La cécité des opposants à l’initiative de l’UDC sur l’immigration de masse est stupéfiante. Au-delà de la question de savoir si cette initiative est juste ou fausse, il y a une leçon à tirer de cette cécité. Si nous le faisons, nous pourrons peut-être dépasser un manichéisme infantilisant pour lequel il y a les bons qui seraient ouverts et les méchants qui seraient fermés. La Suisse mérite mieux que le noir et blanc. Elle mérite mieux qu’une dichotomie abrutissante entre les vilains réactionnaires et les bienveillants progressistes.
A aller répétant aux peuples et aux individus qu’ils doivent se soumettre aux conclusions d’experts en analyse objective, on les traite comme des choses qui doivent se soumettre servilement à ces conclusions. Ni les peuples, ni les individus n’aiment être traités comme des choses. Comment les opposants à l’initiative UDC n’ont-ils pas compris qu’en se présentant comme des porteurs de lumière sur la croissance ou nos rapports à l’UE, ils peignaient leurs adversaires comme des porteurs d’obscurité, des Lucifer. Comment ont-ils pu croire qu’en enjoignant au peuple de s’aplatir devant des prédictions parées des atours de la plus pure rationalité économique, ils allaient convaincre ? Etaient-ils devenus fous ? On n’a jamais vu des gouvernants tenter de convaincre les gouvernés de devenir esclaves de leur discours, mais c’est à cet incroyable spectacle que nous avons eu le privilège d’assister jusqu’au 9 février 2014.
J’entends déjà des cris d’orfraie. « C’est une analyse rationnelle qui, seule, peut nous dire ce qu’il faut faire ! Ceux qui n’acceptent pas cette analyse sont des émotifs irrationnels qui vont nous précipiter dans la nuit, le chaos ! » Ces cris sont tellement délirants qu’il faut se frotter les oreilles. Avons-nous bien entendu ? Qui a dit que la rationalité est un souverain devant lequel il faut s’agenouiller sans murmurer ? D’où vient tant de flagornerie devant la déesse raison et ses laquais ? D’où viennent-ils, tous ces petits marquis poudrés qui prétendent savoir exactement ce qui va se passer si nous prenons telle ou telle décision ? Comment osent-ils, ces poudrés, se prétendre détenteurs des clés de l’histoire, comme les staliniens d’antan ?
Ah oui, mais rejeter la raison, n’est-ce pas une abomination ? Certes, mais qui a dit que la volonté est tout entière au service de la raison ? Comme disait Herbert Marcuse en 1968, entendre notre volonté dire « non » à ce que notre raison nous présente comme inéluctable, fonde notre humanité. Un homme qui dit oui et toujours oui à la pure logique, surtout lorsqu’elle est économique, n’est plus un homme, mais un chien bien dressé. Qu’il faille écouter les économistes, c’est évident – qu’il faille se plier sans murmurer à leurs conclusions ne l’est pas du tout, surtout quand ils les assènent comme des vérités absolues. L’Europe est en train de mourir sous le poids de ces vérités assénées par ceux-là mêmes qui prétendent la défendre. La Suisse, elle, n’agonise pas.
Il faut n’avoir jamais lu un livre d’histoire pour croire que quelqu’un, parmi nous, peut déclarer en toute certitude qu’à faire ceci ou cela, on ira vers le bien ou vers le mal. Bien sûr, on peut le dire, mais avec réserve, humilité devant le tragique des affaires humaines. Les plus nobles âmes soutenues par les plus nobles réflexions, ont échoué ou se sont trompées. Il faudrait s’en souvenir. Les opposants à l’initiative UDC ne s’en sont pas souvenus. Ils n’ont eu ni réserve, ni humilité dans leur propagande simpliste. Comme de purs idéologues. Ils ont martelé, qu’ils savaient, savaient, et savaient encore.
C’est d’autant plus surprenant que la Suisse existe grâce à un événement sans lequel elle n’existerait pas, un événement provoqué par quelqu’un qui a dit non à l’empire des Habsbourg. On peut considérer Guillaume Tell comme une figure de légende, mais quelque chose a eu lieu qui consistait précisément à dire non à l’ordre des choses impériales. Le vote du 9 février s’inscrit dans le droit fil de l’histoire helvétique. Ne peuvent le regretter que ceux qui errent, comme de tristes spectres, dans les ruines d’une science économique perdue par son orgueil.
Jan Marejko, 10 février 2014
Tout bêtement je me dis que ceux qui n’ont pas approuvé l’initiative ‘contre l’immigration de masse’ étaient nécessairement pour l’immigration de masse; sinon ils se seraient abstenus, comme les 25% de reste; mais que signifie être pour l’immigration de masse dans l’esprits de ces soi-disant bons patriotes? Enserrer sur un territoire exigu plus de population que n’en contiennent la Belgique et la Hollande, aux densités comparables à celle de la Suisse, mais dont le territoire n’est pas aux deux tiers sis entre hautes montagnes et glaciers, donc une densité encore supérieure à celle du calcul standard: aberrant et impensable; on reproche à la Suisse son épanouissement économique, on dit que c’est grâce à l’Europe, quelle Europe? Et l’on oublie de dire qu’avant 1980 l’Europe n’a jamais secouru en rien cette Suisse qui a dû grandir seule, qui a aidé ses voisins, et jamais l’inverse, qui aidé des populations lointaines riches en minerais et ressources agricoles, mais jamais l’inverse; les seuls bienfaits reçus par la Suisse ont été octroyés par l’Empire, puis par les puissances à Vienne, de quelle Europe s’agissait-il ? Pas celle qui se croit aujourd’hui des droits immémoriaux et absolus contre la souveraineté helvétique, en tout cas. ‘Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées’
Les grands voisins qui condamnent les succès suisses feraient mieux de surveiller le lait en ébullition sur le feu de leur cuisine…
Un lecteur français prédisait une gueule de bois en cas d’acceptation de l’initiative, et tenait une bouteille de champagne au frais pour la célébrer. Ce qu’il a fait!, Et, à l’instar de tous les témoignages portés à ma connaissance, à célébré sagesse du peuple suisse! 53 % du peuple suisse! J’étais en faveur de cette initiative, elle a été acceptée, et j’ai la gueule de bois ! pourquoi ? Par ce que certains membres de l’élite politique et une majorité de journaleux se croient compétents pour analyser les motifs de l’acceptation, et livrent leurs conclusions de manière péremptoire ! Parmi lesquelles nous nous retrouvons les bientôt désormais traditionnels “frilosité, xénophobie, peur de l’autre et j’en passe. Ce qui, entre nous soit dit, en dit long sur la profondeur de l’argumentation socialiste contre l’initiative! Par ailleurs, aucun argument émanant des milieux économiques n’a marqué mon intelligence, ni ma mémoire! Sinon la menace de la misère.
Ceci dit, je me demande si quelqu’un a vraiment mesuré les ramifications profondes de l’enjeu. Elles sont nombreuses. Je pourrais bien avoir eu envie de flanquer la pile à ceux qui s’acharnent sur Christoph Blocher. Ou manifester un refus épidermique de l’emprise de l’Hydre européenne. Dont je ne sais guère qui elle est! La Commission, Baroso, Ashton, Junker, Rompuy ou une clique de repris de justice opportunistes? (Voir la vidéo de François ASSELINEAU, proposée par les Observateurs). Refus exacerbé par ses menaces réitérées. Exécration de sales gueules que l’on croise parfois souvent dans nos rues. Et dont on est fondé de se demander en quoi elles sont utiles à l’économie ou à quoi que ce soit d’autre.
Mais voici l’autre raison de ma gueule de bois!
Il y a une dizaine d’années, j’ai reçu l’amitié d’une femme de qualité. Juriste de formation, ancienne membre du directoire d’une chambre de commerce. Lundi matin je la rencontre et lui demande comment elle a voté. Elle a voté contre l’initiative, et me dit pourquoi. Elle craint une surcharge bureaucratique s’ajoutant à celle, existante est déjà pesante. Elle me dit que les contraintes administratives pour engager une femme de ménage sont telles que c’est un encouragement au travail au noir! Elle ajoute, ulcérée, qu’elle doit demander moult autorisations pour organiser un repas en faveur de sa troupe de théâtre. dont clle de servir de l’alcool à table! Ce qui a, à mes yeux, un lent d’Europe!
Ce n’est pas tout! Elle cite les paroles d’une de ses amies, cadre dans l’antenne suisse d’une entreprise anglaise. Ils engagent plus volontiers des employés français, car l’engagement de suisses est trop compliqué.Cherchez l’erreur!
C’est donc aussi contre la bureaucratie suisse je me suis exprimé!
A ce propos me revient à l’esprit que la « mère patrie » m’a facturé 55 CHF de frais pour l’importation de deux paires de pantalons d’une valeur de 148 CHF!
Notez que j’ai commencé la rédaction de ces lignes avant d’avoir pris connaissance de celles de Monsieur Marejko. Lesquelles expriment parfaitement ce que je ressens. Ce dont plusieurs lecteurs lui ont rendu témoignage. Louant son talent de s’exprimer pour eux, se montrant ainsi avocat. Selon le sens étymologique de « celui qui parle pour ». Pour celui qui est sans voix, ou sans talent.
Merci Monsieur Marejko.
Monsieur Marejko, ah que j’aimerais savoir écrire comme vous. Vous faites ressortir ce que j’ai dans mon cœur et mes tripes sans pour autant savoir l’exprimer.
Vous ne nous dites pas si nous avons choisi l’alternative la plus rationnelle, et l’humilité nous incite à dire “je n’en sais rien”. Mais je suis convaincu que nous avons fait le choix qui nous permet de garder la tête haute … je suis tenté de dire “en toute fière humilité”.
Merci.