On croit tomber des nues à l’écoute de l’interview d’hier, sur la RTS, de Marie-Claude Morand, directrice des Musées cantonaux valaisans, qui s’en va enfin à la retraite au plus grand soulagement des amoureux du patrimoine et de l’histoire du Vieux-Pays.
La RTS:
"C'est ce que vous avez trouvé, donc, il y a trente ans, des musées en déshérence, une institution endormie, c'était ça à l'époque."
Marie-Claude Morand s'écoute alors expliquer qu'elle a "professionnalisé" ladite institution; s'ensuit le charabia habituel, qui ne dit rien mais passe si agréablement en bouche.
La RTS:
"Marie-Claude Morand, six musées à l'époque, trois aujourd'hui, tous modernisés, vous les avez fait entrer dans le XXIe siècle, et on a dit ce matin qu'il vous avait fallu de la témérité, de l'ambition et de l'exigence pour y arriver..."
Mme Morand parle alors d'argent, voire de ses difficultés à convaincre les Valaisans de "la richesse de leur patrimoine."
Or, s'il y eut jamais la moindre difficulté en Valais de ce point de vue, elle ne saurait être portée à d'autre crédit qu'à celui de Mme Morand. Car, une fois le panégyrique éteint, reste l'oeuvre et l'amer constat que la rédaction du 12h30 de la RTS n'a, de toute évidence, pas mis le moindre pied dans un musée valaisan et ce depuis fort longtemps.
Mise en coupe réglée
Marie-Claude Morand, c'est d'abord l'aventure du plus dispendieux gâchis de ressources culturelles de ces trente dernières années. C'est avant tout l'histoire de détritus (bouteille de Coca-Cola usagée) mêlés à la plus somptueuse statuaire médiévale sacrée du pays pour "accentuer" les "contrastes" - vous n'êtes pas muséologue, vous ne pouvez pas comprendre - le tout fourré dans un coin obscur, illisible, invisible. C'est l'ennui se traduisant par l'incapacité de rendre en quelques mots les grandes lignes, par exemple, du XVIe siècle, des guerres d'Italie, de ce temps où le Valais fut, pour un court instant, une sorte de centre d'influence politique où devait se jouer le sort de l'Europe. Incapacité qui donnera lieu à tout un étalage puéril et lénifiant, à vague prétention humoristique et masquant mal cette institutionnalisation de l'inculture qu'elle baptise benoîtement du terme de "professionnalisation". Un travail à la chaîne, une culture de fonctionnaires, qui n'a de professionnel que la prétention et de muséologique que le nom.
Marie-Claude Morand, c'est la maquette années 70 (avec boutons et petites lumières) indiquant les parcours des inalpes au début du XXe siècle, si nos souvenirs sont bons, plantée pile en face de la chaise à porteur Courten dans la salle réservée au patriciat. Maquette qui n'eût dû jamais sortir de son fond de cave mais que Marie-Claude Morand exhuma pour faire de la place à toute l'orfèvrerie épiscopale qui prend désormais la poussière on ne sait où. On parle aussi d'oublis, de trésors non restitués aux familles qui les avaient prêtés, mais allez prouver une chose pareille après toutes ces années... Autant d'erreurs qui consacrèrent à jamais et pour toujours l'irréparable défiance des descendants de familles patriciennes, qui désormais conserveront ce qui leur reste de souvenirs chez eux plutôt que de les voir remisés entre ce qui traînait dans la poubelle de l'entrée et des jeux tactiles pour désennuyer les gamins, rameutés par paquets de douze par l'instruction publique pour renflouer la caisse et les statistiques.
Marie-Claude Morand c'est l'éradication du musée archéologique, qui était une splendeur avec ses stèles anthropomorphes, plus anciennes que les pyramides, sans doute les plus anciens objets travaillés par la main de l'homme au nord des Alpes, pour le remplacer par les restes les moins mités d'une collection d'histoire naturelle tout droit héritée des greniers de feu l'ancien musée, et dont l'exemplaire le plus récent doit être le dernier loup (ante-WWF) tiré en 1947 à la satisfaction générale et dans la liesse populaire. A grands renforts de gadgets et de vidéos écolos, dans une muséologie à destination exclusive des écoles, le nouveau musée présente une collection, qui n'est pas laide au demeurant, mais qui ne comporte pas la moindre légende. Un rat, une martre ? On ne sait pas.
Les stèles néolithiques ont été poussées dans l'ancienne prison (1) et il faut attendre une exposition d'art ou de peinture pour pouvoir les visiter. Et cela a été fait, commis, au lendemain même de la découverte des trous de feu, datés du 7'500 avant Jésus-Christ, au n°18 du chemin des collines, le signe le plus ancien de la présence sédentaire de l'homme au nord des Alpes, un trésor faisant de Sion l'un des plus hauts lieux archéologiques du monde. On nous promet un nouveau musée archéologique, ce n'est pas Mme Morand qui le fera.
Invitez donc l'un de vos amis à découvrir le premier symbole paléochrétien de Suisse, là encore l'un des premiers signes de la présence chrétienne au nord des Alpes, il y a belle lurette qu'il a été viré des musées. Il vous faudra prendre rendez-vous auprès de la commune, aux heures d'ouverture, où il traîne au fond d'un couloir de l'hôtel de ville, et demander une autorisation. Impossible le week-end, vous renoncez. Cherchez-en en trace sur le site des musées valaisans... rien.
Avec le retrait de Marie-Claude Morand se termine enfin le règne sans partage de la bêtise et de la facilité, une vanité impénitente croyant pouvoir substituer au nécessaire enseignement de l'histoire les courtes vues de la sociologie contemporaine. Un front bas, un horizon bouché, un gouffre de prétentions et une fosse à subventions, le musée valaisan n'était pas cela il y a trente ans.
RTS 12h30 30.09.2013
(1) Sinon dispersées, sans la moindre raison entre le pénitencier et Valère.
Et cerise sur le gâteau, ce serait cette dame qui a viré de Saint-Maurice tout ce qui rappelle la forteresse du lieu et l’appui de notre armée à cette commune.