse globale, mais, en tant que pays, le fait est qu’à devoir être soumis à un ordre supra-national, autant désigner les responsables jusqu’où l’on peut les voir, directement et non par dissolution systématique des responsabilités entre les différentes instances et institutions politiques ; et surtout au lieu de faire passer d’autres victimes (les peuples européens en général) pour les coupables de cette grande confusion. Il est évident que le requérant, en lui-même, bien que parfois non totalement innocent, est toujours victime de cet état de fait, mais il est aussi clair que l’introspection à faire ne se situe pas, en matière d’asile, dans notre quotidien et dans nos prétendues responsabilités lointaines, mais en premier lieu dans un retour sur l’idéal confortable que nous avons bâti autour de notre organisation politique ; l’idéal dont nous nous disons - pour ne pas avoir à y penser - qu’il serait le sommet d’une progression arithmétique. En effet, l’état de fait qui poursuit cette courbe aux apparences de perfection est de plus en plus contre-nature et vire dangereusement à la catastrophe. Le comble du cynisme serait de souhaiter longue vie à ce modèle et de vouloir le répandre sur la Planète entière, comme le font les flamboyants promoteurs de la démocratie globale, taillée dans un marbre unique ; ces gens mêmes qui ne voient aucun problème à remplacer une population par une autre et à faire migrer, à l’envi, des individus dans un monde indifférencié.
Plus que l’arrêt de l’asile irresponsable, la re-migration et la reconstitution de notre société dans une perspective de défense du “chez soi” contre des intérêts globaux insoutenables, parfois même immatériels et impersonnels, sont un impératif si on souhaite donner aux peuples les moyens de poursuivre l’aventure de la Civilisation, celle qui ne porte ce nom que parce qu’elle permet à l’humanité qui est en nous de s’épanouir en lieu et place de la bestialité, chose qui tient à cœur à mon contradicteur.
Débat organisé par Alimuddin Usmani (initié le 13 avril, publié le 22 juin 2015)
photo: www.diebadhonnefer.de
Cher BLUM Dominique,
Je vous remercie pour nous avoir communiqué cette éclairante interview, ainsi que pour votre commentaire en général. Pour vous répondre, il me semble que la Chine est plus directe dans sa politique africaine, et, de fait, parfois plus visible que d’autres, qui préfèrent utiliser des moyens plus détournés et moins identifiables au premier regard. Quant à savoir si c’est le pire des acteurs africains, je n’en ai pas idée, car l’évaluation globale de la question requiert une enquête précise et, il faut dire, l’établissement de critères assez subjectifs. Cela étant, l’interview que vous avez proposée nous donne un possible début de réponse:
“S. C. – Y a-t-il un quelconque avantage à la présence chinoise en Afrique ?
W. G. – Un avantage hypothétique : cette présence pourrait permettre aux Africains de mieux négocier les contrats avec leurs partenaires. Ils pourraient jouer les uns contre les autres, menacer les sociétés occidentales de donner les marchés aux Chinois, et inversement. Si Pékin n’ouvre pas son marché aux produits africains, pas de contrat ! Pour l’instant, seules sont exportées en Chine les matières premières agricoles mais surtout minérales, comme le platine et le chrome, très demandés par l’industrie chinoise. ”
Bien à vous,
T.M.
Excellent débat! Mais qui sert à qui et à quoi? A la fin des années -50 il y avait l’ouvrage”L’afrique est mal partie”(Dumont) et le drame c’est que rien n’a changé. L’Afrique est en déconstruction et c’est pour cette raison que les familles apprennent aux gosses d’aller en Europe. Exemple, Rhodésie pays riche puis le même, Zimbabwe pays ruiné!
Echange très éclairant.
M. De Sainte Marie pointe, comme il convient à un socialiste, le “puissances occidentales” prédatrices, en résumé.
M. Mazzone, de son côté, pointe “les visées qui font converger socialisme international et technocratie planétaire”;
Ce n’est pas moi qui les départagerai.
Après avoir regardé sur wikipédia pour vérifier mes souvenirs, j’aurai UNE QUESTION à poser à ces deux messieurs: quelles sont, à votre avis, les réalisations les plus enviables du socialisme chinois en Afrique? L’exploitation éhontée des ressources minières et pétrolifères des pays où ils se sont implantés? la corruption active des chefs de gouvernement des pays ciblés, en vue de s’y installer le plus commodément? L’édification d’infrastructures d’importance secondaire (par des Chinois, au détriment de la main d’oeuvre africaine) plutôt que d’infrastructures capitales pour l’accession de l’Afrique à la vraie autonomie?
Je vous suggère vivement la lecture de l’interview de William GUMEDE, professeur à Johannesburg par Sabine Cessou, journaliste, publiée dans le No 137 (Automne 2012): “LA CHINE EN AFRIQUE” Politique internationale “.
Cela ressemble au débat entre les créateurs de richesses qui défendent leurs acquis (pour eux mêmes, leurs enfants, et pour leur communauté), et les consommateurs improductifs qui s’achètent une bonne conscience en prétendant partager ces richesses avec le monde entier. Les méchants capitalistes et les vertueux socialistes.
Excellent débat. Je me retrouve plutôt dans la vision de Thomas Mazzone mais il faut saluer ce député socialiste qui ne s’est pas défilé et qui a bien voulu débattre.