Quels arguments contre le GSsA ?

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MARIE HÉLÈNE MIAUTON*

Depuis plus de 20 ans, le GSsA (Groupement pour une Suisse sans Armée) cherche à supprimer l’armée suisse et, n’y parvenant pas, à l’affaiblir par tous les moyens. Le 22 septembre 2013, le peuple se prononcera sur sa nouvelle Initiative intitulée «OUI à l’abrogation du service militaire obligatoire», particulièrement pernicieuse parce que son acceptation amènerait la disparition de l’armée sans en avoir l’air. Il y a ainsi un fort risque que le peuple se laisse bercer par l’illusion de ne rien faire de mal ni de définitif en l’approuvant alors que, au contraire, le GSsA serait de la sorte parvenu à son but initial. Chacun doit donc soigneusement affûter ses arguments pour contrer la dialectique bien rodée de l’adversaire.

Qui est l’adversaire ?

Les militaires savent combien il importe de parfaitement connaître l’ennemi afin de mieux le combattre. Le GSsA s’est créé en 1982 et, en 30 ans, il a lancé ou soutenu dix initiatives et référendums contre l’armée. Sa première action fut de faire voter le peuple « Pour une Suisse sans armée et une politique globale de paix» en 1989. Le résultat d’un bon tiers de oui (36%) a été présenté à tort comme un succès sans précédent ! Emporté par cet élan, le groupement sera ensuite à l’origine ou au cœur de neuf votations jusqu’à celle qui nous préoccupe aujourd’hui.
Selon ses statuts, « le GSsA est indépendant de toutes tendances politique, religieuse, économique et ne se rattache à aucune d’entre elles. » C’est pourtant une mouvance de gauche, voire d’extrême-gauche qui fait équipe avec le PS, les Verts, Attac et diverses organisations prétendument pacifistes qui n’hésitent pas à utiliser la violence lorsque cela les arrange. Il cultive aussi la mauvaise foi puisque son site invite les jeunes à repousser leur école de recrues parce que « on va voter pour supprimer le service militaire obligatoire fin 2013. Donc si vous pouvez repousser au-delà, il y a une possibilité pour que vous ne fassiez jamais l’armée. Et votre aide pour gagner cette votation sera plus que bienvenue. » Quel populisme de bas étage !
Tout cela pour rappeler que le GSsA est hautement politisé et qu’il a une longue expérience des débats publics. Il ne faut pas sous-estimer sa capacité de l’emporter cette fois-ci. Pourquoi ?

Quels sont les dangers de ce scrutin ?

Le premier danger est que le GSsA a pris soin d’éviter les erreurs du passé. C’est l’un de ses responsables, l’ancien conseiller national Jo Lang, qui l’affirme : « Nous avons compris que les citoyens sont inquiets à la perspective de la disparition de l’institution militaire, même si aucune menace ne plane sur la Suisse.» Dès lors, plutôt que de s’attaquer une fois encore, une fois de trop, à l’existence même de l’armée, le GSsA ne touche aucunement à l’article 58 qui stipule que «La Suisse a une armée. Celle-ci est organisée essentiellement selon le principe de l’armée de milice.»
L’initiative appelle donc à une armée de milice volontaire et demande parallèlement de créer un service civil volontaire ouvert à toute la population. Quant à la taxe militaire, elle devrait être abrogée.
A l’heure où une part toujours plus grande des jeunes tentent d’échapper à la conscription, et y parviennent assez aisément, à l’heure aussi où il est envisagé de redimensionner l’armée et d’économiser de l’argent, la question de l’obligation de servir pourra sembler pertinente aux citoyens. Mais les initiants misent sur le fait qu’un très grand nombre de jeunes Suisses renonceront à servir. Il lui sera alors facile de démontrer que l’armée est devenue peau de chagrin, qu’elle est inutile voire anti-démocratique puisque plus personne n’y est intéressé. Cette initiative vise ainsi à abolir l’armée mais elle le fait de manière déguisée.
Le deuxième danger que le oui l’emporte vient du fait que, pour la première fois, un parti gouvernemental a mis à son programme en 2010 la suppression de l’armée, ce qui est un vrai scandale. Le rapport du Parti socialiste affirme en effet (page 50) : « Le PS préconise la suppression de l’armée suisse. Le service militaire obligatoire est dépassé et entraîne une sur-dotation massive de l’armée. » Dès lors, sachant que les Socialistes voteront OUI et que tout ce qui est à gauche du PS est farouchement opposé à l’armée, il faudra compter avec presque la moitié des votants qui seront en faveur de l’initiative !
Troisième danger : le GSsA prétend que, avec ce volontariat, la Suisse suivra la même tendance que la plupart des Etats européens qui ont aboli la conscription obligatoire. Ce qu’il ne dira pas et qu’il faudra donc rappeler sans cesse, c’est que ces pays ont remplacé le service militaire obligatoire par une armée professionnelle. L’initiative du GSSA prétend, elle, supprimer l’obligation de servir en maintenant une armée de milice. Il s’agira de démontrer que c’est impossible !
Enfin, quatrième danger, le malaise politique actuel autour de l’armée, de ses budgets, de son organisation, de ses équipements et de son rôle dans un monde prétendu sans menace, n’aidera pas à faire voter les citoyens dans le bon sens !

Construire l’argumentation sur les affirmations de l’adversaire. Or, que dit-il ?

  1. La guerre est interdite depuis l’introduction de la Charte des Nation Unies en 1945. Réponse : la Charte de l’ONU a beau recommander le règlement pacifique des conflits, cela n’a pas empêché de nombreuses guerres d’éclater dans le monde. En outre, la Suisse est le seul pays qui veut avoir une armée (pour assurer sa souveraineté) mais qui n’entend pas l’utiliser, voire qui s’interdit de l’utiliser ! Le GSsA est malvenu d’invoquer son refus de guerroyer alors que le pays est lui-même pacifiste. Au contraire, en imposant par le détour de la conscription volontaire la mise sur pieds d’une armée professionnelle, le GSsA pousse à la guerre puisque les pays qui ont fait ce cheminement ont été enclins à engager leur armée à l’extérieur de leur territoire afin, entre autres, de justifier le maintien de leur très coûteuse armée de professionnels. Avec une armée de milice, ce problème ne se pose pas !

  1. L’argument pacifiste. Le GSsa affirme que, tant que les Etats maintiennent une armée et instruisent leur jeunesse à la guerre, la paix est impossible.Il invoque les révolutions non-violentes pour prouver qu’il est possible de faire cesser la culture de la guerre et construire la paix. Réponse : sur la base de tels arguments, l’Allemagne nazie aurait gagné la guerre en 1939 ? Et qui portera la responsabilité d’une démilitarisation de la Suisse en cas de pépin ? Le GSsA peut-être ?

  1. L’armée est impliquée dans presque tous les crimes contre l’humanité récemment dénoncés. Réponse : l’argument est tellement grossier, que les Suisses ne l’avaleront pas. Il faut cependant rétorquer qu’il est beaucoup plus facile d’entraîner une armée de professionnels et de volontaires vers des excès qu’une armée de milice, qui est composée de tous les éléments de la société et qui réunit donc en son sein toutes la diversité des opinions. Là encore, le GSsA se tire une balle dans le pied.

  1. Le système militaire suisse est discriminatoire. Il est discriminatoire envers les femmes et, alors que moins de 30% des conscrits accomplissent leurs devoirs militaires jusqu’au bout, le système actuel est particulièrement inégalitaire. Réponse : si seulement 30% commencent et terminent leur service alors que la conscription est obligatoire, imaginez ce que cela donnera une fois l’obligation levée ! Il sera ainsi nécessaire de passer à une armée de métier. CQFD !

  1. Les armées ont un bilan écologique totalement négatif. Produits toxiques, immense consommation de carburants, accaparement et détériorations de sites, esprit de destruction incompatible avec une relation harmonieuse à la nature. Réponse : comment le GSsA, si soucieux de développement durable, peut-il justifier que les générations qui n’ont pas eu à subir de guerre grâce au sacrifice de leurs aînés, se débarrassent de leurs structures militaires pour économiser sur la sécurité, laissant aux générations montantes le choix de les remettre coûteusement en place lors d’un prochain conflit… ou de mourir !

  1. Le GSsA ne conteste pas la nécessité de disposer de spécialistes dans la lutte contre la cyber-guerre, le terrorisme ou pour la protection des installations sensibles. Mais une armée de masse, avec de vastes troupes d’infanterie ou d’artillerie est inadaptée pour faire face aux nouvelles menaces. « Il est grand temps de supprimer ce reliquat de la Guerre froide qu’est le service militaire obligatoire » affirme-t-il. Réponse : Le GSsA ne s’encombre pas de contradictions et il sera facile de les mettre en avant. Lors de ses initiatives pour supprimer l’armée, le GSsA affirmait haut et fort qu’il n’y avait aucune menace sur la Suisse. Comment peut-il aujourd’hui prétendre les définir alors qu’il les a toujours niées. Il les a même tellement niées qu’il voulait déjà abolir l’armée en 1986 alors que le bloc de l’Est était encore en place et la guerre froide d’actualité. Cela démontre que le GSsA ne raisonne pas en fonction de l’importance de la menace et que son discours est purement idéologique.

  1. L’armée actuelle est surdimensionnée ce pourquoi elle coûte trop cher. La suppression du service militaire obligatoire libérerait des ressources financières qui seraient utilisées à bon escient affirme le GSsA. Réponse : en supprimant l’obligation de servir, la Suisse devra se doter d’une armée professionnelle qui, entre autres défauts, coûtera beaucoup plus que le système actuel. Pourtant, parmi les pays modernes, l’armée suisse reste l’une des moins coûteuses. Ses dépenses par rapport au PIB sont d’à peine de 1%, contre 4 % pour les USA ou 1,2% pour l’Espagne.

Quels sont les arguments en faveur du système actuel ?

Les arguments militaires : le passage à un système volontaire mettrait en danger la sécurité du pays. Les effectifs de l’armée dépendraient de la bonne volonté de la population. Les prestations exigées, en temps de paix comme en temps de guerre, risqueraient de ne plus être garanties. Un modèle d’armée combinant service obligatoire et milice reste le plus efficace car il permet de mobiliser rapidement le nombre nécessaire de troupes en fonction de la menace. Il permet aussi à l’armée d’utiliser largement de vastes compétences civiles.
Les arguments liés aux défauts de l’armée professionnelle que, par glissement, induit l’initiative : sachant que la population est sensible aux questions économiques et qu’elle est persuadée qu’une armée professionnelle serait moins coûteuse, il convient de lui expliquer que ce sera le contraire. Mais le plus grave, ce sont les difficultés de recrutement, la rotation, les coûts de formation… Il faut insister aussi sur le fait qu’une armée professionnelle représenterait un corps étranger au sein de la société suisse alors que la milice en fait intimement partie.
Les arguments liés à l’identité helvétique et à ses valeurs : l’obligation de servir par laquelle les citoyens s’engagent pour le bien commun fait partie intégrante de l’identité suisse. Ce principe est fortement ancré au sein des institutions politiques et l’ensemble du système helvétique repose sur l’idée que les droits sont liés à des devoirs. Il faut donc impérativement rappeler ce que signifie la milice pour la Suisse et la façon dont elle irrigue toutes les institutions et l’esprit de la société. Ce n’est pas une notion si anodine qu’il est possible ainsi au GSsA de l’évacuer ?
Enfin, il ne faut pas oublier que les jeunes ont besoin de causes nobles, qu’ils sont sensibles à la confiance qu’on leur fait et demandent à être investis de responsabilités. Ils manquent de modèles masculins aussi bien à l’école que dans la société et l’armée pourrait leur être présentée comme le dernier refuge d’une certaine forme d’exigence désintéressée.

* Chroniqueuse et essayiste

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