Événement à la faculté de lettres de Brest où, à partir de jeudi 4 juin 2015, des historiens vont débattre autour d'une encyclique papale du 14 mars 1937 qui condamne violemment le national-socialisme. Le colloque dure jusqu'à samedi 6 juin 2015 et propose une lecture des rapports entre catholicisme et nazisme. Fabrice Bouthillon, professeur à la faculté de lettres de Brest, et Marie Levant, qui s'apprête à publier une thèse sur la diplomatie du Saint-Siège entre 1920 et 1934, ont réuni, pour ces jours, un plateau où historiens italiens, allemands, israéliens et français vont se pencher sur un sujet resté sulfureux au fil des ans.
Il y sera question des rapports entre l'Eglise et le régime nazi, via une encyclique papale publiée par Pie XI en mars 1937 appelée « Mit brennender Sorge ». Spécialiste renommé de ce pan de l'histoire, Fabrice Bouthillon précède la question béotienne. « Le grand public connaît le silence du Vatican lors de la Seconde Guerre mondiale et il a raison. Le Saint-Siège n'a rien dit ni rien fait, même s'il a aidé des Juifs au cas par cas ». Mais cette politique conduite par Pie XII n'est sans doute pas celle qu'aurait adoptée son prédécesseur, Pie XI, mort avant le début de la guerre et lui ayant laissé le Saint-Siè ge aux premiers mois de 1939.
« En 1933 pourtant, explique Fabrice Bouthillon, le Vatican ne voit pas d'un mauvais oeil l'arrivée de Hitler au pouvoir, parce qu'il le sait hostile au communisme qui prône l'éradication du christianisme. Et puis, le nazisme a deux versants, l'un totalitaire et l'autre conservateur. Pie XI espère que le versant conservateur prendra le dessus ». Les espoirs sont vite douchés et le pape va réagir par le biais de ce texte, qui va voyager, en valise diplomatique, pour être lue le jour des Rameaux, dans toutes les églises catholiques allemandes. « Le régime n'a rien vu venir. Dans la terrifiante machine de propagande, la lecture de cette encyclique est l'une des rares défaites de Goebbels ».
Le texte est important. Il rappelle notamment que « c'est la croix du Christ qui sauve et pas la croix gammée » et, qu'au plan politique, le régime nazi a trompé le christianisme en menant une guerre d'extermination. « La réponse est immédiate. D'abord traité par le mépris, le clergé allemand est déporté à Dachau, appelé le camp des prêtres. Tout, dans l'attitude nazie, n'est que mépris et représailles ». Reste que cette encyclique va dépasser de beaucoup les frontières allemandes et se distiller dans l'Europe entière.
Lors du colloque, des historiens diront comment les catholiques Espagnols ou Italiens ont réagi, face à ce texte qui ne laisse pas le choix entre l'un et l'autre. L'historien du Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) Sébastien Carney dira, pour sa part, comment le mouvement nationaliste breton a accueilli « Mit brennender Sorge ». Fabrice Bouthillon, qui compte parmi ses invités Alberto Melloni, directeur de la fondation des sciences religieuses de Bologne, se réjouit d'avance. Et notamment de mettre un peu de lumière sur ce pape « qui a refusé de choisir entre nazisme et communisme quand toute l'Europe le faisait », un pape qui, le jour du voyage de Hitler à Rome, a refusé de voir l'apothéose de la croix ennemie. « Il a fini par considérer que le plus solide ennemi du catholicisme, c'était le nazisme ».
Programme :
Jeudi 4 juin
14h : Accueil / Allocutions d’ouverture.
14h15 : Yvon Tranvouez, CRBC : Introduction.
Origines (session 1)
Modérateur : Frédéric Le Moigne.
14h40 : Bernard Bruneteau, Université de Rennes : L’antitotalitarisme chrétien à l’arrière-plan de Mit brennender Sorge.
15h : Marie Levant, Fondazione per le Scienze religiose Giovanni XXIII / CRBC : Le Reichskonkordat, compromis ou carte forcée ?
15h20 : Alessandro Bellino, Università Cattolica di Milano : La situazione cattolica nella Germania nazista : i processi contro il clero.
Débat / Pause.
Origines (session 2)
Modérateur : Tommaso Dell’Era.
16h30 : Filippo Frangioni, Florence : Il papato, il comunismo e la Divini Redemptoris.
16h50 : Peter Rohrbacher, Universität Wien : The race debate in the context of Mit brennender Sorge.
17h10 : Philippe Chenaux, Pontificia Università Lateranense : Aux origines de Mit brennender Sorge. Les tentatives avortées de condamnation papale du nazisme (1933-1937).
Débat.
Vendredi 5 juin
Doctrine (session 1)
Modérateur : Gianmaria Zamagni.
9h : Fabrice Bouthillon, Université de Bretagne Occidentale / CRBC : Au-delà, en-deçà. Mit brennender Sorge et le consalvisme.
9h20 : Christophe Chalamet, Université de Genève : Karl Barth devant Mit brennender Sorge.
9h40 : Paul Airiau, Paris : La dimension apocalyptique de l’encyclique et du dernier Pie XI.
Débat/Pause.
- Doctrine (session 2)
Modérateur : Philippe Chenaux.
10h40 : Raffaella Perin, Università Ca’Foscari Venezia : L’antisémitisme : une question absente dans Mit brennender Sorge.
11h : Tommaso Dell’Era, Università di Viterbo : The Totalitarian Issue in Divini Redemptoris and Mit brennender Sorge.
11h20 : Paolo Valvo, Università Cattolica di Milano : Il Messico nella Pasqua delle tre encicliche.
Débat.
Réception (session 1)
Modérateur : Alberto Melloni.
14h : Gerhard Besier, Sigmund-Neumann-Institut Dresden : The reception in Germany, in Kirchenkampf and in Nazism.
14h20 : Lucia Ceci, Università di Roma Tor Vergata : La ricezione in Italia e nel fascismo.
14h40 : Gianmaria Zamagni, Westfälische Wilhelms-Universität Münster : La réception en Espagne et dans le franquisme.
Débat / Pause.
Réception (session 2)
Modérateur : Marie Levant.
16h : Michel Fourcade, Université Paul Valéry-Montpellier 3 : La réception en France et dans la résistance.
16h20 : Sébastien Carney, Université de Bretagne Occidentale / CRBC : Mit brennender Sorge et le mouvement nationaliste breton.
16h40 : Lorenzo Botrugno, Università Cattolica di Milano : La diplomazia britannica e la Mit brennender Sorge.
Débat.
Samedi 6 juin
Postérité ?
Modérateur : Lucia Ceci.
9h : Emma Fattorini, Università di Roma La Sapienza : Della Mit brennender Sorge ai silenzi di Pio XII.
9h20 : Jean-Luc Evard, BDIC-Paris : Jules Isaac, Jean XXIII et Nostra Aetate.
9h40 : Alberto Guasco, Unilink Campus University-Roma : Il Papa Paolo VI, la questione ebraica e Israele.
Débat / Pause.
10h50 : Karma Ben-Johanan, Tel-Aviv University : Christianity, Racism and Antisemitism in the Israeli Discourse.
11h10 : Alberto Melloni, Fondazione per le Scienze religiose Giovanni XXIII : Conclusions.
Les séances auront lieu dans l’amphithéâtre n°3, faculté Victor Segalen (20 rue Duquesne, Brest).
Contact / organisateurs :
Marie Levant ([email protected])
Fabrice Bouthillon ([email protected]).
Source :
Je vous invite alors à relire le texte ci-dessus, ainsi que le programme du colloque, et vous verrez, contrairement à ce que vous en avez compris, qu’il s’agit de mettre en lumière une encyclique non pas tombée dans l’oubli mais assez peu connue du grand public, et qui incarna bien, au delà des limites qu’elle pose, et à propos desquelles les conférenciers, assez peu d’accord entre eux, ont eu le loisir de débattre, une résistance, de la part du chef de l’Eglise romaine, au nazisme (les témoignages de ceux qui en ont écouté la lecture, en chaire, le Dimanche des Rameaux, jour qui réuni les foules parmi les 14 000 églises que comptait alors l’Allemagne, montrent que c’est bien ainsi qu’elle fut comprise). Donc non, il ne s’agit pas de “ne parler que de silence et d’inaction”, ni “d’accuser sans nuances”: c’est tout le contraire.
Les présupposés idéologiques de M. Bouthillon sont extrêmement contestables. On peut toujours utiliser des textes pour leur faire confirmer des affirmations préétablies. Quant à la participation de M. Melloni, c’est un signe supplémentaire de non crédibilité, car c’est un procureur à charge de tout ce qui concerne le St Siège. Bien sûr, on doit dire que personne n’a fait suffisamment pour sauver les juifs, (surtout les alliés et leurs armes) l’Eglise y compris, mais ne parler que de silence et d’inaction est caricatural. N’y croiront que ceux qui ont décidé d’accuser sans nuances.