Le 18 Juin 1940 est l’une des dates les plus importantes de l’histoire de France. C’est le jour où le Général de Gaulle a sauvé l’honneur de notre pays et lui a permis malgré la plus humiliante et désastreuse défaite qu’il ait jamais connue d’être présent cinq ans plus tard parmi les vainqueurs de l’Allemagne hitlérienne et du Japon. Il faut en ce jour mesurer la valeur des hommes qui nous conduisent à l’aune de celui qui releva alors le défi du redressement national.
Ce qui caractérisait de Gaulle, c’était ce qui manque le plus aux tâcherons de la politique actuelle : la vision. Il faut relire l’appel du 18 Juin, et le discours prononcé à la radio de Londres le 22. Ce n’est pas une réaction désespérée contre l’évidente suprématie des nazis, alors que le Royaume-Uni se retrouve apparemment seul et vaincu en face de l’Allemagne et de l’Italie, que l’URSS se comporte en alliée du IIIe Reich et que l’Espagne doit beaucoup à ses soutiens de la guerre civile. L’horizon est bouché, la France écrasée et en partie occupée, l’Angleterre assiégée. De Gaulle ne tient pas un discours moralisateur bêlant sur l’odieux régime nazi et sur l’obligation morale de le combattre malgré la disproportion des moyens. Non, d’emblée, il est dans la politique et à son plus haut niveau, celui qui repose sur une identification lucide des enjeux, parce que la culture, la connaissance historique, et la maîtrise technique de la guerre lui permettent de juger de la situation, comme il le dit lui-même, en connaissance de cause.
Certes, le 22, pour justifier que la France continue le combat, il utilise trois arguments, dont un est moral, l’honneur. Mais, en fait, les trois raisons sont politiques. Si la France perd son honneur en acceptant l’asservissement complice, quand d’autres nations totalement occupées, continuent de se battre derrière leur gouvernement légal, comme la Pologne ou les Pays-Bas, elle ne comptera plus au rang des Etats que l’on respecte. Or, cette fiction de 1940, d’une France qui poursuit le combat, de Gaulle va en faire avec ténacité, au prix de frictions nombreuses avec Churchill, puis Roosevelt, une réalité. Les Alliés sont en Afrique du Nord, comme chez eux après leur débarquement de Novembre 1942 ; ils tentent d’imposer une autre personnalité moins politique et plus malléable ; mal associé au 6 Juin, qui est peu une affaire française, malgré le rôle de la Résistance, de Gaulle doit lutter pour éviter que la France ne soit placée sous administration militaire alliée. Grâce à lui, l’Armée de la France Libre après les difficiles débuts de Dakar est présente en Libye, en Italie où elle joue un rôle essentiel, puis pour libérer la Métropole avec la IIe DB de Leclerc et la Iére Armée de De Lattre. A Paris comme à Strasbourg, l’honneur est sauf. La France est toujours là, et pour le Maréchal Keitel, c’est un comble ! La clairvoyance du Général a permis que notre pays soit membre permanent du Conseil de Sécurité de l’O.N.U.
De Gaulle invoque ensuite le bon sens. Dans son ouvrage, « Vers l’Armée de Métier », il avait analysé en 1934 les enjeux et les moyens de l’inévitable guerre avec l’Allemagne. Chacun des adversaires a une faiblesse qui est l’exposition de son poumon à une offensive éclair, Paris ou la Ruhr. Il s’agit de le perforer par une attaque rapide dont le vecteur est fourni par la force mécanique de l’arme blindée. Les politiciens et les militaires français ont fait l’inverse. Ils ont cru à une possibilité de s’entendre avec l’Allemagne, ont reculé les échéances, n’ont pas respecté leurs engagements internationaux et pratiqué une stratégie défensive incohérente à leur égard. En 1940, de Gaulle est le seul à voir que celui qui réunira les mêmes moyens que l’Allemagne mais à une échelle supérieure va nécessairement gagner. Il jauge avec réalisme la puissance industrielle américaine. Il prévoit la décomposition des alliances. Le Général est déjà un vrai politique. Pendant ce temps, la France se couche et en arrivera à saborder cette flotte qu’il cite comme l’un de ses atouts.
Enfin, il évoque l’intérêt supérieur de la Patrie dont il estime le choix simple. La victoire de l’Allemagne ne peut conduire qu’à la servitude. Il faut choisir le camp de la liberté. Là encore, la liberté évoquée est politique plus que morale. Il s’agit de l’indépendance du pays sans laquelle les Français ne pourront eux-mêmes être libres. Cette notion d’intérêt supérieur du pays sera la clef de voûte du gaullisme, avec cette réserve que jamais il ne l’imposera contre la volonté du peuple lorsque celui-ci est en mesure de l’exprimer. On peut comprendre certaines réticences à l’encontre du Général. Celle des Pieds-Noirs, qui avaient été nombreux à participer à la Libération, à payer celle-ci de leur vie, et à permettre son retour au pouvoir, en 1958, est la plus, la seule, légitime. Mais il demeure qu’aucun Homme d’Etat n’aura eu une pareille dimension et n’aura joué un tel rôle dans le destin de la France depuis des siècles. Les hommes minuscules qui peuplent les allées du pouvoir et qui conduisent notre pays d’échec en échec usurpent son héritage en n’étant pas, comme on dit, « à la hauteur ». Ceux qui osent se réclamer de lui, alors qu’ils se complaisent à faire cuire leurs petites carrières sur le petit feu d’un parti dont la cuisine est bien trouble, sont, à l’évidence, des imposteurs. Le 18 Juin a été un jour de grande lucidité. Puissent les Français d’aujourd’hui s’en inspirer.
Christian Vanneste,18 juin 1940
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