Un système totalitaire n'a rien à voir avec une dictature. L'oppression s'y exerce beaucoup plus sur les âmes que sur les corps. On ne peut pas en repérer la source. Le pouvoir est partout et nulle part. Il n'agit pas par le biais des lois mais par celui d'une norme. Il promet le bonheur pour tout le monde. La servitude y est volontaire et non imposée. Chacun participe à son propre anéantissement.
C'est surtout par une réflexion sur la différence entre norme et loi qu'on saisit le mieux la nature d'un régime totalitaire. Pour une fois, j'ai apprécié un texte de Michel Foucault sur cette différence. La loi sanctionne des actes, des crimes, du concret. Une norme est intériorisée et ne nous lâche pas une seconde parce qu'elle pénètre dans notre intimité. C'est une norme qui nous fait nous sentir coupables, malheureux et comme il se doit, anormaux. Cette distance intérieure entre moi (qui suis raciste par exemple)
et le moi que je devrais être (antiraciste) pour être conforme à la norme, est infranchissable. Tous les jours, comme Sisyphe, je dois me gifler parce que je ne suis pas tout à fait comme je devrais être. J'ai eu une réaction hostile devant un Asiatique ou un Africain et, paf, une gifle ! On souffre beaucoup et certains se disent qu’en devenant franchement racistes, ils ne souffriraient plus. C’est une dangereuse illusion.
C’est une illusion parce qu’à vouloir éliminer toute norme, on se retrouve dans un labeur aussi infini que celui visant la conformité à une norme. On retrouve ici le fameux slogan de mai 68 : il est interdit d'interdire. Or, ce n'est pas aussi simple. Même ceux qui veulent vivre hors normes doivent bien reconnaître cette norme puisqu'ils veulent s'en démarquer. Lorsque les normes règnent sur les esprits, on peut soit s'efforcer d'être normal, soit s'efforcer d'être anormal. Dans un cas comme dans l'autre on vise à s'anéantir, soit parce qu'on devient une copie conforme, soit parce qu'en se situant hors de la normalité, on cesse d'exister. Alors, être ou ne pas être ? Au royaume de la norme ou, ce qui revient au même, en régime totalitaire, on est prisonnier d’une affreuse alternative.
Dans une société où les normes sont toutes-puissantes, le pouvoir n'a presque plus à s'exercer. Étrange pouvoir qui ne nous est pas extérieur mais réside dans nos entrailles. Les individus qui ont mal intériorisé une norme, il faut les corriger ou, pour mieux dire, les réintégrer ou les rééduquer. Comme on sait, les camps de rééducation ont abondé et sont loin d'avoir disparu. Dans une société normée ou totalitaire, l'autorité n'a plus de sens parce que la grande affaire est de normaliser ceux qui sont restés anormaux : les criminels par exemple qui ne sont plus guère punis par des lois mais réintégrés lorsqu'ils ont avalé les normes requises.
Ce qui est visé à travers cette normalisation, c'est un parfait fonctionnement de tout et de tous. Cette visée provoque nécessairement une violence latente ou explicite. Personne n'accepte volontiers de devenir une chose qui fonctionne bien, parce qu'accepter cela c'est accepter de n'être plus rien, sans substance, vide. Certains, il est vrai, peut-être la majorité, souhaitent n'être plus rien, s'imaginant que le poids de la vie disparaîtrait alors avec l’agenda parfaitement huilé d’un workaholic.
Plus les normes prennent le pas sur les lois, plus grande est la tentation de la violence, surtout chez les jeunes dont les entrailles n'ont pas encore accepté toutes les normes. Sans compter qu'ils savent confusément qu'en devenant normaux, ils cesseraient d'exister. Si la condamnation du racisme se fait à partir d'une norme antiraciste et non d'une loi, la tentation de devenir raciste pour échapper à la normalité antiraciste augmentera. De même, plus on dit qu'être normal c'est être heureux, plus grande sera la tentation de chercher le malheur dans des mutilations ou des scarifications. Dire aux potentiels djihadistes qu'ils seront malheureux sous les drapeaux de Daech, c'est les encourager à partir pour la Syrie.
A ce point, on aura deviné que le totalitarisme n'est pas seulement derrière nous, mais aussi parmi nous. Il serait temps de réaliser que les injonctions à être heureux sont du même ordre que les promesses d'un nouveau royaume ou, pour mieux dire, d'un Jardin d'Eden. Les sectes promettant un tel royaume ou un tel jardin ont toujours abondé. Elles ont souvent recommandé d'exterminer tous ceux qui n'y croyaient pas, le nazisme restant ici un modèle indépassable.
A partir de ces considérations on trouve une définition assez simple de la liberté. Elle consiste à refuser deux tentations : celle du retour à un âge d'or (l’état de nature de Rousseau) et celle d'un grand élan révolutionnaire promettant lui aussi, mais dans le futur, la même existence édénique que les soi-disant béatitudes du passé. Le Christ a bien fait de ne placer ses béatitudes ni dans le passé, ni dans le futur. Le vrai bonheur n'est pas dans le temps ou, pour mieux dire, il s'en échappe, comme les parfums s'échappent des fleurs. C'est en apprenant à respirer ces parfums qu'on échappe aux tentations totalitaires.
Jan Marejko, 19 février 2015
Mtimet, j’aime beaucoup la notion de cadre isotropique. Merci
Heureusement que nous avons encore des penseurs aussi perspicaces que Monsieur Marejko. j’ai déjà traduit l’une de ses réflexions en langue arabe.
Paradoxalement, Totalitaire ne provient de “Tout” comme on est poussé parfois à le croire. Totalitaire, comme c’est claire dans sa transcription a pour origine étymologique “Totalité”. C’est la totalité et non le tout qui évoque l’idée d’un “ensemble” sans différence. Le “tout”, tel le “tout” organique, un corps, est composé d’un ordre différentiel d’éléments tendant vers une fin, la totalité, c’est le cadre homogène où règne isotropie et anonymat. c’est de là que déferlent toutes les conséquences déconcertantes du totalitarisme.
@Pierre H. Voici un excellent article qui décrit très bien la pression des lois et des normes imposées par notre société sur les peuples. Mais je ne partage pas les conclusions de Jan. Je partage plutôt les vôtres Pierre. Mais au-de-là, de cette oppression imposée par les gouvernements véreux européens, ma Liberté repose sur le droit à la révolution, le droit de demander à ce que l’on abolisse toutes ces lois anti-populaire. Même dans le vocabulaire courant, nous avons été éduqués par cette intelligentsia castrée à ressentir négativement les termes, peuple et populaire, voire nation et nationalisme. Désolé, mais je suis nationaliste, ainsi un Suisse ne viendra en France que parce qu’il sait que le français verra positivement sa visite. Ne parlons pas de la visite d’un britannique ou d’un anglais, il a fallu plus de 1500 pour que nos deux nations s’accordent et qu’une visite soit possible entre les deux nations sans que cela n’en vienne à se transformer en bataille rangée. Mais je n’irai pas en Libye, Syrie, Irak, Algérie, Tunisie, Soudan, Yémen. …..Musulmans, votre religion, l’Islam est un rempart à la Nationalité. L’Islam est un rempart à la Liberté des peuples. Je ne vous rendrai pas visite. Votre religion est une négation de la Liberté de l’homme. Votre religion impose tellement de normes que nous sommes avec elle au-delà du totalitarisme. Votre religion nie l’homme. L’homme n’a aucune valeur au regard du Coran. Musulmans, vous avez choisi la négation de l’homme et l’obscurantisme, ne venaient pas en Terre de Liberté où nous nous retrouverons à Poitiers.
Et bien moi, je suis devenu raciste ! Je ne l’étais absolument pas, mais à force d’entendre dire pendant 20 ans par la pensée unique et politiquement correcte que je l’étais, et bien je le suis devenu. Et je n’ai aucune honte par rapport à ça. Je pense qu’il y a 2 choses essentielles qui peuvent rendre l’Homme révolté et rebelle. L’injustice (on vous prend tout votre argent, vos biens, vos enfants, votre femme, etc.), ou/et l’accuser avec insistance d’un crime ou d’un “crime” qu’il(elle) n’a pas commis.
Par rapport au racisme, quand on vous dit pendant 30 ans que vous en êtes un alors que ce n’est pas vrai, qu’en plus on vous défavorise dans votre propre pays, et qu’enfin l’étranger vous crache à la figure et vous insulte dans votre propre pays en dépensant votre argent, je pense qu’il vous faut prendre 100 mg de valium par jour pour ne pas devenir raciste et prendre tout ça avec philosophie. C’est pourquoi le nouvel ordre mondial ne fonctionnera jamais. Pour principalement ces 2 raisons. Le tout est de savoir où se situe le point de rupture des gens qui peut varier d’une personne à l’autre.