J’emprunte mon titre au livre inoubliable de Julien Benda qui lui, en 1927, s’en prenait à une autre caste. Pour dire ma colère. L’affaire du groupe de travail mis sur pied en secret par la Chancellerie fédérale, pour plancher sur une révision à la baisse des droits populaires, ne passe pas. Nous les citoyens, oui nous le suffrage universel, devons exiger tout la lumière. Nous, et pas nos élus, surtout pas les parlementaires fédéraux, ceux de ces commissions qui passent leur temps à invalider, corriger, rétrécir tout ce qui vient d’en bas. Pour ma part, ma confiance en eux va diminuant.
Il est temps que ce pays élargisse son débat politique à l’ensemble du corps électoral, et que ce dernier (plus de quatre millions de personnes en Suisse) soit de plus en plus défini comme un organe institutionnel, et non simplement appelé « le peuple », ce qui ne veut rien dire, ou plutôt trop de choses en même temps, comme je l’ai souvent montré dans des articles. A Genève, cela s’appelait « le Conseil général », il est fort dommage que l’appellation soit devenue caduque : elle donnait à la masse électorale une entité institutionnelle, reconnue, de même que l’on dit « le Conseil d’Etat » ou « le Grand Conseil ». Eh oui, le peuple électeur, ça n’est pas une masse informe, c'est un organe de notre système.
L’affaire du groupe de travail ne passe pas. Le Blick d’aujourd’hui publie la liste des membres, où s’amoncellent les technocrates. Un bureau de fonctionnaires, à la Pirandello, qui aurait pour mission de démanteler nos droits populaires. Sous prétexte d’unité de matière, de « droit supérieur », où l’empire du juridisme servirait de paravent à des fins politiques : se débarrasser des textes qui gênent le pouvoir en place. C’est cela, exactement cela, qui est déjà maintes fois tenté à chaque passage d’une initiative devant le Parlement. Cela dont on nous prépare le durcissement, l’officialisation.
Qui nous le prépare ? La Chancellerie ! L’état-major du Conseil fédéral, dont le rôle est la mise en œuvre coordonnée des décisions de l’exécutif. L’ordre de mission à la Chancellerie, qui l’a donné ? Quel Département ? Quel conseiller fédéral ? Quels feux verts du Parlement ? A ces questions, nous les citoyens devons exiger des réponses. Car faute de réponses crédibles et précises, alors s’installera encore plus le sentiment d’être trahi par les clercs. Comme si une nomenclature, à Berne (et aussi dans les cantons) tournait en vase clos. Oublieuse de sa mission première de représenter le peuple.
Au demeurant, ma vision personnelle est qu’il ne faut pas limiter les droits populaires, mais au contraire les étendre. Par exemple, comme je l’ai récemment proposé, faire en sorte que le suffrage universel puisse s’exprimer non seulement en réaction à des décisions parlementaires (référendum), mais, d’ici quelques années, en accord avec les progrès fulgurants des mises en réseaux et des modes de communication, en construction de nouvelles lois. Oui, des lois, élaborées directement, au terme d’un processus qui devrait évidemment être savamment codifié pour que nous demeurions dans l’ordre du démos, et pas celui de la doxa (opinion). Des lois, et plus seulement des changements constitutionnels (initiatives). Oh, ça n’est pas pour demain, il y faudra une ou deux générations, mais je suis persuadé que le temps de la toute-puissance de la représentation parlementaire, hérité de celui des diligences, sera bientôt révolu.
Musique d’avenir, j’en conviens. En attendant, il nous faut toute la lumière du côté de ce qui se magouille à la Chancellerie fédérale. Nous sommes des citoyens, pas des sujets. Ensemble, nous sommes le souverain ultime de ce pays.
Pascal Décaillet, Sur le Vif, 24 juin 2014
DEMOCRATIA ELECTORAL
Los corderos van al matadero
No se dicen nada ni esperan nada.
Pero al menos no votan por el matarife que los sacrificara
Ni por el burgués que se los comerá.
LA DÉMOCRATIE ÉLECTORALE
Les moutons vont à l’abattoir
Ils ne disent rien et n’espèrent rien
Mais au moins il ne votent pour le boucher qui les tuera
Ni pour le bourgeois qui les mangera.
“Sous prétexte d’unité de matière, de « droit supérieur »…” et qui dit supérieur, aujourd’hui, dit Union européenne! Quand on veut tuer son chien…
Les méthodes de gouvernement qui inspirent “nos élites-clercs” sont du même tonneau que le principe léniniste selon lequel “… le peuple est le seul guide, mais lorsque le peuple se trompe, alors le Parti a le devoir de le remettre sur la bonne voie.” Lénine ne précisait pas que c’était nécessairement par la voie de la contrainte et de la violence, puisque dans sa vision de l’Etat cela s’entendait de reste.
Mais demandons-nous: qui inspire ce dépeçage de notre système démocratique ? L’Union européenne, bien sûr; et qui inspire l’Union européenne? Une majorité socialiste idéologique qui craint le peuple et les voeux de ce peuple, majorité trop encline à ne considérer comme légitime que l’approbation et non la réprobation populaire: encore une conception léniniste de la “démocratie populaire”.
La Confédération s’était promis de ne pas accepter de juges étrangers; de la part de l’Europe, elle accepte pourtant qu’elle lui impose une droit que le peuple suisse n’a jamais approuvé, droit forgé par des élus que le peuple suisse n’a jamais élus: voilà la faille par laquelle s’introduit la submersion de notre démocratie par un droit tombé du ciel européen. Pas de quoi, en effet, rendre grâces à la Providence.. Monsieur Décaillet, si je vous comprends bien.
Bravo Monsieur Décaillet! Continuez de nous offrir de tels commentaires. Apprécions également son dernier billet paru dans le tout-ménage genevois de cette semaine sur cette élite qui est de plus en plus remise en question par le Peuple
http://www.ghi.ch/le-journal/lactu-de-decaillet/ils-ont-peur-du-peuple
A quand la Révolution par les urnes?
2015 approche. Il sera grand temps d’éliminer les tocards de la politique politiciennes et de les remplacer par des politiciens citoyens conscient des problèmes du Peuple et des dangers quasi immédiats qui les menaces.
Cher Pascal, toujours avec intérêt je vous lis. Ma tête parfois se rebiffe, mais mon cœur vous a adopté. Il résonne à vos présentes lignes. Je me reconnais en vous. Comme je me suis reconnu en ceux que vos propos désignent, et que je hais! Que j’exècre!
Pourquoi donc l’exécration? Car « père pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » n’est plus d’actualité ! Aujourd’hui, ils refusent de savoir ce qu’ils font!
Ne serait-ce pas une honte pour d’admettre que les fondements de leurs motivations n’ont rien d’altruiste? Mais sont tout simplement humains, enfantins même! Quels que soient les nobles prétextes dont ils les enrobent? N’avez-vous pas vu Merkel en pâmoison devant Obama? Silvio Berlusconi fondant sous la main de Bush? Barroso pérorer en dégoulinant d’autosatisfaction? À l’image de ses pairs femelles? Au point que c’en est pathétique. Epais et replets, ils ne voient pas qu’ils sont pauvres, misérables, aveugles et nus! Ce n’est pas tout !
Un organiste m’a expliqué un jour que de tous les tubes que je voyais dans une église seuls quatre ou cinq produisaient un son. Ils étaient nommés la « montre ». Les autres étaient hors de vue, cachés. Comme la pesanteur bureaucratique. Tout cela au fond n’est rien de moins que très banalement humain.
La démocratie c’est bien joli, le peuple aussi. Mais quand le peuple devient une entrave sur les marches du pouvoir, c’est comme une lumière que jetée sur les intentions du cœur.
Ne vous y trompez pas, l’engouement pour l’Europe de tous les gars du monde qui se donnent la main n’est rien d’autre que l’expression d’un manque qui n’a pas de nom. Un expédient, au même titre que le veau d’or. Et qui jamais ne comblera le manque.
Aucune argumentation si fondée soit-elle, ne touchera aucun de ceux que vous désignez. L’argumentation ne touche que leurs vêtements, qu’ils peuvent changer selon leur gré.
Mais si votre nudité expose la leur à la lumière, vous verrez alors la haine éclater sur leur visage.
Je le dit d’expérience.
Ceci dit je ne partage pas votre appétit pour de nouvelles lois. L’incarnation de celui qui est l’accomplissement de la loi ne devrait il pas suffire? Nous n’éviterons ni pleurs ni grincements de dents. Je vous dirais bien que dans « incarner » il y « en » et « carne » (viande). Et que donc pour incarner il faut manger! Manger le Fils est tout différent que singer le Christ!
Et ce sera tout, si ce n’est déjà trop.
Non monsieur Décaillet, le peuple n’est pas un organe de notre système au même titre que les autres. Le peuple c’est le détenteur de la souveraineté, c’est donc celui par qui les organes institutionnels existent. En conséquence, il est antérieur à ceux-ci et son champ d’action recouvre l’ensemble de ceux des autres. En faire un simple organe parmi d’autres, c’est restreindre sa véritable nature. Un peu à la manière de ce que font ceux qui essaient de réduire ses droits.