Aux Etats, le peuple, ça fait sale

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant
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Invalider. Ils n’ont plus que ce mot à la bouche. Invalider les initiatives, même si ces dernières ont dûment obtenu les cent mille signatures nécessaires, souvent beaucoup plus. Les invalider, parce qu’on les juge « dangereuses ». Dangereuses, pour qui ? Pour l’intérêt supérieur du pays, ou pour la tranquillité notariale de la classe politique actuellement au pouvoir ? Tranquillité. Rotondité. Langueurs sénatoriales, dans cette Chambre qui devrait représenter les Cantons, et non censurer la démocratie directe, l’un de nos biens les plus précieux en Suisse : tous nos voisins nous l’envient !

 

Oui, j’ai vu rouge en lisant hier la « Schweiz an Sonntag ». Non, je n’admets pas qu’une Commission (celle des Institutions politiques, en l’espèce) du Conseil des Etats vienne, du haut de son promontoire bernois, élaborer des règles visant à niveler, dans les textes d’initiatives populaires, tout ce qui gêne et dépasse. Invalider, niveler, tondre : nous les citoyens, hommes ou femmes, Romands, Alémaniques, italophones, de gauche ou de droite, n’avons pas à nous laisser dicter l’ordre du convenable, en matière de démocratie directe, par des parlementaires fédéraux.

 

Une initiative, je ne cesse de le répéter, c’est une affaire du peuple avec le peuple. Le défi lancé, par quelques citoyens au départ, à l’ensemble du corps électoral de la Confédération, ainsi qu’à nos vingt-six Cantons, la double majorité étant requise. Sur quels sujets ? Mais justement, parbleu, sur ceux que les 246 parlementaires fédéraux n’ont pas jugé bon de humer, peut-être parce que le fumet populaire les incommodait. Initiative des Alpes, Lex Weber, renvoi des criminels étrangers, immigration massive (9 février 2014), et demain Ecopop (30 novembre 2014) : autant de sujets ignorés, sous-estimés par nos parlementaires fédéraux, tiens justement par le Conseil des Etats. Autant de sujets méprisés, vilipendés, jugés indignes de parvenir au jugement suprême, celui du suffrage universel : les quelque quatre millions d’électeurs potentiels de notre Confédération, et les vingt-six Cantons.

 

Insupportable, le signal d’arrogance délivré par cette Commission des Etats. Si une initiative est mal ficelée, le peuple citoyen (ces quatre millions, justement) est largement assez mûr, assez rôdé à l’ascèse de la sagacité démocratique, pour en juger lui-même. Le suffrage universel suisse n'a nul besoin d'un "Comité de Sages", ni parlementaire ni judiciaire, pour dessiner à sa place la géométrie de l'acceptable. Cette proposition scélérate de quelques sénateurs mérite un seul classement : celui, vertical, de la poubelle

 

Pascal Décaillet, Sur le vif, 6 octobre 2014

 

9 commentaires

  1. Posté par jessica le

    François, parfaitement dit, j’adhère totalement. Ces parlementaires qui bafouent notre démocratie et ont l’arrogance de s’octroyer le droit de penser et choisir à notre place, n’ont pas compris qu’ils sont là pour nous représenter et non pas eux-mêmes. Alors DEHORS tous ces fourbes, ne les réélisons pas en 2015, biffons leurs noms de toutes les listes électorales! Arrêtez de réélire les mêmes traitres!

  2. Posté par J. Berdoz le

    Une fois de plus c est l UDC qui se dresse contre ces parlementaires magouilleurs.

  3. Posté par Kilian Rubner le

    L’initiative d’ECOPOP n’est pas un copier-coller du 9 février avec quelques différences. Sa portée est beaucoup plus grande que celle du 9 février. Elle vise à obliger de mettre un certain contingent (0.2 % de mémoire), alors que le 9 février demandait qu’il y ait des contingents en fonction de notre économie. La différence est énorme économiquement (et l’UDC l’a refusée).

    D’ailleurs, si le gouvernement et le parlement se borne à continuer dans leur sens, l’initiative risque de passer (p’tite précision, je suis pour le 9 février, mais contre ECOPOP).

  4. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Aussi loin que remontent mes souvenirs, c’est-à-dire au temps où il était déjà notoire qu’un emploi à l’État a été une sinécure bien rétribuée, je vois que la démocratie est aussi la dictature du fonctionnariat. Le Blogalupus, de Bruno Berthez, dont les Observateurs relayent souvent les excellents articles, en a publié un le 5 Octobre. « Haute fonction publique: ceux qui en vivent et ceux qui la font vivre ». Vous pouvez le trouver à l’adresse suivante:
    http://www.contrepoints.org/2014/10/05/183267-haute-fonction-publique-ceux-qui-en-vivent-et-ceux-qui-la-font-vivre
    Je vous recommande vivement et chaleureusement de faire ce détour.

  5. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    « La démocratie que tout le monde nous envie »? Dans je ne sais plus quel quotidien j’ai appris que le recueil de lois suisses s’était enrichi de 7000 articles l’an passé! je n’ai qu’une excuse pour n’en avoir pas pris les références : j’étais sidéré! je n’ignorais pas que Berne penchait vers Bruxelles, mais pas à ce point!

  6. Posté par Francois le

    Ce sont ces parlementaires censeurs qui doivent être invalidés car ils sont fondamentalement réfractaire au sens le plus élémentaire de la démocratie. Ils ont l’arrogance de s’octroier le droit de vouloir penser et choisir à notre place, ils n’ont pas compris qu’ils sont là pour nous (le peuple) représenter et non pas eux-mêmes. Leur conception souille la signification profonde du terme démocratie car elle ne leur est tout simplement pas accessible.

  7. Posté par Philippe Druey le

    100 % d’accord avec l’argumentation de M. Décaillet, je me demande néanmoins ce qu’il a voulu dire en parlant de “tranquillité notariale de la classe politique actuellement au pouvoir”. S’il a voulu faire référence à la profession de notaire, je me permets de lui signaler que celle-ci a beaucoup évolué depuis l’époque où un certain Balzac se plaisait à moquer les notaires ventripotents et auto-satisfaits. De nos jours, le notaire se donne du mal à rédiger des contrats équitables dans les domaines les plus complexes du droit civil (immobilier, successoral, matrimonial et de l’entreprise) et prend souvent des responsabilités considérables eu égard aux conseils de nature civile et fiscale qu’il doit proposer à ses clients. Au fil du temps, le notaire est donc devenu un chef d’entreprise, certes au bénéfice d’un monopole d’Etat (qui n’offre pas que des avantages), mais il n’est pas un fonctionnaire (du moins dans les cantons romands). Dès lors, ses journées sont probablement moins tranquilles que celles de nos élus à Berne, surtout lorsque ceux-ci se bornent à restreindre le droit d’initiative populaire.

  8. Posté par colibri le

    On sait qu’à Genève le mot tranquillité doit paraitre obsolète et pourtant de nombreuses initiatives mettent les nerfs à bout de nombreux citoyens et qui ne sont pas politiciens
    En politique tout comme dans d’autres domaines il faut savoir raison garder et quand on sait le nombre d’initiatives encore en dormance il serait pour une fois préférable d’attendre avant d’en lancer un autre
    Celle d’Ecopop est une copie du 9 février seuls les termes changent quand à nous faire voter deux fois de suite comme c’est de plus en plus souvent le cas pour le même sujet s’en devient lassant et le peuple a aussi ses propres préoccupations ,A croire que seuls les mots initiatives et interdits sont l’unique vocable des Verts et Eco-terroristes

  9. Posté par Noël Cramer le

    Notre démocratie est un privilège fondamental et unique dans notre monde “globalisé”. Le peuple subit les effets des décisions de son gouvernement – et de ceux des autres par l’intermédiaire des relations internationales – qui l’affectent directement. Dans le “peuple” se trouve une multitude d’individus plus “sages”, intelligents et perspicaces que les dirigeants politiques qui voudraient imposer leurs conceptions motivées par des intérêts économiques, ou autres, soutenus par un “droit” qui a été établi en partie pour protéger les acquits d’une élite, et qui doit pouvoir être contesté si nécessaire. La démocratie directe est le meilleur moyen de mettre en évidence les préoccupations d’une société et de faire progresser sa stabilité. C’est la force vive à la base d’un système – “le moins mauvais de tous” – comme le disait Winston Churchill…..

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