Depuis le drame de la semaine passée, on débat de ce qu’il faudrait faire en réaction aux centaines de migrants africains morts dans la Méditerranée. Mais dans le flot des réactions, les contradictions et les analyses à courte vue ou totalement contre-productives se multiplient.
Déplorer les effets dont on chérit les causes
D’abord, comment ne pas voir que ces morts sont aussi le produit de la société construite depuis des décennies, où le laisser-faire et le laisser-passer favorisent justement l’immigration illégale en réduisant les contrôles aux frontières, quasiment effacées en Europe. Et si de nombreux Africains sont prêts à payer des fortunes pour traverser la Méditerranée, c’est du fait de l’écart de développement entre les deux rives, mais aussi à cause du modèle économique que nous y avons promu, plus instable, et donc plus dur pour des peuples dont une partie peut finir par préférer tenter une aventure chère et risquée, se couper de leurs racines et leurs familles, la marque d’une forme de désespoir.
Et il est tout de même effarant que Le Monde, Libération ou Daniel Cohn-Bendit évoquent comme solution l’ouverture plus grande des frontières, qui ne ferait qu’augmenter le nombre de bateaux sur la Méditerranée. Comment croire qu’une telle mesure pourrait réduire le nombre de victimes, à moins de ne mettre aucune limite à l’immigration venue d’Afrique, ce qui est inenvisageable ? L’UE, comme souvent, s’est contentée de promettre davantage de moyens pour patrouiller mais il est frappant de ne voir aucune mesure annoncée pour aider le développement de l’Afrique ou pour réduire l’intérêt des migrants de franchir la Méditerranée, ce qui représentent tout de même les deux enjeux majeurs ici.
L’immigré illégal, ce héros
Mais il y a également un aspect saisissant dans cette affaire, comme avec l’affaire Léonarda ou le drame de Lampedusa. C’est comment l’immigré illégal est devenu le héros d’une certaine gauche, comme l’a décrit Jean-Claude Michéa, la figure victimaire ultime de nos sociétés, remplaçant l’ouvrier qui avait pourtant été la figure indépassable pendant un bon siècle. Pourtant, ce n’est pas comme si le contexte actuel n’apportait pas de l’eau au triste moulin des difficultés des ouvriers. Entre suppressions de postes, délocalisations, propositions indécentes de transfert dans des pays lointains à des salaires de misère, ou chantage à l’emploi pour obtenir des baisses de salaires et des avantages, tout semble réunit aujourd’hui pour continuer à faire des ouvriers la figure victimaire de nos sociétés.
Ce glissement un peu trop enthousiaste d’une certaine gauche, qui en vient même, dans le cas du Monde, à ouvertement soutenir le patronat pour bloquer les salaires, explique logiquement le ralliement massif des ouvriers et des classes populaires au Front National, d’autant plus que ce dernier est celui qui a le discours le plus ferme vis-à-vis de l’immigration. Totalement abandonné par une partie de la gauche, qui embrasse le discours du Medef en glorifiant tous les immigrés, fussent-ils illégaux, il semble assez logique que les classes populaires, jettées dans les eaux froides de ce néolibéralisme qui met la pression sur leurs emplois et leurs salaires, soutiennent le parti qui semble le plus éloigné de ce qu’elles soutenaient dans le passé. Ce faisant, comme le soutient Jack Dion, Libération sert le FN.
Enfin, on peut noter que les dirigeants européens, si prompts à se réunir pour sauver des banques ou traiter une crise touchant des migrants, ne semblent pas aussi concernés par le chômage et la pauvreté dans leurs pays. Une indication intéressante qui promet de vrais changements démocratiques.
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