J’en ai marre, mais vraiment marre de ces experts qui nous expliquent que si l’on vote comme ceci, il y aura telle conséquence, comme cela, telle autre conséquence.
On m'a demandé une fois en quoi consistait l'idéologie scientifique. C'est très simple : la science consiste à prouver que si l’on a A alors on aura B. Les exemples abondent, mais seulement dans deux domaines, la physique et la chimie. En histoire, en politique ou en économie, il n'y a pas de "si...alors". C'est l'application de cette formule dans des domaines où c'est impossible qui signale une idéologie scientifique. Et comme, aujourd'hui, passer pour scientifique, c'est se faire passer pour sérieux, rationnel et, surtout, irréfutable, les hommes politiques ont abondamment recours au "si...alors". Ils sont tellement hypnotisés par l'idéologie scientifique qu'ils ne comprennent pas que se croire capable de déchiffrer le futur en termes quantitatifs signale un mélange de stupidité et de vanité. D'autant que les experts du "si...alors" prétendent non seulement déchiffrer le futur mais, en plus, le chiffrer. Si nous votons à droite, il y aura 2% de croissance, à gauche, 1%. Même une tireuse de cartes n'oserait pas se comporter ainsi. C'est qu'elle n'a pas à légitimer son pouvoir. Nos hommes politiques, eux, au contraire, doivent tous les jours montrer à leurs électeurs qu'ils doivent les élire et les réélire, pour qu'eux, leurs dirigeants, puissent préparer un avenir radieux. Eux, avec une scientifique boule de cristal, savent ce qui se passe et va se passer. Comme dans une société primitive où le sorcier déchiffre lui aussi le futur et épate la tribu.
Mais là n'est pas le pire. C'est qu'en même temps qu'ils nous disent comment voter, les experts de la prédiction "scientifique" roucoulent nuit et jour sur les bienfaits de la démocratie. Mais que reste-t-il de la démocratie si l'on nous démontre, par A plus B, qu'il faut voter comme ceci et non comme cela parce qu'une analyse "scientifique" le dit ? La réponse est évidente. Pas grand-chose !
Il faut savoir qu'on ne peut pas en appeler au peuple et, en même temps, à la science, lorsque nous votons ou lorsque nous élisons des gouvernants. Je croyais que Max Weber l'avait montré une fois pour toutes. Je me trompais.*[i]
Et il faudrait encore savoir qu'on ne peut pas à la fois ne voter que sur la base d’expertises et se dire démocrate. Que des experts nous donnent leur diagnostic, rien de plus normal et d'utile. Mais par pitié, qu'ils cessent de se présenter comme s'ils savaient ce qui va se passer en cas de vote négatif ou positif. En Suisse, plus qu'ailleurs, nous avons fait l'expérience, après le célèbre « dimanche noir » de prédictions qui n'étaient que de la daube.
Encore une fois, ce n'est pas qu'il faille ignorer ce que nous disent les "experts". C'est leur ton, leur assurance, leur outrecuidance qui sont insupportables. Personne ne peut affirmer péremptoirement que le futur sera tel ou tel. De plus, une telle affirmation conduit les électeurs à voter contre ce qu'on leur dit de voter, tout simplement parce les gens n'aiment pas qu'on leur dise ce qu'il faut faire, surtout quand ils sont des citoyens libres.
Enfin, des affirmations jetées à la tête des électeurs avec le tranchant d'une analyse soi-disant incontestable du réel ne laissent aucune place à la réflexion personnelle. Ces affirmations sans appel relèvent de cette psychologie à la Pavlov, toute puissante dans les agences de communication. Pour ces agences, il faut marteler des slogans jusqu'à ce que le consommateur ne pense plus et achète des produits en pilotage automatique. Les experts qui ont fleuri dans nos démocraties veulent nous faire acheter des programmes politiques comme on conditionne les esprits à acheter une marque de lessive.
On a souvent l'impression que partis et médias sont devenus des disciples de Pavlov. Ici, je pressens qu'un mécanisme pourrait se mettre en place. Plus il y aura de pavlovisme dans un parti politique, plus il perdra ses adhérents. Là, je fais exactement ce que je recommande de ne pas faire, à savoir énoncer une proposition sur l'avenir. Mais comme j'aime bien les contradictions...
Jan Marejko, 1er novembre 2014
[i]Je fais allusion à deux conférences prononcées par le sociologue allemand Max Weber en 1917 et 1919 Wissenschaft als Beruf et Politik als Beruf. Elles ont été publiées en français par Julien Freund en 1959, précédées d'une longue préface de Raymond Aron.
Exemples : SI vous votez oui à Ecopop ALORS l’immigration va (probablement) diminuer . SI vous votez oui à l’initiative sur l’or ALORS les réserves d’or de la bns vont (probablement) augmenter. Les prédictions en sciences sociales n’ont aucun sens ?
Il ne faut pas attribuer aux processus démocratiques plus de valeur qu’il n’en ont. Ce n’est pas la vérité qui sort des urnes, mais des décisions, de choix de personnes et d’options.
Dans les sociétés ouvertes les groupes les mieux organisés gagnent les votes car ils savent mettre en place avec discipline des stratégies fortes (entre autre: se poser en expert).
Dans les sociétés totalitaires seuls ceux qui se sont mis au pouvoir le conservent.
Dans les deux cas cela revient un peu au même.
… sauf s’il y a affrontement dur entre les vues des uns et des autres dans une société dite démocratique. Et ce sont ces débats qui sont réprimés par chacun qui craint de ne pas avoir raison ou de ne pas gagner.
L’article de Jan Marejko m’a inspiré quelques propos sur Pavlov, très négatifs. Toutefois je me félicite d’avoir visité Wikipédia à son sujet, les chausettes m’en tombent. Et je crois opportun de le citer. Voici donc: « Après sa première visite aux USA en 1923, il dénonça publiquement le communisme, déclarant que le marxisme reposait sur des bases fausses, ajoutant même : « pour le genre d’expérience sociale que vous faites, je ne sacrifierai pas les pattes arrière d’une grenouille ! » » Et ce sera tout pour l’instant.
Merci pour ces commentaires. Ils sont tous pertinents, notamment celui sur le GIEC que j’aurais dû citer comme “bel” exemple de predictologie.
@Kandel
Le KGB a tellement réussi à intoxiquer notre civilisation occidentale (instituteurs, artistes, politiciens, journalistes, étudiants, professeurs, enseignants, etc.) que nous sommes entrés dans un cercle vicieux où nous formons nous-mêmes nos propres lobotomisés et autres idiots utiles sans l’aide de personne. Les mots « magiques » pour réduire à néant les personnes de bon sens sont « raciste », « démodé », « vieux-jeu », “fermé”, « nationaliste », « primitif », « has been », « extrémistes », « capitaliste », etc. J’ai fait mon école primaire de 1962 à 1968. Toutes les valeurs qu’on m’a enseignées alors font aujourd’hui de moi officiellement tous ces mots que j’ai mentionné ci-dessus. Pourtant, j’ai l’impression que ce sont les gens dits « modernes », sans plus aucun point de repère et qui prétendent vivre avec leur temps qui sont en fait les vrais rétrogrades…
Entièrement d’accord avec l’article et les commentaires précédents. Y’ en a marre de ce qui ressemble de plus en plus à un lavage de cerveau
Dans le genre pseudoscience il y a le giec et la fausse unité des “spécialistes” du climat. Cet alarmisme qui dure depuis plus de 25 ans est un fond de commerce plus que douteux.
Jan Marejko : « D’autant que les experts du “si…alors” prétendent non seulement déchiffrer le futur mais, en plus, le chiffrer. »
Merci et entièrement d’accord avec vous Mr Marejko, toutefois je suis désolé de vous contredire mais le respect de l’objectivité m’oblige à vous rappeler le mot du plus grand “prédicologue” de tous les temps, mot qui s’est réalisé à la virgule près.
Nikita Khrouchtchev aux ambassadeurs occidentaux lors d’une réception à l’ambassade de Pologne à Moscou le 18 novembre 1956 : En fait, la phrase originale fut déformée et sortie de son contexte qui était : « Que vous le vouliez ou non, l’histoire est de notre côté. Nous vous enterrerons. »
Et de nos jours, il existe encore des légions d’imbéciles de ce type et de ce bord !
La science (quelle horreur, je la personnifie) et plus précisément les scientifiques n’ont JAMAIS prétendus détenir LA Vérité! Les scientifiques sont en perpétuelle remise en question de leurs connaissances. Bien entendu, certains s’agripperont à ce qui tenu pour vrai mais ne pourront faire autrement que d’accepter de nouvelles théories (ou de modèles) si ces dernières s’avèrent vérifiables et vérifiées. La physique quantique en est l’exemple le plus magnifique.
Je serais un scientifique, je dénierai le droit aux politiciens, aux économistes et aux sociologues d’utiliser le mot science pour qualifier leurs domaines de (in)compétences.