C’est l’une des critiques fortes qu’a formulées le professeur de physique à la retraite dans une lettre adressée cet été à la Conseillère fédérale Doris Leuthard à propos de sa Stratégie énergétique 2050. Il constate que les énergies renouvelables et les économies d’énergie ne sont pas en mesure à elles seules de remplacer le nucléaire ni de réduire la part des énergies fossiles dans une société qui, précisément pour des raisons d’efficacité et d’environnement, aura besoin de plus en plus d’électricité. Aux questions précises du professeur, Mme Leuthard a répondu par une lettre de M. Walter Steinmann, directeur de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), lettre confondante par son absence de fond et de réponses concrètes aux questions soulevées, cela au point de faire douter des compétences scientifiques, économiques et écologiques de l’administration fédérale. Ébranlé par cette réponse, M. Reinhart a renvoyé une deuxième lettre à Mme Leuthard pour en dénoncer les faiblesses. Il a aussi décidé – après en avoir parlé avec un cercle d’experts du terrain en matière d’énergie, que ce soit dans l’enseignement, la recherche, l’industrie et l’administration – de rendre ces lettres publiques. Il faut que les parlementaires, les responsables de l’économie et de l’industrie, les médias et les citoyens eux-mêmes puissent juger sur pièce comment fonctionne notre ministère fédéral de l’énergie. Dans sa 2e lettre à Mme Leuthard, le professeur Reinhart soulève aussi un autre problème : celui de la responsabilité du milieu académique (Écoles polytechniques fédérales et Académies des sciences), lui-même entraîné dans la dérive de la politique énergétique envisagée à Berne. Beaucoup d’enseignants et de chercheurs ont, semble-t-il, abandonné leur liberté de pensée pour s’aligner quasiment sans sourciller sur la politique officielle. Une des raisons à cela est toute simple : cela leur facilite grandement l’accès aux crédits de recherche ! Ainsi le phénomène de la pensée unique et du politiquement correct, abondamment dénoncés, dans ce journal en particulier, en relation avec le monde des médias et celui des élus politiques, atteint aujourd’hui aussi une partie du monde scientifique. Le 24 septembre, le directeur de l’OFEN répondait à la deuxième lettre du Pr Reinhart par une sèche annonce que toute correspondance avec lui cessait au prétexte d’épargner les ressources de l’OFEN. Cette attitude de l’OFEN est confondante et conforte la publication de toutes ces lettres pour que soit connue la désinvolture de notre administration. Les deux lettres du professeur Reinhart à Mme Leuthard et les deux réponses de M. Steinmann sont jointes en annexes (traductions françaises et originaux en allemand) avec son aimable autorisation. J’en recommande la lecture à tous ceux que les questions de l’énergie dans notre pays intéressent. Monsieur Reinhart, qui enseignait la physique et l’optoélectronique à l’EPFL, n’est pas un spécialiste pur de l’énergie. Ses arguments se basent d’abord sur les réalités physiques et le bon sens. On pourrait développer davantage ou compléter son argumentation sur des aspects plus spécifiques, comme les réacteurs du futur et la sécurité des réacteurs et des déchets. Mais je peux témoigner – pour avoir été actif dans l’énergie, dans toutes les énergies, comme enseignant et responsable de recherche (ancien directeur du département des études au PSI, ancien directeur du Laboratoire des systèmes énergétiques de l’EPFL (LASEN) et fondateur du cours post-grade sur l’énergie) – que la démarche de mon collègue Franz-Karl Reinhart a deux grands mérites : 1) celui de dénoncer des faits vérifiables sur les contradictions entre la politique énergétique et les réalités du terrain, 2) celui d’oser rompre le silence d’une bonne partie du monde scientifique sur ces contradictions. J’indiquerais encore que les arguments de M. Reinhart ne sont pas que théoriques : l’expérience de l’Allemagne, qui a une certaine avance, est en train de confirmer, par une accumulation de revers et de difficultés techniques et économiques, la justesse de son analyse.
Gérard Sarlos, Prof. hon. EPFL, le 2 octobre 2014
Annexes:
Courriers traduits:
Lettre 1 de FK Reinhart à D Leuthard 25-07-2014 trad F
Lettre 2 de FK Reinhart à D Leuthard 7-09-2014 trad F
Réponse lettre 1 W. Steinmann OFEN 26-08-2014 trad F
Réponse lettre 2 W. Steinmann OFEN 24-09-2014 trad F
Courriers en langue originale:
nucléaireAntwort Brief 1 W. SteinmannBON3.10.14 BEW 26-08-2014 Orig D
Antwort Brief 2 W. Steinmann BEW 24-09-2014 Orig D
En clair NOUS (OFEN, CF) discutons et décidons exclusivement avec nos copains de la stratégie énergique de la Suisse. Toute opinion, mais documentée, provenant de scientifiques de haut niveau et ne faisant pas partie de nos amis, ne nous intéressent pas, encore moins si elles sont sensées et prouvées. De toute façon nous déciderons en fonction de nos intérêts personnels et de ceux de nos amis, pas dans l’intérêt de la Suisse. ….
Après l’éolienne qui ne fait pas de vent. On peut lire que les deux chaires EPF et l’institut paul-scherer font de la recherche qui ne sert plus à rien. C’est terrible comment la politique ouvre les voies du futur.
Et en matière de renouvelable, on se fournis à l’étranger. C’est vraiment idéal.
Selon un sondage ssr, la transition energetique est la moindre des préocuppations des suisses, ce qui ne m’étonne guerre:
http://www.rts.ch/info/suisse/6194729-l-immigration-est-le-souci-numero-un-des-suisses-selon-le-sondage-ssr.html
On pense que tout ira pour le mieux, que les chercheurs finirons par trouver le graal, et de toute façon, à gauche comme à droite, le nucéaire est une énergie sale.
Il y a du boulot pour redresser la barre…
En tout cas, on a intérêt de ne pas attendre de se prendre la réalité dans la figure car constuire une centrale nucléaire, c’est minimum 10 ans…
Cette action du Prof. Reinhart, pourtant bien fondée, ne provoque aucun souci chez les responsables de l’administration fédérale: c’est parce que ceux-ci ne vivent pas dans le réel mais dans l’imaginaire d’un monde qu’il faut sauver par un interventionnisme devenu évidement nécessaire (selon eux). S’ils ne répondent pas sur le fond c’est que pour eux la messe est déjà dite. Le crédo ne se justifie pas.
Limiter le CO2 est une fausse solution à un problème peu ou pas important. Infiniment chère aussi, des centaines de milliards pour deux ou trois dixièmes de degrés.
Stopper le nucléaire est de l’idéologie basée sur la peur et la méfiance vis à vis de la technique, alors que des centrales intrinsèquement sûres peuvent être construites et que les déchets, peu volumineux, peuvent être traités en toute sécurité, si on veut bien le vouloir.
Faire tout cela est un programme de réduction de la compétitivité de notre pays: payer beaucoup plus pour obtenir les mêmes 220V à la prise électrique, c’est le contraire du progrès. Et immoral si l’on pense aux opportunités manquées de développement que cela entraîne.
Alors que l’on vote sur les tunnels, le rail et la TVA des restaurateurs, que le moratoire nucléaire n’a pas été renouvelé en vote populaire mais étendu par un parlement godillot en la matière, rien n’est organisé pour consulter le souverain au sujet de cette fameuse transition. Le paquet a d’ailleurs été si bien compliqué et ficelé à Berne, couronné de régimes de corruption et de racket organisé (je pèse mes mots) que l’on désespère qu’un tel programme puisse être arrêter. C’est du totalitarisme de la pire sorte, celui qui ne dit pas son nom, dont Mme Leuthard est malheureusement la cheffe, de moins en moins sympathique car devenue dogmatique. La réponse de l’administration au Prof Reinhart en est un signe évident.
Le plus désolant: même les industriels de l’énergie ont baissé les bras. Le cheffe de Forces motrices bernoises vient de déclarer (selon la presse) que l’on ne peut plus penser construire des centrales sans subventions. Il faut dire que ce secteur semi-public n’a jamais eu à apprendre à se mouvoir dans un terrain très compétitif… L’incompétence bien rémunérée des dernières années fait place à une résignation qui conduira vite à la nationalisation.
Qui au parlement et au Conseil fédéral saura prendre l’initiative de changer ce dangereux cap et d’y mettre plus de démocratie directe?
P.S. Voir un article pertinent dans la Basler Zeitung d’aujourd’hui par le Prof. S. Borner. Percutant.
http://bit.ly/1vDjIll
Pour ceux qui auraient des doutes sur cet avertissement des professeurs Sarlos et Reinhart ou sur les signaux en provenance de l’Allemagne:
http://www.euractiv.com/sections/energy/oettinger-warns-germany-against-solo-efforts-energy-308865?utm_source=EurActiv+Newsletter&utm_campaign=a19bb384a5-newsletter_daily_update&utm_medium=email&utm_term=0_bab5f0ea4e-a19bb384a5-245382669
Effectivement c’est une évidence : les gens consomment toujours + et rien n’est vraiment fait pour empêcher cette conso galopante… si l’extinction des feux ds les villes à minuit… mais les avions, fusées, bagnoles ça continue plein pot : puisque la 1ère nécessité semble être SE DéPLACER POUR TRAVAILLER OU CONSOMMER. Quelle gestion merveilleuse de nos patelins et villes!Ils ont empiré le problème. Allez ciao, c’est trop déprimant.
Le sujet de la politique énergétique est sensible. Il y a certainement des enjeux que seulement les hautes sphères maîtrisent. Il semble clair que le niveau de production de l’électricité veut être sous contrôle de l’Etat. On observe une érosion des prix de l’énergie que le consommateur lambda n’observe pas la sa facture énergétique, qu’il utilise les transports publics ou un véhicule privé ou encore pour sa consommation domestique. Le prix du transport est toujours plus cher, alors que les prix de l’énergie baisses de façon substantiels.
Le prix du €/MWh est passé en moyenne de 45 à 30-35 €/MWh, soit une baisse d’environ 35%.
https://www.eex.com/en/market-data/power/spot-market/auction#!/2014/10/03
Le prix des énergies fossile reprend la direction de la baisse, espérons que la différence se répercturera sur le consommateur.
http://www.nasdaq.com/markets/crude-oil-brent.aspx?timeframe=10y
L’économie, oui mais pas à tous prix! Il faut en priorité trouver un mode de consommation qui impact moins l’environnement.