Le Temps vole au secours de l’ingénuité de Jean Ziegler.
On croit rêver, le jour même où il reproche à d'autres le simple fait d'exister, le quotidien genevois fait le plaidoyer de la pureté idéologique censée animer, depuis les origines, la psyché du père de l'activisme de gauche en Suisse.
C'est tout l'axe médiatico-culturel qui se met en branle pour au voler au secours de sa propre justification. Il le fait avec cette sorte de maladresse anxieuse d'un monarque absolu qui entendrait le tumulte des jacqueries monter à ses fenêtres. Le reste est le miroir exact de ce qui compose cette idéologie qui réclame tant qu'on la défende: évitement des arguments qui confrontent, mélopée douceâtre enquillant bons sentiments mêlés au rappel du principe autoritaire que la finalité de l'idée de gauche mérite qu'il soit fait, avant tout autre, usage de tous les moyens.
La trame est d'une simplicité déconcertante: de droite, une simple phrase, arrachée de son commentaire et de son contexte, la seule liberté de l'avoir prononcée, vous pourchassera toute votre vie, et la magnanimité dont vous aurez été privé sera tout entière dévolue au pardon de l'activiste de gauche dont l'intention ne sera jamais appelée à la barre des faits. C'est d'ailleurs cela le principe exclusif et premier de la chose, l'idée de gauche n'est jamais confrontée aux faits, pour la simple et bonne raison qu'elle ne peut pas l'être; c'est pour cela, en fin de compte, qu'elle ne s'applique pas à l'homme.
Dire que le peuple médiatique attend sa libération, qu'il applaudit à chaque chute d'audience d'un media de système, qu'il se prend à espèrer à chaque fermeture d'officine publicitaire (nonobstant la perte d'emplois) est encore peu dire. Le jour, l'heure, doit venir.
On vous le donne en plein, à titre, comment dire, éthologique, la rédaction du Temps et l'écrivain Mélanie Chappuis, qui lui a prêté sa plume et sa lumineuse imagination, nous pardonneront:
"Le travail n’est pas terminé. Je continue à me battre pour changer le monde. Je suis un privilégié. Blanc. Suisse. Riche. Ces privilèges, je les mets au service des pauvres, des enfants sous-alimentés, des spoliés de la petite minorité hypocrite et arrogante. Je veux revenir au Conseil des droits de l’homme. Poursuivre le combat contre cet atroce noma qui ravage les plus jeunes. Terminer d’élaborer la convention sur les droits des paysans. Dénoncer encore l’état catastrophique dans lequel se trouve la population palestinienne. UN Watch n’a qu’à poursuivre ses calomnies. Réagir à ma pseudo-amitié avec Kadhafi. Au lieu d’évoquer ce qui la dérange vraiment.
On ne me traitait pas d’antisémite lorsque je publiais La Suisse, l’or et les morts. Mais on m’accuse de le devenir dès que je lutte pour mettre fin à l’impunité d’Israël, pour aboutir à un règlement juste et durable du conflit au Proche-Orient. Je regrette d’avoir brièvement et stupidement donné l’impression que je soutenais Garaudy. Je vomis toutes les entreprises et propos négationnistes visant à nier ou à relativiser le génocide du peuple juif par les nazis.
Je regrette aussi d’avoir fréquenté Kadhafi. J’ai été naïf, bêtement optimiste. J’ai cru voir en lui, au tout début, une troisième voie. J’ai aimé son indépendance face aux communistes et aux Américains. Et puis j’ai eu honte de m’être laissé aveugler. De ne pas avoir aiguisé mon sens critique. Ici comme ailleurs, j’ai parfois manqué de rigueur. Je n’ai pas toujours vérifié mes sources, pas toujours soumis mes idéaux à l’épreuve de la réalité. Mais je retiens les leçons de mes erreurs.
Mon rapport sur le droit à l’alimentation dans les territoires palestiniens occupés publié en 2002 était parfaitement documenté. Comme mes autres rapports. UN Watch le sait bien.
D’accord, j’ai peut-être laissé à désirer en tant qu’enseignant. J’ai pu être brouillon, absent, peu disponible. Mais enfin, la vie de personne n’était en jeu. Je trouvais plus important d’être au Sahara que d’arriver à l’heure à un séminaire de sociologie. Beaucoup l’ont compris. Il y a quelques années, j’ai recroisé un ancien élève qui m’a dit être devenu, grâce à moi, délégué au CICR au lieu de banquier. Un des meilleurs moments de ma vie. D’accord aussi, je n’ai peut-être pas été le meilleur des pères. Je n’ai jamais cédé lorsque mon fils me suppliait de l’emmener voir les films de ce salaud de Walt Disney. Mais aujourd’hui, Dominique marche dans mon sillage. A sa façon. Avec ses armes et son talent. Il maintient vivante la flamme de la résistance.
L’âge me rend plus méticuleux. Plus méthodique. Et surtout, je continue à croire que je peux œuvrer pour un monde meilleur. Notamment au sein du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme. Un intellectuel engagé fait des erreurs. Mais il agit. Il s’indigne, se révolte et combat. Il se documente, se déplace et constate. Aussi longtemps que j’aurai le privilège de vivre en bonne santé et bien nourri, je poursuivrai la lutte en faveur des pauvres et des défavorisés. Il n’y a qu’ainsi que j’accepte ma chance."
Source
Voire encore
Son mea-culpa “ristraite” vient trop tard, maintenant il faut assumer… quand à vouloir trouver une justification parce qu’il a changé l’orientation professionnelle d’un étudiant en une carrière, il faut oser ! Pauvre homme.
Idem http://www.hebdo.ch/hebdo/opinions/detail/la-chronique-de-christophe-passer-ziegler