Dire oui le 24 novembre, c’est aussi la possibilité, lorsque les cartes seront posées sur la table, de dire oui ou de dire non…
La campagne pour l’ouverture d’un processus de construction ne passionne guère. La répétition des mêmes arguments, en boucle, dans un camp comme dans l’autre, lasse. Entre bilan enjolivé, certitudes de gagner au « jeu du million », croyance naïve qu’un Etat puisse créer le bonheur, provincialisme régional érigé en modèle d’assistanat, bisounurseries promues au niveau pompeux de « dialogue » et la peur de se faire avoir… le niveau reste décoloré et abstrait. Ceux qui politisent déjà maintenant en prédisant un avenir radieux, le bonheur par la Constitution ou diabolisent l’Etat jurassien font fausse route. Il ne s’agit le 24 novembre que d’ouvrir un processus, sûrement coûteux, qui prendra du temps. Bien sûr que ce vote n’est pas issu directement de la volonté des citoyens, du peuple souverain. C’est un projet institutionnel qui a obtenu l’acquiescement des deux gouvernements cantonaux. Si j’étais loyaliste bernois, je me demanderais d’ailleurs si la Berne cantonale lassée et indifférente, n’est pas en train de négocier la reprise par le Jura d’une future zone économique sinistrée, Moutier, en déplaçant la frontière ? Le processus est décidé, et il va fonctionner de toutes manières, quoi qu’il arrive. Donc il faut jouer le jeu et peser de tout son poids pour corriger les erreurs historiques, œuvrer à une véritable réconciliation, ouvrir la page de ce qu’il faut dorénavant appeler le post-autonomisme. Il n’y pas de débat contradictoire et passionné dans le Jura puisqu’ il n’y a presque pas d’opposition affichée à l’ouverture du processus et qu’il ne s’agit que d’une décision technique. Il n’y a pas encore de modèle de société proposé, de définition du rôle de l’Etat, de valeurs identitaires ou de souverainisme. On n’en est qu’aux déclarations d’intention, d’actes de foi, de postures régionalistes, de déclamations carriéristes politiciennes, une sorte de « poker menteur » de belles paroles et d’intentions cachées. Aucun risque ici à s’afficher pour le oui, surtout que les prévisions laissent pour le moment entrevoir l’échec de la démarche et le démarrage d’une option communaliste qui pourrait faire exploser l’équilibre du jura bernois. Un double oui serait plus embarrassant pour la classe politique jurassienne car il faudrait ensuite entrer dans le vif du sujet, abattre ses cartes, envisager un équilibre de forces politiques nouveau, au détriment de certains partis, mettre un bémol à l’étatisme, travailler à la réelle intégration de forces politiques différentes d’opposition dans le jeu politique. Abandonner le clientélisme politique de récompense par l’accès aux postes de l’administration réservé aux fidèles et aux copains. Introduire dans la future Constitution de réels mécanismes de protection contre les abus de l’Etat. Ce n’est qu’en allant plus loin dans le processus qu’on pourra changer, confronter, vérifier les promesses, prendre au mot, voir les intentions aujourd’hui cachées, tester le potentiel de réconciliation et le respect des anciens adversaires. La parabole la plus appropriée à cette situation est celle du « retour du fils prodigue ». La classe politique devrait tout particulièrement veiller à choyer et ouvrir son cœur à ses anciens adversaires et concurrents pour leur offrir une belle place à sa table. Faire envie, reconnaître ses erreurs, ouvrir son cœur. Ne commettons par l’erreur de bloquer un processus qui est en route, avec ou sans nous, mais pesons de tout notre poids pour créer un authentique changement démocratique. La bataille politique suivra et elle réservera de bonnes surprises. Il est permis de penser que la démocratie de proximité, les valeurs identitaires, le patriotisme économique local, le souverainisme culturel et alimentaire, le protectionnisme des emplois jurassiens, l’esprit d’entreprise, le modèle suisse en sortiraient renforcés.
Dominique Baettig, ancien Conseiller national
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