Christopher Blocher interviewé et corrigé par le journal l’Illustré !

Médias. Comment se servir de ses ennemis tout en les dénigrant?
L’Illustré a fait une longue interview de Christophe Blocher tout en ne l’appréciant guère, ça se sent quand même ! Alors comment faire? L’entretien est long et intéressant et malgré les questions censées le mettre dans l’embarras l’interview tourne clairement à l’avantage de Blocher et le met même en valeur. C’est trop. Au secours ! Que peut faire le red en chef en pareille situation, pour atténuer la tonalité issue de l’entretien de son journaliste ? Un edito, dans lequel il imagine Blocher non seulement de manière décontractée devant sa piscine en peignoir et sandales, tel qu’il a été photographié en réalité, mais obligé de voir depuis sa piscine non le lac et les belles montagnes, mais les centaines de cadavres repêchés au large de Lampedusa, et tout cela au moyen d’un fondu enchaîné ! Du grand art journalistique. Comme si cela ne suffisait pas, on reproche encore à Blocher d’avoir signalé que sous son règne le nombre de requérants en Suisse avait diminué de moitié. Pas de quoi se vanter.Voyons! Il devrait sûrement en avoir honte. Toute cette petite mise en scène pour s’excuser du fait que Blocher ressort trop positivement de l’interview malgré toutes les chausse-trappes ? Une interview de Blocher, ça paie mais attention on n’est pas d’accord avec lui, même si on en profite. Et d’en rajouter encore, en laissant entendre, sans vraiment le dire, bien sûr, que la Suisse n’est pas étrangère à ce genre de drame et que la Suisse de Blocher est celle d’un passé qui ne peut plus ignorer ces réalités. Une certaine idéologie et l’autoflagellation ont la vie dure…
On retiendra ce cas pour attribuer, à l’occasion, un bobard des médias à ce red en chef. En attendant, on observera la suite pour déterminer si cela devra être un bobard d’or, d’argent, de bronze ou de crème fouettée.

Extrait de l’interview. La réponse de Blocher à une question sur de Eveline Widmer-Schlumpf, qui l’a donc remplacé au Conseil fédéral suite à son éviction de ce dernier:

« Elle a de la bonne volonté mais, à mes yeux, ce n’est pas une femme d’Etat. Elle s’agite beaucoup, saute d’un dossier à l’autre, gesticule pour se montrer dans les médias. Elle n’a pas de vision claire de la Suisse et surtout ne défend pas ses intérêts comme elle devrait. Est-ce son rôle d’aller aux Etats-Unis avec une proposition d’accord fiscal très proche de ce que voulaient les Américains? Regardez Mme Merkel. Son style est plus posé, plus réfléchi, plus prudent. Lorsque tout le monde a donné son avis, elle prend la parole et décide. Avec Mme Widmer-Schlumpf, je ne sens pas le pays en sécurité ». UW

L'interview de Christophe Blocher par l'Illustré (extraits) :

Alors que le film de Jean-Stéphane Bron consacré à l’ancien conseiller fédéral sort mercredi prochain en salle, Christoph Blocher se livre comme jamais sur ses doutes, son rapport à la mort, sa relation avec son épouse Silvia. Entretien décomplexé avec un vieux lion solitaire.

Pourquoi avoir fait ce film? Vous vouliez laisser une trace?
Non, je n’ai jamais pensé à cela. Quand M. Bron est venu me voir, en 2011, j’ai d’abord refusé. Je pensais sincèrement qu’un film sur moi serait inintéressant et ennuyeux. Il existe déjà cinq biographies de moi, j’estimais que c’était suffisant. De plus, ma vie n’étant pas terminée, je craignais que ce film n’appartienne rapidement au passé.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis? Ou qui?
La démarche de Jean-Stéphane Bron m’a séduit. Il voulait montrer l’homme qui se cache derrière le politicien. Comme je ne m’observe jamais, que je ne sais pas vraiment qui je suis, je me suis dit que nous avions un intérêt commun. C’était aussi l’occasion de montrer à ceux qui me prennent soit pour un diable soit pour un dieu que je ne suis ni l’un ni l’autre. Seulement un type normal.

Deux ans plus tard, après avoir vu le film, qu’avez-vous appris sur vous?
Rien. A travers le regard de Jean-Stéphane Bron, j’ai l’impression de voir un autre homme. Est-ce moi? Peut-être. Calvin disait qu’on n’est jamais aussi aveugle que lorsqu’on se regarde soi-même. En revanche, les questions que pose Bron me trottent dans la tête. Pourquoi fait-il ceci ou cela? Pourquoi est-il comme ci ou comme ça? C’est nouveau pour moi. La psychanalyse n’est pas mon truc. Je préfère l’action.

Finalement, il vous convient ou pas, ce film?
Quand un artiste peint un portrait, on ne demande pas au modèle mais à l’auteur si son travail lui plaît. Ce film est l’interprétation que Bron a faite de ma vie et de ma carrière. Ce n’est pas toujours la mienne mais les gens jugeront. Mes enfants trouvent le portrait plutôt authentique. Alors, je les crois. Du point de vue strictement artistique, des images, des lumières, des symboles, je trouve que Bron a réalisé un chef-d’œuvre.

Peut-on l’interpréter comme une sorte de testament politique?
Il y a un peu de ça. Mais il faudra d’abord m’enterrer pour le valider. Dans son idée, Bron voulait que le spectateur appréhende le film comme un document post mortem. C’est pour cette raison qu’on me voit dans le cimetière voisin de la maison où j’ai grandi à la fin.

Puisque vous en parlez, vous y pensez, à la mort?
Ça m’arrive, oui. Et je le fais sans angoisse. Pour les protestants, la mort représente une rédemption. Et puis, en tant que fils de pasteur, la mort faisait presque partie de notre quotidien. Nous assistions toujours notre père à l’occasion des enterrements.

Votre père, justement. Il a été chassé de sa paroisse comme vous du Conseil fédéral. Faut-il y voir un symbole?
Tel père, tel fils? Si vous voulez… Mon père était un dogmatique. Il a payé sa fidélité comme jadis les réformateurs ou les huguenots. J’ai toujours eu de l’admiration pour lui. Moi, j’ai été chassé du Conseil fédéral parce que mon action et mes succès gênaient la gauche. Ce n’était pas mon problème, mais le leur.

Il n’y a pas que la gauche qui vous reprochait de rompre la collégialité à tout bout de champ…
Ces reproches sont venus après. Et j’ai rompu quoi? J’avais des opinions, je les exprimais, et on les écoutait. Cette situation faisait peur à la gauche qui s’est alors arrangée pour me chasser.

C’est une blessure très profonde, cette éviction?
Non. Juste une péripétie dans ma vie. Regardez Churchill. Qui se souvient qu’il n’a pas été réélu premier ministre à la fin de la guerre? Personne. Evidemment, sur le moment, je reconnais que ça a été difficile. Je crois avoir fait du bon boulot. Sous ma direction, le nombre de demandeurs d’asile a passé de 20 000 à 10 000. Après mon départ, les problèmes n’ont pas tardé à ressurgir. Avec une élection par le peuple, ça ne serait pas arrivé, j’en suis convaincu.

Comment vivez-vous cet éloignement du pouvoir? Contrairement au film, vous n’êtes plus l’acteur principal de la politique suisse aujourd’hui…
Aujourd’hui, je suis sincèrement content de ne pas avoir été réélu. J’ai plus de liberté d’action, plus d’influence sur les questions importantes, comme nos relations avec l’Union européenne. Et puis qu’est devenu le Conseil fédéral? Un collège de mous, prompt à céder sur tout, toujours prêt à faire les mêmes bêtises que les autres Etats et au sein duquel personne n’ose s’affirmer de peur de vexer quelqu’un. Ils détestent les conflits.

Vous cherchez à sauver la face…
Pas du tout. C’est la réalité. Beaucoup de gens de la classe politique disent: «On ne comprend pas Blocher.» Ce n’est pas nécessaire de me comprendre. Vous savez, j’ai souvent expliqué à des politiciens étrangers comment fonctionne la Suisse. A la fin, ils me répondent presque toujours: «On constate que ça fonctionne bien mais on ne comprend pas comment.»

Comment voyez-vous la Suisse de 2050?
Je pense que si elle reste indépendante, qu’elle protège son fédéralisme et sa démocratie directe et qu’elle garde sa neutralité, la Suisse a un grand avenir. Le plus grand danger pour notre pays serait d’abattre ces quatre piliers. Grâce à notre système politique et à notre indépendance, nous avons vingt à trente ans d’avance sur tous les autres Etats, notamment ceux de l’Union européenne. Cette évidence m’apparaît plus clairement aujourd’hui qu’en 1992, lors du vote sur l’Espace économique européen (EEE).

Vingt et un ans après avoir combattu l’adhésion et remporté votre croisade, vous avez l’impression d’avoir sauvé la Suisse, comme Guillaume Tell?
Non. J’ai juste la conviction que mon travail était nécessaire. Je n’ai pas toujours été si sûr de moi. Cette campagne m’a souvent empêché de dormir. Je me disais: «Toute la Suisse est pour, est-ce possible que j’aie raison seul contre tous?» Même le soir du résultat, je n’étais pas si serein. Quand Jean-Pascal Delamuraz a parlé d’une journée noire pour la Suisse, pour sa jeunesse, pour son économie, le doute m’a étreint. Je pensais: «Et si trente années difficiles nous attendaient, effectivement?» Aujourd’hui, je suis plus tranquille. Selon le dernier sondage, seuls 6% des Suisses souhaitent adhérer à l’Union.

Pour revenir à votre père, lui aussi vous a rejeté. Ne vous a-t-il pas dit un jour que vous n’étiez plus son fils parce que vous viviez constamment chez les Schär, vos voisins?
Il a dit ça pour rigoler. Mon père était quelqu’un qui se cultivait beaucoup. La musique, la littérature, l’art, l’histoire et la théologie, bien sûr, tout l’intéressait alors que moi, je rêvais de devenir paysan. Comme nos voisins possédaient une ferme, j’étais très souvent chez eux. Voilà pourquoi papa m’a dit un jour: «Tu ne t’appelles plus Christoph Blocher mais Christoph Schär.» Cela relève de l’anecdote. Pour la petite histoire, j’ai ensuite réussi mon école d’agriculture mais, faute de domaine, je n’ai jamais pu exercer la paysannerie.

Votre sœur dit que vous avez beaucoup souffert de ne pas avoir de racines suisses profondes puisque votre famille est d’origine allemande…
Quelle sottise! C’est l’une de mes sept sœurs. Inutile de la prénommer, je sais de qui vous parlez. C’est quelqu’un de très à gauche et, contrairement à moi, elle est adepte de la psychanalyse. Quand je suis méchant, je dis que, malgré ses 82  ans, elle n’est pas encore sortie de sa puberté. Pour elle, tout ce qui nous arrive est de la faute de nos parents, qui ne nous ont pas assez entourés. Elle m’a toujours critiqué, comme une gouvernante!

A contrario, on dit que vous ne prenez jamais de décisions sans consulter Silvia, votre épouse depuis 1967.
Jamais est exagéré. Quand on est souvent appelé à prendre des décisions, il est bon d’avoir quelqu’un à qui se confier et avec qui partager ses soucis. Ma femme a toujours été très intégrée dans mon travail. Elle parle couramment anglais, français et italien. Elle est incontestablement ma meilleure conseillère. Elle écoute mais ne divulgue rien à l’extérieur. C’est très important.

Dans le film, on vous voit toujours en harmonie avec elle. C’est du film?
Oui, oui. Bron a d’ailleurs été témoin de discussions avec ma femme mais il a choisi de ne pas les montrer. Bien que notre histoire d’amour dure depuis quarante-six ans, nous formons un couple tout ce qu’il y a de plus normal. Avec ses hauts, ses bas et ses débats contradictoires. Nous avons les deux un caractère fort.

Un exemple?
Lorsque j’ai été informé de l’affaire Philipp Hildebrand (l’ex-président de la Banque nationale qui a démissionné en 2012 à la suite d’un délit d’initié), elle m’a dit: «N’y va pas. Laisse ça à un autre pour une fois. Hildebrand a beaucoup de pouvoir, de relations. C’est dangereux.» Je lui ai répondu: «Si je ne dénonce pas, qui le fera?» Et si l’affaire éclate dans vingt ans, je me dirai: «Blocher savait et il n’a rien dit.»

Dans le film, on vous voit très content d’avoir eu la peau de Hildebrand…
J’étais surtout soulagé d’avoir mis la Suisse à l’abri de ses magouilles. A l’étranger, des personnalités me disent: «On comprend pourquoi il s’est retiré mais on ne comprend pas pourquoi il est resté si longtemps.» Accessoirement, il est vrai que je ne l’aime pas beaucoup.

Et si je vous dis Eveline Widmer-Schlumpf, qui vous a succédé dans les conditions que l’on sait au Conseil fédéral?
Elle a de la bonne volonté mais, à mes yeux, ce n’est pas une femme d’Etat. Elle s’agite beaucoup, saute d’un dossier à l’autre, gesticule pour se montrer dans les médias. Elle n’a pas de vision claire de la Suisse et surtout ne défend pas ses intérêts comme elle devrait. Est-ce son rôle d’aller aux Etats-Unis avec une proposition d’accord fiscal très proche de ce que voulaient les Américains? Regardez Mme Merkel. Son style est plus posé, plus réfléchi, plus prudent. Lorsque tout le monde a donné son avis, elle prend la parole et décide. Avec Mme Widmer-Schlumpf, je ne sens pas le pays en sécurité...

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Source : L'Illustré, interview de Christophe Blocher, 23 octobre 2013, par Bernard Rappaz, avant la sortie du film de Jean-Stéphane Bron : " L'expérience Blocher", le 30 octobre 2013

2 commentaires

  1. Posté par KANDEL le

    Mr Kolly, en une courte phrase “Monsieur Blocher est incontestablement le grand politicien suisse du 20ème et début 21ème siècle.” vous expliquez tellement de choses.
    Je ne citerai que les deux suivantes:
    Monsieur Blocher, le grand Monsieur Blocher est tellement haï car c’est un homme supérieur et cela c’est absolument impardonnable, inadmissible (l’envie et la haine sont les deux passions les plus répandues selon Ludwig Von Mises).
    Les journalistes haïssent particulièrement Monsieur Blocher parce qu’ils sont suffisamment intelligents (pas toujours c’est vrai) pour ressentir sa très nette supériorité mais en même temps tellement “trop petits” pour être capables d’en tirer profit et de s’en réjouir !

  2. Posté par Kolly Gabriel le

    Monsieur Blocher est incontestablement le grand politicien suisse du 20ème et début 21ème siècle. Son engagement a préservé le pays de sombrer dans ce club de tête de linottes de Bruxelles. Club qui ne résistera pas et implosera à l’image de l’URSS. Quant à sa description de la CF Widmer-Schlump cela me fait penser à l’idiote de service de l’EU Catherine Asthon !

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