La célébration des 125 ans du parti socialiste suisse est instructive. Il ne s’est agi que de se congratuler. Les socialistes ne sont pas les seuls à le faire. Tous les partis le font. Sous Mao, groupes et individus devaient faire leur autocritique jusqu’au point où ils se dissolvaient physiquement. Aujourd’hui, à force de clamer qu’ils sont les meilleurs, les politiciens, en Suisse et ailleurs, se dissolvent aussi. Pas physiquement, mais moralement.
C’est qu’il s’agit, aujourd’hui, de positiver. Et pour bien le faire, on passe devant une maquilleuse qui applique une couche après l’autre sur les visages. Une petite ride, ici dans le coin, c’est pas bien ça ! Et hop, un petit coup de make up pour l’effacer. C’est qui cette maquilleuse ? Une agence de communication. Dans une société de communication, il faut communiquer et, pour communiquer, il faut se présenter avec un beau visage. Les partis politiques s’y sont mis et sont devenus de grands communicateurs.
L’idée est derrière tout ça est simple : il y a un émetteur, le politicien, par exemple, qui dit des choses. Et puis il y a le récepteur, qui entend ces choses. Entre les deux, la parole. Et là, évidemment, il y a un problème. La parole humaine n’est pas un code, comme le langage animal qui, lui permet au récepteur de comprendre que l’émetteur veut ou non s’accoupler avec lui, veut ou non partager un tendre morceau. « Viens, viens ! » ou bien « ne viens pas, casses-toi ! ». Ah, si les hommes pouvaient parler comme les animaux ! Ce serait un rêve. Imaginez un instant : « Viens, viens acheter cette belle voiture ! » - « Ne t’approche pas de cette voiture, c’est une concurrente ! ». Quel chiffre d’affaire, si ça marchait ! Hélas, ce n’est pas aussi simple. Un message clair peut finalement vouloir dire tout et son contraire. Dans un magasin, hier, un ami me dit qu’il ne va surtout pas acheter un produit, tout simplement parce qu’il est exaspéré par la débile et constante publicité faite sur lui. Bref, lorsqu’on dit au public de venir, il peut ne pas venir, ou aller ailleurs. Même chose pour les partis politiques. Les socialistes ont récemment dit au public de venir tout près d’eux en expliquant qu’ils avaient construit la Suisse moderne. Mais le public va-t-il venir tout près d’eux ?
C’est que dans ce public, il y en a qui s’obstinent à penser et n’obéissent pas aux signaux des émetteurs. Lorsque les signaux encouragent à positiver, ils sont reçus parfois par des esprits chagrins qui n’aiment pas positiver et, pire encore, ont lu des livres d’histoire. Ils y ont découvert que le socialisme, pour prendre cet exemple, n’a pas été qu’un brave Saint-Bernard avec son petit tonnelet de rhum. L’un des plus grands représentants du socialisme, Bernard Shaw, recommandait l’usage du gaz comme moyen de se débarrasser de ceux qui sont incapables de vivre (1). Dans la foulée, il faisait l’éloge des dictateurs. Oui mais Bernard Shaw était anglais, pas suisse ! D’accord, mais les socialistes ne sont-ils pas ouverts à tous ceux qui se réclament de leur doctrine ? Si oui, il faudra bien qu’ils admettent dans leur cortège, tous ceux qui ont porté leurs pancartes. Mauvaise nouvelle, il n’y a pas eu que Bernard Shaw. Pierre Brossolette, résistant français, protégé de Léon Blum, membre de la SFIO s’est jeté par une fenêtre pour échapper à la torture par la Gestapo. Avant, il n’a pas parlé de gaz et d’extermination comme Shaw, mais il a eu le temps de dire ceci : « Le mot international et le mot socialisme suffisent à provoquer les rires. Les Internationales se dissolvent, la Société des Nations est morte, l'Union européenne est une dérision et le désarmement une blague. » (2).
Grâce à Internet, toutes ces informations sont aisément disponibles. On peut souhaiter que les partis politiques s’en servent ou du moins leurs agences de communications.
Jan Marejko
1 Propos bien connu et qu’on peut trouver, entre autres sur Internet : http://en.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#Eugenics
2 Jean-Louis Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30 : une tentative de renouvellement de la pensée politique française. Paris : Éditions du Seuil, 1969, p.18.
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