Il a été longtemps admis que l’électricité se faisait d’abord avec des turbines et des ressources énergétiques pour les alimenter.
Il faudra se faire à l’idée qu’on va faire l’électricité plutôt avec des interdictions, des taxes, des mises hors services, voire avec des mots comme une “position longue sur le plan stratégique” ou comme “des modèles commerciaux innovants”. Il s’agit probablement d’importations dans ce dernier cas.
Dans un communiqué de presse de ce jour, la société BKW-FMB (Forces motrices bernoises) qui exploite la centrale nucléaire de Mühleberg annonce avoir décidé de fermer cette centrale pour 2019.
http://www.bkw.ch/lecteur-media/items/mise-hors-service-de-la-centrale-en-2019.html
(PDF en annexe)
Intéressant: le commentaire de Marc Decrey sur RTS la 1ère au début du bulletin d'info de 8h de ce mercredi 30.10.2013. Pas de ton triomphaliste anti-nucléaire que l’on aurait pu attendre de certains médias. Sobrement Marc Decrey fait le constat froid que l'accumulation des difficultés et des incertitudes politiques et économiques mises à l'exploitation du nucléaire en Suisse poussent un (1er?) exploitant à jeter l'éponge. C’est un avertissement.
Verbatim
Du communiqué de presse de BKW-FMB on peut relever les arguments - inquiétants - suivants :
Extrait 1 :
"Même si la CNM constitue un pilier de la production d’électricité de BKW, l’entreprise ne perd pas sa position longue sur le plan stratégique. BKW pourra donc continuer de garantir l’approvisionnement de base de ses clients et de tenir ses engagements de fourniture vis-à-vis de ses partenaires distributeurs, et ce même après la mise hors service de la CNM. Parallèlement, l’entreprise continuera à élargir son vaste portefeuille hydraulique et éolien en Suisse et à l’étranger".
BKW ne dit pas comment et à quel coût.
Extrait 2:
"Avec sa nouvelle stratégie, BKW est bien préparée pour relever les défis liés à la conjoncture exigeante du marché. Les pertes économiques relatives aux activités conventionnelles de vente d’énergie pourront être compensées par la mise en place de modèles commerciaux innovants ainsi que par les programmes d’optimisation de l’efficacité déjà en place. La réorientation stratégique de BKW lui permettra en outre d’atteindre de manière plus rapide et plus cohérente son objectif: devenir un fournisseur de prestations énergétiques leader en Suisse."
Ce charabia n'était pas habituel chez les industriels de l'électricité.
L'influence politique : le gouvernement de ce Canton (Berne) est à majorité rose-verte depuis quelques années. Le gouvernement Hollande aurait pu rédiger cette prose.
Conclusion
Il a été longtemps admis que l'électricité se faisait d'abord avec des turbines et des ressources énergétiques pour les alimenter.
Il faudra se faire à l'idée qu'on va faire l'électricité plutôt avec des interdictions, des taxes, des mises hors services, voire avec des mots comme une position longue sur le plan stratégique ou comme des modèles commerciaux innovants. Il s’agit probablement d’importations dans ce dernier cas. Notre industrie va encore délocaliser et le marchand va remplacer le producteur. Par ailleurs le nucléaire est une activité de haute technologie où le « poids » de la matière grise l’emportait nettement sur celui du minerai et des matières premières.. Cette annonce est aussi un coup pour la matière grise de ce pays.
Le citoyen suisse sera-t-il gagnant ?
Jean-François Dupont, 30 0ctobre 2013
J’ai dit que BKW ne dit pas comment elle compte “continuer de garantir l’approvisionnement de base de ses clients” .
Mea culpa.
BKW a donné des détails lors de la conférence de presse de 11h. Cela mérite attention.
La grande partie de la production de Mühleberg sera compensée par une participation dans la centrale au charbon de Wilhemshaven dont l’Allemagne achève la construction.
Le plus extraordinaire dans le contexte est que le TJ du soir en a ouvertement parlé. Il est vrai après une séquence qui laissait croire que les éoliennes assureraient la relève. Par contre pas d’information, et donc pas de commentaire, à propos des bilans écologiques comparés du charbon et du nucléaire.
C’était aussi étonnant, ce soir d’écouter Roger Nordmann (conseiller national PS, président de Swisseole) déclarer à Forum de la RTS que le nucléaire était aujourd’hui plus cher que l’éolien. Comment peut-il prétendre cela et en même temps plaider régulièrement pour une hausse massive des subventions (RPC), pour selon lui “rendre l’éolien et les autres renouvelable rentables”? Il est vrai que la contradiction n’est en règle générale pas relevée par le journaliste. Mais les citoyens entendent et réfléchissent.
On apprend aussi ce jour que les Forces Motrices Bernoises (FMB/BKW) vont trouver prochainement ailleurs les 2/3 de l’électricité de la centrale de Mühleberg (3 TWh/an), soit 2 TWh, et cela dans une centrale à l’étranger : en effet elles sont propriétaires à 33% de la nouvelle centrale allemande de Wilhelmshaven au Nord du pays, avec E.ON et GDF Suez. Cette nouvelle centrale électrique, d’une puissance électrique de 731 MWél, est à … charbon ! Grâce à un rendement supérieur de 46%, elle consommera « seulement » 1,5 million de tonnes de charbon par an (soit 4’100 tonnes par jour ou 170 tonnes par heure !) et n’émettra « que » 3,6 millions de tonnes de CO2 (MtCO2) par an (soit quelque 20% ou 900’000 tCO2 de moins que d’anciennes centrales à charbon équivalentes qui émettent 4,5 MtCO2, en devant consommer près de 2 millions de tonnes de charbon par an). La nouvelle centrale produira alors 5,5 TWh d’électricité par an. L’émission spécifique est tout de même de 655 grammes de CO2 par kWh produit (gCO2/kWh). En comparaison, rappelons que, en Suisse, grâce à notre mix actuel intelligent de production hydraulique et nucléaire (60% & 40%), l’émission spécifique de la production nationale totale est de seulement 28 gCO2/kWh… La production d’électricité annuelle de cette nouvelle centrale sera partagée entre ses propriétaires, dont 1,8 TWh reviendront de droit aux FMB. Si celles-ci exercent leurs droits de tirage sur cette électricité produite, elles seront simplement devenues responsables d’émissions de quelque 1,2 MtCO2 par an. Cela ternit fortement le bilan environnemental des FMB qui disent vouloir miser en Suisse sur l’hydraulique et l’éolien. On sait bien que l’Allemagne est en train de consommer de plus en plus de charbon (anthracite et lignite), avec une consommation nationale annuelle qui est passée de 72 à 79 millions de tonnes entre 2009 et 2012. L’Allemagne émet ainsi de plus en plus de CO2, actuellement 815 MtCO2 par an, contre 800 MtCO2 en 2009, soit 10 tCO2 par an et par habitant. La Suisse, avec 42 MtCO2 par an, soit 5,2 tCO2 par an et par habitant, ne doit pas suivre cet exemple. Les FMB ne l’y aident malheureusement pas.