PHILIPPE BARRAUD
Fusillé dans le dos, André Blattmann ! Le chef de l’Armée a pris le risque d’avouer qu’il avait des réserves de guerre pour sa famille dans sa cave. Une naïveté qui ne pardonne pas face à des médias plus destructeurs que jamais.
Beaucoup de Suisses ont des réserves alimentaires, même s’ils ne s’en vantent pas. Et pourtant, ils n’ont pas de responsabilités particulières. Le chef de l’Armée, lui, devrait s’abstenir de ce genre de confidence face aux médias. Il n’a malheureusement pas (encore) compris qu’en tant que patron d’une institution incarnant une forme d’autorité, il est l’homme à abattre, et que les médias feront tout pour le piéger. Et il n’a pas non plus compris que, pour une certaine gauche, le meilleur moyen d’abattre un adversaire politique, c’est de le ridiculiser.
La presse, alémanique notamment, a été particulièrement féroce. Fondamentalement parce que, encore une fois, toute forme d’autorité doit être contestée et abattue. C’est particulièrement vrai pour l’armée, mais c’est vrai aussi pour le pouvoir politique, pour la police et pour l’école. La gauche et les médias – pardon du pléonasme – n’ont pas digéré le plébiscite de l’armée de milice, et par conséquent, ils continueront de plus belle à faire flèche de tout bois pour démolir l’institution et, dans cette stratégie à long terme, provoquer le crash du Gripen, cible privilégiée des antimilitaristes en ce moment. A cet égard d’ailleurs, rien n’est joué, quoi qu’ils en pensent.
Mais pourquoi, au-delà de l’autorité qu’il incarne, André Blattmann a-t-il été à ce point attaqué ? C’est parce qu’en évoquant implicitement un risque de guerre, il bat en brèche les dogmes religieux de la gauche, pour qui la guerre appartient définitivement au passé. Même, et surtout si l’Histoire, décidément contrariante, indique le contraire ! La gauche redoute que l’hypothèse de conflits armés rapprochés puisse germer dans l’esprit du citoyen. Un peu moins obnubilé par ses loisirs, sa consommation et le foot à la télé, l’homo festivus helvétique pourrait s’aviser du fait que l’Armée n’est peut-être pas au bon niveau, et que des dépenses supplémentaires seraient justifiées. Voire une restructuration de l’institution, orientée de nouveau vers sa mission première, qui est de faire la guerre, plutôt que de pomper de la flotte lors d’inondations.
Il reste que ce déchaînement d’agressivité – qui n’est pas terminé, les humoristes sans imagination vont en faire leurs choux gras dans les jours qui viennent – est préoccupant. Il témoigne d’un relâchement du lien social, à un moment de l’Histoire où un pays d’Europe orientale s’apprête a subir les souffrances d’une occupation militaire. Mais parallèlement, la Suisse n’a pas besoin d’un chef de l’Armée naïf et hyper-communicant. Notre armée n’est plus une grande muette, elle est devenue une grande bavarde. Hélas…
Extrait de: Source et auteur
Et si une communication avisée faisait aussi parti d’une stratégie de défense nationale?
Avisée, ne rélègue pas la discrétion, voir le silence aux oubliettes. Il y a un dicton qui exprime cela pertinemment :
“Il vaut mieux la fermer et avoir l’air idiot, que l’ouvrir et enlever tous les doutes.”