Natalie Nougayrède, directrice du quotidien Le Monde affronte sa première tempête interne. Son éditorial exigeant une action « précise, ponctuelle et ciblée » contre la Syrie a sorti la rédaction de sa torpeur estivale. Jean-François Kahn, le fondateur de Marianne, n’est pas de cet avis et lui répond.
Quand la presse de système diverge.
"Les directeurs de journal ne devraient jamais prendre le risque de commettre des articles qui seraient refusés si un rédacteur de base les avait écrits. Ainsi l'éditorial en une signé, l'autre lundi, par la directrice du Monde, Natalie Nougayrède, s'aligne, certes, sur les positions de Bernard-Henri Lévy mais pas, hélas, sur son style.
Que claironne cette excellente personne dans cet article interminable (un édito se devrait, pourtant, d'être court) ? Qu'il faut absolument intervenir militairement en Syrie, même sans aval des Nations unies, ce qui fut, rappelons-le, le cas quand la coalition bushiste envahit l'Irak.
A l'évidence, l'avis contraire ne lui inspire aucun respect (elle a d'ailleurs refusé tout débat, c'est plus simple) puisqu'elle l'assimile à une complicité « cynique » avec les assassins (pourquoi pas une « complicité objective », comme au bon vieux temps !). Ainsi le pape, qui condamne toute intervention, est complice. Ne rendons pas la pareille à Mme la Directrice. La prise en compte démocratique des arguments de l'autre nous l'interdit. Donc, on ne saurait a priori diaboliser la position interventionniste. Nous devons admettre qu'elle est bien intentionnée. Et peut-être même juste. A cette condition, cependant : Natalie Nougayrède assumera-t-elle les éventuelles conséquences de ses recommandations ?
[...] A l'inverse, si ce que vous recommandez permet de pacifier la région, apporte le bonheur aux Syriens et conforte les idées de démocratie et de laïcité, je vous jure que je vous rendrai hommage. Que je ne cesserai de vous rendre hommage. Une chance de vous convaincre ? Aucune. Voilà, en effet, ce que vous écrivez : « L'emploi d'armes chimiques à grande échelle par le régime syrien le 21 août ne fait aucun doute » et, plus loin, « Nul ne doute [nul ?] que si, sur place, les inspecteurs de l'ONU ne trouvent pas de preuves, c'est que le régime syrien s'est employé à les détruire » (...)"
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