Le Conseil fédéral peut s'appuyer sur le front intérieur pour envoyer ses diplomates négocier avec Bruxelles l'adaptation de la l'accord sur la libre circulation des personnes. La commission de politique extérieure du Conseil des Etats a approuvé, hier, à l'unanimité le mandat de négociation défini par le gouvernement.
"Il porte sur trois points",
explique le président de la commission Felix Gutzwiller (PLR, ZH).
"La régulation de l'immigration, la préservation de la voie bilatérale et le maintien du niveau de protection actuel des salariés. Nous approuvons non seulement ce mandat, mais aussi sa formulation très ouverte qui autorise une certaine marge de manoeuvre."Pour le vice-président de la commission, Christian Levrat (PS, FR), la partie n'est pas perdue d'avance. Il admet pourtant que les chances de voir Bruxelles accepter l'introduction de contingents et de la préférence nationale sont pratiquement égales à zéro.
"La haute-représentante de l'UE pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, a été très claire à cet égard. Par contre, elle a aussi dit que l'on pouvait discuter des modalités. C'est cette ouverture que nous voulons saisir."Diverses idées ont déjà été émises, comme l'introduction d'une taxe sur l'immigration, récemment reprise par Christoph Blocher sur la base d'une étude du professeur d'économie fribourgeois Reiner Eichenberger. Christian Levrat souligne que cette mesure est incompatible avec la libre circulation des personnes, mais que ce n'est pas le cas d'une autre variante, à savoir l'alimentation par l'économie d'un fonds destiné à financer des programmes d'intégration.
"Il faut que ceux qui soutiennent l'immigration en supportent davantage les coûts."Le mandat de négociation doit encore recevoir l'aval de la commission du Conseil national, des cantons et des partenaires sociaux. Cela ne devrait guère poser de problème. Mais il faut encore que Bruxelles accepte d'ouvrir la discussion.
BERNE, CHRISTIANE IMSAND
"Je suis confiant que, dans un délai de quelques mois, on pourra s'entendre sur un texte à recommander à nos autorités politiques."
David O'Sullivan, le chef négociateur de l'Union européenne dans le domaine institutionnel, s'est voulu très optimiste, hier, après une réunion avec son homologue suisse, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères,
Yves Rossier
(photo Keystone).
"Mais bien sûr",
a précisé l'Irlandais,
"aucun accord ne sera conclu avant que soit résolu le problème de la libre circulation des personnes, qui pèse lourd sur l'ensemble de nos relations."Il s'agissait de leur dernière rencontre, car le directeur général administratif du Service d'action extérieure de l'Union quittera Bruxelles pour Washington, où il a été nommé ambassadeur de l'UE, le 1er
novembre. Les négociations avec la Suisse s'articulent autour de trois axes: l'adaptation
"dynamique"
des nombreux accords bilatéraux entre Berne et l'UE liés à l'accès au marché intérieur aux développements du droit européen, la surveillance de la bonne application de ces accords en Suisse et l'instauration d'une procédure d'interprétation des accords et de règlement des différends confirmant le rôle de
"référence"
de la Cour de justice de l'UE."Chaque mot compte"
"Beaucoup de progrès ont déjà été accomplis",
a souligné David O'Sullivan, en notant que Berne et Bruxelles sont
"en train de traduire dans un texte juridique les concepts politiques"
sur lesquels les deux parties se sont accordées.
"Quand les juristes s'en mêlent, cela devient compliqué. Chaque mot compte.""Il y a des points où l'on n'a pas encore trouvé la formulation adéquate",
a précisé Yves Rossier. Cela concerne deux questions en particulier: d'une part, le contrôle des aides d'Etat accordées par les cantons et les communes suisses aux producteurs et distributeurs d'électricité, ce qui renvoie aux pouvoirs de surveillance que la Commission européenne souhaiterait exercer en Suisse (à l'image de ce qu'elle est déjà habilitée à faire dans le domaine du transport aérien). D'autre part, les conséquences qu'entraînerait un refus, par la Suisse, d'appliquer une décision de la Cour de justice de l'UE.Dans les deux cas, se pose le problème des
"juges étrangers"
. Le mandat de négociations de l'UE est clair sur ce thème: la Commission européenne devrait superviser l'application des accords par la Suisse et disposer de
"pouvoirs spécifiques",
entre autres décisionnels et d'investigation, sur place.Par ailleurs, l'accord institutionnel devra prévoir une procédure menant à la dénonciation d'un ou de plusieurs accords, si la Suisse se rebiffait contre la Cour de Luxembourg.
"Il est trop tôt pour dire si on aura besoin d'arbitrages politiques",
a noté David O'Sullivan. Ce sera de toute façon superflu si la Suisse et l'Union ne parvenaient pas à résoudre le casse-tête de la libre circulation des personnes qu'a engendré la votation du 9
février "Contre l'immigration de masse"."La libre circulation, c'est le spectre des Banquo
(réd: merci Shakespeare)
qui pèse au-dessus de tous les autres dossiers",
a souligné Yves Rossier. Ainsi, l'intégration accrue de la Suisse au sein du marché intérieur - accès au marché de l'électricité, etc - sera tributaire de la conclusion d'un accord dans le domaine institutionnel, a rappelé David O'Sullivan. Mais aucun accord institutionnel ne sera conclu aussi longtemps que le
"problème très difficile de la libre circulation"
ne sera pas résolu.On n'en prend pas le chemin: le 8
octobre, Bruxelles a répété qu'il n'est pas question pour l'UE de renégocier l'accord sur la libre circulation pour autoriser la réintroduction de contingents et du principe de la préférence nationale en Suisse.
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