L’échec retentissant de l’initiative pour l’abolition de l’obligation de servir a pu faire oublier la prochaine échéance qui va animer la scène politique suisse en 2014: le référendum contre l’achat de nouveaux avions de combat, lancé le 8 octobre et dirigé contre le fonds spécial prévu pour acheter 22 avions de combat Gripen. Les partisans de ce référendum se sont mis en ordre de bataille pour récolter les 50’000 signatures nécessaires et nul doute qu’ils n’y parviennent. Voici l’habile argumentaire qu’ATTAC reprend à son compte pour nous convaincre de soutenir ce référendum:
Gaspillage de milliards de francs du contribuable
L’achat de nouveaux avions de combat coûte à la Suisse plus de 3 milliards de francs. Si l’on compte l’exploitation et l’entretien des avions, ceux-ci coûtent même 9 milliards de francs. L’argent dépensé pour les avions de combat fera défaut pour d’autres investissements : non seulement pour le maintien de la sécurité de notre pays (lutte contre le terrorisme et cyber-attaques, prévention et intervention en cas de catastrophes, politique de la paix), mais également pour la modernisation de la Suisse (infrastructure dans les domaines de l’énergie et des transports, formation, recherche, etc.).
Pour le maintien de la sécurité, nul besoin de nouveaux avions de combat
La Suisse n’a pas besoin de nouveaux avions de combat. Pour les tâches de police du ciel, l’armée dispose avec les actuels F/A-18 d’une flotte plus importante que des Etats voisins comparables. Dernièrement encore l’armée a rééquipé les F/A-18 pour plusieurs millions de francs avec la technique la plus récente. Le Conseil fédéral a lui-même affirmé dans son rapport 2010 sur la sécurité politique que l’achat de nouveaux avions de combat durant la présente législature était inutile. Le Service de renseignement dans son rapport de situation 2013 confirme que les risques de conflit armé classique en Europe sont faibles.
En d’autres mots, pour le maintien de la sécurité de la Suisse, l’achat d’avions de combat supplémentaires est inutile.
Des milliards pour un avion de papier
L’avion de combat que le Conseil fédéral veut acheter n’existe que sur papier. Le risque est assumé par les contribuables. Des dizaines de composants de l’avion doivent encore être développés. La Suisse doit payer à l’avance 40% du montant de l’achat (plus d’un milliard de francs), sans savoir si le Gripen pourra voler un jour.
Pour rappel : après le dernier achat d’avion de papier – l’achat des Mirage – le Parlement s’est promis de ne plus jamais acheter un avion de papier. Ne jetons pas cette sage parole par-dessus bord.
Habile argumentaire, mais argumentaire fallacieux. Une nouvelle fois, les faits sont têtus:
L’achat du Gripen n’est pas un jeu de hasard. Les coûts, y compris le risque et le renchérissement estimé jusqu’à la livraison, s’élèvent à 3,126 milliards de francs, et pas à 9 milliards. L’achat comprend 22 avions monoplaces, entièrement équipés pour les engagements air-air avec missiles de nouvelle génération, munitions et réservoirs largables. L’intégration du Gripen dans tous les systèmes de conduite helvétiques, Florako compris, fait partie de cet achat. Celui-ci est garanti par l’Etat suédois, qui va aussi acquérir la version E du Gripen.
La sécurité forme un tout: les menaces (terrorisme, cyber-attaques, police aérienne, ...) ne s’annulent pas, mais elles se combinent différemment dans le temps avec, dans le pire des cas, un effet catastrophique comme ce fut le cas le 11 septembre 2001. Ce jour-là, aucun cyber-expert n’aurait pu empêcher des avions de ligne d’être utilisés comme armes de destruction massive. En revanche, des services de renseignement intérieur et extérieur travaillant de concert et une défense aérienne prête à intervenir oui. Or, pour intervenir, encore faut-il des avions en nombre suffisant pour assurer une alerte au sol ou en l’air en fonction des renseignements disponibles. On le voit, la sécurité forme un tout ...
Les Forces aériennes devraient disposer d’au moins cinq escadrilles de combat afin de pouvoir assurer dans le temps les missions de police aérienne. Il manque donc des avions capables de le faire de jour comme de nuit, ce que le F-5 ne peut techniquement pas.
Dans son rapport 2010, le Conseil fédéral affirme: “Afin que l’armée puisse efficacement et durablement donner suite aux missions qui lui incombent, en particulier le service de police aérienne, elle doit à l’avenir également disposer d’un nombre suffisant d’avions de combat qui correspondent aux exigences techniques actuelles” (p. 38). Nulle part, le gouvernement affirme que l’achat de nouveaux de combat est inutile.
Pour “moderniser” la Suisse, encore faut-il que sa sécurité soit assurée.
Le Gripen E n’est pas un “avion de papier”: son démonstrateur vole actuellement, ce qui garantit à la Suisse la fourniture vers 2020 d’un avion doté des dernières technologies. Ses capacités de vol plus faibles que le F-18 seront largement compensées par le nouveau radar AESA et le nouveau missile Meteor, bien plus performant que le missile Amraam qui équipe actuellement le F-18. Arrêtons d’agiter l’épouvantail de l’affaire des Mirage. A son sujet, la lecture de l’article du DHS permettra de vérifier l’adage “comparaison n’est pas raison”: http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17348.php
La Suisse verse un acompte de 40% mais, en contrepartie, les risques liés aux taux d'intérêt et à l'inflation sont assumés par la Suède. De plus, en cas de retard dans le programme, l’Etat suédois s’engage à payer des dommages et intérêts à notre pays. Dans toute vente, l’acheteur et le vendeur doivent y trouver leur compte. L’achat du Gripen a donc une dimension économique et industrielle non négligeable: http://www.grpm.ch/images/pdf/saab%20newsletter-oct-f-131008.pdf
En définitive, l’achat d’un avion de combat n’est pas seulement un choix militaire, industriel, voire technologique, mais implique avant tout un choix stratégique essentiel pour un pays comme la Suisse, non aligné et soucieux de le rester. Il faut espérer que le débat qui s’annonce ne restera pas au ras des pâquerettes mais prendra un peu de hauteur, car il y va de la sécurité de la Suisse, gage de sa prospérité.
Pierre Streit, 31 octobre 2013
Le radar AESA ES-05 Raven du Gripen E vole aujourd’hui sur l’avion de développement Gripen F, ce radar est à l’état de série, (nous ne sommes plus au niveau prototype). Ce même radar à montré des capacités excellentes notamment à longue distance (plus de 200km) pour la détection de cibles à faible signatures (drones, avions furtifs, missiles balistiques) de plus , il est le seul radar AESA capable d’ouvrir en permanence sur 200° (140° pour la concurrence). Ce radar est en production et va être monté sur les trois Gripen E de préséries qui voleront fin 2014. L’antenne de Selex-ES utilise la même technologie (arsénure de gallium) que celle du E-Captor de l’Eurofighter. Le financement n’a rien àvoir ave cle Typhoon.
Le Gripen E n’a rien à voir avec les essais effectués en 2008 avec le standard C/D, avec un rayon d’action de 1400km, vitesse max Mach 2,0 (sans bidon, ni ravitaillement) système Supercruise permettant de décoller à pleine charge sans postcombustion et atteindre mach1,2. Nouvelle avionique comparable au F-35, F-22 et Sukhoi T-50, plus besoin de biplaces.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres ce choix est bon, il offre une technologie de pointe à un coût raisonnable.
PK, avia news
Le démonstrateur a cumulé depuis 2008 plus de 250 heures de vol à son actif, notamment en Suisse (à Emmen en octobre 2012 puis en janvier et avril 2013). L’assemblage du Gripen E de pré-production (avec son radar AESA de série) a commencé cet été, à Linköping. Selon l’accord cadre conclu, les avions seront livrés entre 2018 et 2021. Pour ma part, je ne vois donc aucune raison de paniquer … Jusqu’à preuve du contraire, j’ai confiance dans nos spécialistes, car tous les essais se déroulent normalement jusqu’à présent …
Quand on voit la complexité des équipements d’un avion de combat, on a du mal à comprendre en quoi le vol d’un démonstrateur suffise à se rassurer.
C’est d’ailleurs sur l’antenne active du radar AESA qu’il y a le plus de risques pour le Gripen E :
– Saab semble s’appuyer sur la solution Selex dont une grande partie est commune avec l’Eurofighter. Mais ce financement pour l’Eurofighter est loin d’être décidé … les suédois vont avoir à trouver de nombreuses centaines de millions pour compenser ou au moins pour démarrer les travaux à prévoir sur 5 ou 6 ans.
– concernant l’apport d’un radar AESA, je ne vois pas comment cet équipement pourra compenser les capacités de vol plus faibles puisque l’évaluation plaçant le Gripen en dessous du F18 s’était faite avec ce type de radar !