Pour Gilles-William Goldnadel, l’opposition n’a pas mené le combat jusqu’au bout contre la réforme pénale de la garde des Sceaux, qu’il juge pourtant catastrophique.
Pendant des mois, dans ces mêmes colonnes, j’ai moqué la morale sélective de la gauche. J’ai vitupéré une idéologie esthétisante qui fabrique vilainement des victimes à foison. J’ai critiqué, sans aménité particulière, l’une de ses égéries les plus fantasques qui demeure place Vendôme.
Mais aujourd’hui, c’est de la droite dont je ne suis pas fier.
Pendant des mois, des hommes politiques, des juristes éminents, des syndicats de magistrats et de policiers, des associations de victimes avaient mis en garde l’opinion contre le projet, funeste à leurs yeux, de Mme Taubira d’émasculer un État régalien déjà eunuque. Des livres ont été publiés, celui de Philippe Bilger, ancien avocat général, celui de Xavier Bébin, fondateur de l’Institut Pour la Justice, celui de Georges Fenech, ancien juge d’instruction et député du Rhône, mettant tous en garde contre les dangers de la réforme qui venait. Le peuple interrogé, disait sa prévention contre celle-ci.
Contre toute attente, et en dépit de la sanction électorale lors des élections municipales, et de l’opposition du nouveau premier ministre à l’aspect emblématique du projet, la contrainte pénale, François Hollande reconduisait une garde des Sceaux, pourtant contestée de toutes parts.
Et le projet, toutes affaires cessantes, les élections européennes une fois lamentablement perdues, était proposé au vote des parlementaires dans le cadre inouï de la procédure d’urgence.
Compte tenu des débats dans l’opinion, on pouvait s’attendre, quel que soit le résultat final, à ce qu’une opposition digne de ce nom, mène le combat pour l’honneur et pour l’avenir, jusqu’au bout. Après tout, ce qui avait été fait pour s’opposer, à tort ou à raison, au mariage homosexuel méritait de l’être tout autant sinon davantage, concernant la sécurité des Français.
Qui, hormis Georges Fenech, a eu la compétence ferme et tranquille de s’opposer aux incantations hallucinées de Mme Taubira ?
Las, beaucoup de députés de droite se sont débandés. Qui, hormis Georges Fenech, a eu la compétence ferme et tranquille de s’opposer aux incantations hallucinées de Mme Taubira ?
Le résultat est consternant. Et je prends ici, solennellement date pour l’avenir.
Certes, il n’existe pas de politique pénale idéale. Aucun régime, fût-il le plus autoritaire et répressif, n’éradiquera jamais le crime. A fortiori dans un pays libre et démocratique. Tout est affaire d’équilibre savamment pesé. Mais par quelle perversion intellectuelle, la constatation des progrès de la délinquance issue déjà largement des dysfonctionnements d’une justice déficiente et culpabilisée envers les coupables a-t-elle imposé cette folle fuite en avant ?
L’esthétisme idéologique? Le plaisir de la pose? La détestation de l’État? La candeur, littéralement, désarmante des privilégiés? Une sourde fascination pour la violence transgressive? Sans doute tout à la fois.
Il n’en demeure pas moins que, dans les cités du crime, attentives et instinctives, le signal qui vient d’être donné par la représentation nationale à majorité gauchisante va être reçu clairement et nettement: la prison, déjà appliquée parcimonieusement, n’est plus la sanction principalement retenue.
Les peines planchers, maudites parce que sarkozystes, ont été supprimées
Rentrons plus avant dans les détails techniques pour contempler l’étendue de la catastrophe légalement survenue:
C’est l’idéologie du Syndicat de la Magistrature, au pouvoir place Vendôme, qui vient de triompher sans coup férir-Les peines planchers, maudites parce que sarkozystes, ont été supprimées. Elles avaient été créées pour inciter les juges à prononcer des peines minimales en cas de récidive. Par exemple, pas moins d’un an de prison pour un délit passible de trois ans. Cette mesure, très fréquente à l’étranger, a été bénéfique. Dans la ligne de mire, les juges idéologues, qui ne sont plus un fantasme de droite, depuis qu’un certain mur des cons a été mis à nu. C’est l’idéologie du Syndicat de la Magistrature, au pouvoir place Vendôme, qui vient de triompher sans coup férir.
-La contrainte pénale. Tout a été dit sur cette mesure alternative à une incarcération qui demeurera toujours la mesure la plus dissuasive et, en tout état de cause, prophylactique par le retranchement du criminel du monde de ses proies. Tout a été écrit sur l’impossibilité pratique de pouvoir contrôler valablement les bénéficiaires de cette contrainte peu contraignante. Sur cet alignement du récidiviste sur le primo délinquant. Mais le pire a eu lieu: un amendement des écologistes, prévoit que les obligations les plus importantes attachées au sursis avec mise à l’épreuve (travail, formation, soins …) soient désormais exclusivement réservées à la nouvelle contrainte pénale. En d’autres termes, si le juge estime nécessaire de mettre en oeuvre ces mesures il n’aura pas d’autre choix que d’utiliser la contrainte pénale.
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par jour en fin d’après-midi.Le système du sursis avec mise à l’être avait l’avantage de se combiner avec l’emprisonnement. En pratique, désormais le juge n’aura le choix déchirant qu’entre la prison et la contrainte pénale.
On peut imaginer que beaucoup seront davantage encore incités à opter pour la mesure moins dissuasive mais aussi moins culpabilisatrice…
dans deux ans, sauf anicroche, le délinquant sexuel, le dealer, ou le proxénète violent pourront avoir la partie belle…Plus consternant encore, François Hollande, conscient malgré tout de la dangerosité du nouveau système de Mme Taubira, s’est senti en devoir de la morigéner pour avoir laissé passer sans mot dire un amendement fulminé par l’extrême gauche et prévoyant l’extension de la contrainte pénale applicable jusqu’à cinq ans d’emprisonnement (ce qui était déjà beaucoup) aux délits punis de 10 ans de prison! Ainsi, un individu coupable d’une agression sexuelle aggravée, de la traite d’êtres humains ou de trafic de drogue pouvait donc échapper à la détention. Pour passer outre aux admonestations présidentielles, la gauche et ses extrêmes ont concocté une combine à grosse ficelle: pendant deux ans, la contrainte ne concernera que la version édulcorée… Autrement dit, dans deux ans, sauf anicroche, le délinquant sexuel, le dealer, ou le proxénète violent pourront avoir la partie belle…
C’est dans ce cadre hautement surréaliste que les débats ont été menés. Ainsi, Mme Duflot, tout en vitupérant les cyniques qui osent «instrumentaliser politiquement les faits divers» n’a pas manqué de faire finement observer que c’était l’horrible prison qui était responsable de la fanatisation du djihadiste de Bruxelles.
Autrement dit, il suffirait de ne pas incarcérer les braqueurs, les violeurs ou les assassins pour supprimer et le crime et sa récidive. Sots que nous sommes de ne pas y avoir songer.
Dans le même temps, le service public de l’information s’y donnait à coeur joie.
Sur France Info, on apprenait «que les spécialistes de la justice s’accordent à reconnaître que la prison est à l’origine de la récidive» alors même, que les syndicats de policiers, ceux de l’administration pénitentiaire, de nombreux criminologues, l’Institut Pour la Justice, le syndicat FO des magistrats… et, détail insignifiant et sans doute malséant, la majorité des Français pensent le contraire.
Sur France Inter, à 8h30, le mercredi à la veille des débats, Christian Estrosi, opposant au projet, était à la noce. Arrêt sur le son: Messieurs Cohen, Legrand, la totalité des auditeurs intervenants (dont l’un considérait la droite comme «pathologique») avec en prime l’humoriste de service, étaient favorables au projet de Mme Taubira. La voix de la France qui compte, en somme.
Il revenait donc à l’opposition de mener farouchement le baroud de l’honneur. Par quelle malédiction calamiteuse, la droite française, aujourd’hui sans tête, ne sait-elle pas mener, au bon moment, les combats qui s’imposent ? Ne pas avoir mené, quand il le fallait, la bataille contre l’immigration incontrôlée a entraîné la détresse identitaire que l’on sait. Fallait-il y ajouter la misère sécuritaire qui vient ?
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro.
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