Certains voudraient changer la Marseillaise. D’autres brûlent le drapeau. Honte à eux. En revanche, je ne serais pas mécontent de voir un symbole, non officiel d’ailleurs, rentrer à la basse-cour. Depuis Louis-Philippe, pour éviter les Lys et les Aigles, on se trimbale cette volaille qui ne passe pas pour la plus grande intelligence du règne animal, mais pour un volatile qui associe une vanité ridicule à un caractère querelleur. Le coq gaulois, symbole des divisions stériles et des défaites pleines d’orgueil, est un drôle d’oiseau. Il associe trois aspects du caractère national dont les Français tiraient une certaine fierté : la défense bec et ongles du territoire, le courage combatif voire héroïque, la séduction conquérante et même envahissante. Ces images s’étant quelque peu ternies, il reste l’idée d’un emplumé capable de « chanter les pieds dans la merde. » A force de déchanter, il serait préférable désormais que les Français en sortent, qu’ils prennent conscience de ce qu’est devenue la France et de l’urgente nécessité pour elle de se libérer des chaînes qui l’enferment dans la médiocrité, et se délivrer des illusions qui les ont masquées.
Le tableau est affligeant. Voilà un pays qui passe son temps à célébrer les exceptions qui le ruinent, à nier dans les faits les valeurs dont il se réclame, à accorder de l’audience ou du pouvoir à des gens dénués de talent et qui ne l’aiment pas. Le déclin n’est pas un fantasme, mais une criante évidence, sauf pour ceux dont il accompagne l’ascension comme les bulles dans une coupe de Champagne un de ces soirs de fête décadente que le Tout-Paris affectionne, du Fouquet’s jusqu’à Marrakech.
Lorsque Georges Pompidou meurt en 1974, la France est encore sur le podium dans de nombreux domaines. Depuis, nous avons descendu bien des marches. Nous collectionnons les déficits et faisons grossir la dette avec ténacité. Nous exportons moins que nous n’importons. Notre Etat, notre protection sociale, notre secteur public vivent à crédit. Notre logement est en panne. Ayant du mal à assurer les fins de mois de son fonctionnement, la France n’investit plus suffisamment dans les grandes infrastructures. La façade est repeinte, mais l’essentiel, l’Armée, la sécurité, la Justice n’ont pas les moyens d’assumer les fonctions régaliennes de l’Etat de manière satisfaisante. L’Education Nationale, jadis source de fierté, n’en finit pas de voir son efficacité décroître, à la lumière des enquêtes Pisa : la France est 22e avec une note juste au-dessus de la moyenne. Bonnet d’âne pour le 1er budget de la Nation, après le service de la dette ! Une idéologie mortifère paralyse toutes les réactions naturelles contre le déclin : la fierté d’un passé désormais condamné à la repentance, l’attachement aux institutions solides comme la famille, jugée dépassée dans sa forme traditionnelle, la volonté de défendre une identité et de la faire respecter, immédiatement suspecte de xénophobie, le désir de manifester une solidarité plus grande pour les nationaux, et de ne pas subir sans résister le remplacement de peuple, expressions coupables d’un racisme scandaleux.
Or notre « xénophobie » est ailleurs. Elle se situe dans une autosatisfaction tellement aveugle qu’elle nous fait ignorer les réformes courageuses réussies ailleurs. Deux syndicats ont osé bloquer la circulation ferroviaire au nom du service public. Coût : 153 Millions d’Euros pour la SNCF, mais 400 par jour pour l’économie française. Le fret recule sur le rail en France quand il augmente en Allemagne. Les intermittents pratiquent sans vergogne le chantage au torpillage des festivals d’été pour maintenir une subvention déguisée, imposée aux partenaires sociaux au nom de l’exception culturelle. La France est pourtant loin d’avoir aujourd’hui le même rayonnement culturel qu’à l’époque de Malraux. Qui sont les grands créateurs, les grands écrivains, les grands compositeurs français de notre temps ? Le pays de l’égalité triomphante est dirigé par une caste économique et politique issue des mêmes écoles et dont les performances ne sont pas à la hauteur des privilèges qu’elle s’octroie. Leur abolition, il y a plus de deux siècles, n’empêche nullement la prolifération des statuts inégaux. Les Suédois ont intégré la fonction publique dans le régime général et placé tous les retraités à égalité devant le choix d’arrêter ou non le travail à 61 ans. La République une et indivisible laisse se multiplier des communautés revendicatives et se plie aux exigences des lobbys qui prétendent les représenter. Au nom de la protection des minorités, c’est la liberté d’expression qui est de plus en plus restreinte. La démocratie se vide de sa substance entre l’oligarchie professionnelle et les multiples instances européennes ou nationales, politiques, judiciaires ou administratives qui la dégagent de sa responsabilité. Les Suisses, eux, pratiquent la démocratie directe. Si nous voulons mettre fin à l’usurpation que le pays subit quels que soient les gouvernements et qui interdit à la majorité du Peuple de faire entendre sa voix, la première réforme, Mère de toutes les autres, serait l’instauration du Référendum d’initiative populaire, seul moyen de libérer l’énergie nationale et de faire du coq … un lion !
Christian Vanneste, 23 juin 2014
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