Avec l’Euro, on ne peut plus dévaluer la monnaie, alors c’est le pays qu’on dévalue. L’Europe a toujours eu son homme malade. N’est-ce pas notre tour ? Une économie en berne, sans croissance, sans emplois, mais avec des déficits sur tous les tableaux, un Président qui a perdu tout crédit à l’intérieur et dont les homologues étrangers ne prennent la main que pour tâter le pouls, des socialistes laminés aux élections et dont la politique arrogante et à contre-courant sombre dans le ridicule aux yeux du monde entier, un résultat provocateur au scrutin européen : cet inventaire établit le diagnostic d’un pays dont la santé est atteinte au point de l’empêcher de tenir son rôle sur la scène internationale. Le Président avait annoncé une année de commémorations. Il comptait y trouver l’occasion de réinvestir symboliquement une fonction qui lui convient comme le commandement d’une escadre aérienne à un chef de gare du fin fond de la Corrèze. Il reçoit notamment Poutine, Obama, et le nouveau Président Ukrainien. On voit quel parti aurait pu tirer un grand Président de cette opportunité pour la France, mais aussi pour la Paix.
La France n’a joué aucun rôle positif dans la crise ukrainienne alors que sa tradition le lui imposait. Au lieu de laisser notre histrion international, BHL, s’illustrer une fois encore comme boute-feu à Maïdan, c’est notre Président qui aurait dû prendre ses distances avec la politique interventionniste américaine et chercher à réconcilier les parties dans un espace qui est d’influence russe davantage qu’européenne et qui n’implique en rien les intérêts légitimes des Etats-Unis. Mais la France n’apparaît de plus en plus que comme l’ombre malchanceuse d’une Allemagne qui en est à craindre un premier rang trop visible à force d’y être seule. De même, en décomptant jour après jour les morts en Irak, on doit se souvenir de l’attitude juste de Dominique de Villepin au côté de Jacques Chirac, lorsqu’il s’est opposé à l’aventure américaine contre Saddam Hussein. Nous aurions dû choisir la même option lorsque les Etats-Unis et leurs alliés du Golfe ont tenté de renverser Assad en Syrie. Au contraire, nous avons été parmi les plus offensifs. Aujourd’hui nous recevons le prix de notre irresponsabilité. Des « français », un « américain » se font tuer en participant avec des fanatiques au « djihad » contre le gouvernement syrien. Les islamistes massacrent des villages chrétiens et notre pays est complice objectivement de ces meurtres : par son attitude de soutien aux rebelles, par son appui au moins sanitaire dans les zones frontalières de repli, et par les rançons versées. On cherchera vainement la moindre logique dans une diplomatie qui légitime certaines rébellions en Syrie ou à Kiev et en condamne d’autres comme en Crimée, combat le terrorisme ici, et se retrouve son allié ailleurs, si ce n’est un alignement indigne sur les Etats-Unis, ce pays dont le Président allume partout des brasiers depuis qu’il est « Prix Nobel de la Paix. » Le Printemps arabe n’aura été qu’une illusion. Nous avons couru pour la rattraper. Cela a donné l’intervention militaire décisive contre Khadafi décidée par Sarkozy. Elle portait effectivement sa signature : décision énergique, action réussie, communication parfaite, mais absence d’évaluation des conséquences et absence de suivi des événements. Aujourd’hui, la situation est catastrophique : l’anarchie règne, le pays est livré aux rivalités tribales, la production d’or noir est considérablement réduite, les hommes et les armes du terrorisme islamiste circulent à partir de la Libye sur l’Afrique et le Moyen-Orient, l’émigration sub-saharienne n’est plus contrôlée.
La France s’est engagée à deux reprises directement et en première ligne contre les effets de la chute du dictateur libyen. La décision d’intervenir au Mali était bonne. Elle éradiquait les bases des organisations djihadistes au Nord-Mali. Mais une nouvelle fois, l’absence de suivi se fait sentir. Politiquement, notre pays devait peser de tout son poids pour qu’un accord soit trouvé entre Bamako et Kidal, entre les Bambaras et Peuls au sud et les Touareg au nord. Militairement, l’aide et la formation offertes à l’armée malienne auraient dû accroître son efficacité. Diplomatiquement, la France devait obtenir une participation plus grande et plus opérationnelle de la part de nos alliés africains et européens. Or, l’armée malienne engagée à la légère a été balayée. Cet échec ne tient pas seulement à la légèreté de nos dirigeants. Il est dû aussi au manque de moyens de notre armée pour faire face aux situations auxquelles elle est confrontée. La réduction du budget de la Défense est criminelle de la part de ceux qui décident d’exposer nos soldats sans leur donner toutes les chances de réussir avec le moins de pertes : huit au Mali, au moins trois en RCA. On veut espérer qu’elles n’aient pas été inutiles. En République Centrafricaine, la situation semble s’enliser dans une guerre civile entre la majorité chrétienne et les Musulmans de la Séléka. L’impréparation et l’inefficacité des alliés africains sont une fois encore constatées.
Retrouver notre place en Europe exige un rétablissement de notre économie. Etre de nouveau entendu dans la monde nécessite une indépendance dont il faut avoir les moyens. Exercer nos missions légitimes dans notre sphère d’influence oblige d’en posséder les capacités matérielles et humaines. Le chemin risque d’être long et ne sera pas parcouru d’ici le 6 Juin. Mais puisque le débarquement est dans les esprits, peut-être faut-il penser d’abord à « débarquer » ceux qui ont mis notre pays dans cet état.
Christian Vanneste, 31 mai 2014
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