Ce n'est ni le chef de l'armée, André Blattmann, ni le chef des forces aériennes, Aldo Schellenberg, qui paiera la facture du Gripen. C'est le directeur général de l'armement, Ulrich Appenzeller. Le Conseil fédéral a accepté mercredi sa démission en raison, dit-il,
"de divergences de points de vue au sujet des tâches d'Armasuisse et du rôle du directeur général"
. Le conflit couvait depuis longtemps. Ueli Maurer a crevé l'abcès, comme pour démontrer son intention de rester aux commandes. Pourtant le Conseil fédéral n'a pas l'intention de lui lâcher la bride. Il a décidé de remettre en cause le plafond budgétaire de l'armée. Quelque 800
millions de francs destinés à l'acquisition des Gripen entre
2014 et
2016 seront attribués à d'autres départements. Par la suite, tout est ouvert.La fixation du plafond budgétaire de la Défense est depuis plusieurs années un sujet de litige entre le Conseil fédéral et Ueli Maurer qui avait fini par obtenir le soutien du Parlement. L'an dernier, celui-ci avait imposé un relèvement du plafond à 5
milliards de francs alors que le gouvernement s'en tenait mordicus à 4,7
milliards pour ne pas prétériter les autres tâches de la Confédération. La majorité bourgeoise des Chambres fédérales avait prôné ce budget de 5
milliards afin de financer l'achat des 22 Gripen pour un total de 3,126
milliards de francs, à raison de 300
millions par an.L'armée conserve 100
millions
L'échec subi devant le peuple le 18
mai remet cette stratégie en cause.
"Comme il n'est pas possible, à court terme, d'engager pleinement les moyens initialement prévus, le plafond budgétaire de l'armée doit être rabaissé pour les années 2014 à 2016",
affirme le gouvernement. Cette décision met 800
millions de francs supplémentaires à disposition des autres départements pour la même période.L'armée ne conserve que 100
millions sur les 900
millions qui devaient être investis dans l'achat du jet suédois. Au-delà de 2016, tout dépendra du projet de développement de l'armée, qui sera présenté cet automne par Ueli Maurer. Le chef du département de la défense doit le remanier à l'aune de la décision populaire sur le Gripen."Le Conseil fédéral a pris la mesure du problème"
, se réjouit le socialiste jurassien Pierre-Alain Fridez qui fait partie des vainqueurs du 18
mai.
"C'est une décision pragmatique qui a le mérite d'ouvrir le débat sans créer de nouveaux blocages"
. Son adversaire, le président de la Société suisse des officiers, Denis Froidevaux, reste optimiste.
"Le Conseil fédéral ne s'est pas prononcé au-delà de 2016. Je ne lis pas sa décision comme une volonté définitive de plafonner le budget de l'armée à 4,7
milliards. Dès 2017, il faudra financer une armée certes réduite à 100 000 hommes, mais à la technologie toujours plus pointue et onéreuse".Décision logique ou "spoliation"?
Pour le libéral radical genevois Hughes Hiltpold, membre de la commission de politique de sécurité du Conseil national, il est juste que le Conseil fédéral tienne compte de la décision du peuple en remettant 800
millions dans la caisse générale de la Confédération.
"C'est institutionnellement correct. Cela permettra par ailleurs d'atténuer le programme d'économies qui est en préparation".
Pour sa part, Denis Froidevaux a beau reconnaître la logique de la décision gouvernementale, il estime que l'armée a été spoliée.
"On a créé un fonds d'investissement pour les transports publics. Pourquoi ne le fait-on pas pour l'armée? Au cours de ces dernières années, elle a restitué des soldes de crédits de plus d'un milliard de francs. Si elle avait pu utiliser ces fonds, un tiers de la facture du Gripen aurait été réglé"
.Interrogé par La Première de la RTS, le sénateur valaisan Jean-René Fournier (PDC) estime que la décision du Conseil fédéral a un caractère punitif.
"Il n'y a effectivement pas de raison de maintenir le crédit prévu pour 2014, mais il n'en va pas de même pour
2015 et
2016. L'armée doit assainir son parc immobilier et l'équipement de la troupe est notoirement insuffisant."
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