Plus la peine de voter : Pierre Ruetschi a les résultats !

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant

Le septuor désigné par le rédacteur en chef de la TG se trouve être, par le plus grand des hasards, à peu près le même que celui du « sondage » (sur le prodigieux échantillon de 213 personnes) publié cette semaine par le même quotidien. Dans ces conditions, nous les citoyens, qui recevons des enveloppes de vote, faut –il absolument que nous perdions notre temps à accomplir notre devoir électoral ? Puisque de toute manière, Pierre Ruetschi le fait pour nous. La TG, par deux fois en quelques jours, ne nous dit même plus pour qui il faut voter, dans la bonne tradition du Nouvelliste de mon enfance. Non, elle franchit une étape supplémentaire : elle nous dit qui sera élu.

 

En découvrant ce matin l’éditorial de la Tribune de Genève, j’ai immédiatement pensé au discours prononcé le 27 janvier 1978 par Valéry Giscard d’Estaing à Verdun-sur-le-Doubs. VGE est au pouvoir depuis bientôt quatre ans (mai 1974), les législatives approchent, la gauche commence à faire peur (elle échouera, finalement, le 19 mars, et je me souviens des yeux rouges de Michel Rocard), alors le président de la République sort de sa réserve, et, dans cette paisible commune de Saône-et-Loire, indique au Français ce qu’il considère comme « le bon choix » pour la France.

 

« Le bon choix pour Genève », c’est l’édito de Pierre Ruetschi, ce matin. Un texte qu’on peut qualifier de prophétique, puisqu’il ne nous livre rien de moins que les résultats de l’élection du 10 novembre. On y apprend que François Longchamp (« stature, sens incontestable de l’Etat, intelligence politique ») et Pierre Maudet (dont on salue le « bilan » alors qu’il n’est là que depuis seize mois) seront réélus, ainsi que « le solide Serge Dal Busco », nettement préféré par l’auteur au « tournoyant Luc Barthassat », lequel devrait passer «avec un peu de chance ».

 

On y apprend encore que « la gauche, qui part à trois, devrait obtenir en toute bonne mathématique électorale au moins deux sièges ». Thierry Apothéloz, avec un mépris assez saisissant, est immédiatement qualifié de « joker », puis de « falot ». Donc voilà élus Anne Emery-Torracinta et Antonio Hodgers. Le dernier siège devrait se jouer entre Mauro Poggia et le joker. Dans un réflexe digne des plus riches heures des Fronts républicains contre la Bête immonde, l’éditorialiste choisit le joker. Et voilà notre septuor. Pas belle, la vie ?

 

Le septuor désigné par le rédacteur en chef de la TG se trouve être, par le plus grand des hasards, à peu près le même que celui du « sondage » (sur le prodigieux échantillon de 213 personnes) publié cette semaine par le même quotidien. Dans ces conditions, nous les citoyens, qui recevons des enveloppes de vote, faut –il absolument que nous perdions notre temps à accomplir notre devoir électoral ? Puisque de toute manière, Pierre Ruetschi le fait pour nous. La TG, par deux fois en quelques jours, ne nous dit même plus pour qui il faut voter, dans la bonne tradition du Nouvelliste de mon enfance. Non, elle franchit une étape supplémentaire : elle nous dit qui sera élu.

 

A ce niveau-là, la géniale Cassandre et la Pythie de Delphes apparaissent comme des apprenties, des modèles de cécité et d’impéritie. Citoyens, plus la peine de voter, ni même de se triturer les méninges : Pierre Ruetschi a déjà tous les résultats, Céline Amaudruz et Eric Stauffer ne sont même pas nommés, François Longchamp entre au Panthéon des hommes d’Etat, et Pierre Maudet peut s’enorgueillir, après seize mois, d’un bilan. Quant au « tournoyant Barthassat », notre bleuté prophète, après avoir réglé son sort avec cette chiquenaude verbale, l’envoie tournoyer en d’improbables tournois. Dieu que la vie est belle, lorsque les géomètres du prévisible nous délivrent de nos périssables incertitudes.

 

Pascal Décaillet, 2 novembre 2013

 

 

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