Une présentation inexacte de l’instauration en 1933 de la notion du secret bancaire en Suisse
Dans la « NZZ am Sonntag » du 14 juillet 2013, est paru un article sous le titre : « Bankgeheimnis : Ein Schweizerfall », soit : « Le secret bancaire, une spécialité suisse ». Cet article, richement illustré, s’étend sur les pages 30 à 33. Son auteur, Markus Städeli, fait partie de la rédaction économique de la NZZ. En toute bonne foi, il présente ce sujet de façon erronée, voire innocemment tendancieuse. Mais qu’il soit absout, compte tenu de son âge, étant né en 1974.
Dans son préambule, il déclare que, dès son introduction, après la Première guerre mondiale, le secret bancaire suisse était enrobé de scandales, ayant amené certains pays étrangers à prendre des mesures coercitives envers la Suisse et ses banques.
Bien au contraire, ce sont des agissements d’autorités étrangères, en premier lieu d’agents du Trésor et du fisc français, qui se sont permis de venir surveiller, sur territoire helvétique, les ressortissants français rendant visite à des banques suisses. Au début des années 20, alors que la France était en plein marasme, son franc foutant le camp, comme je l’ai explicité il y a quelques mois, deux espions économiques français furent pris sur le fait face au siège central de la Société de Banque Suisse, Aeschenvorstadt, Bâle. Ils furent condamnés à six mois de prison.
A relever également les intrusions musclées dans des représentations de banques helvétiques à Paris. Ces agissements violents ne sont que les prémices d’opérations similaires entre 1945 et 1950 par les « polyvalents », puis, jusqu’à présent sur sol genevois, d’une opération « guigne-merde » par deux gabelous banalisés français. Contrairement aux déductions des médias pensant à un repérage de citoyens français rendant visite en catimini à la Banque Pictet, je pense plutôt que leur mission consistait à repérer des citoyens français ou des Suisses résidant en France et employés de cette banque, pouvant devenir de futurs délateurs attirés par des récompenses sous forme d’espèces sonnantes et trébuchantes. Je ne crois pas à l’idéalisme!
Cette espionnite française perdurant, la dégradation du franc français continuant de plus belle, ce sont les grandes banques suisses de l’époque, la SBS, le Crédit Suisse, la Basler Handelsbank, certaines banques privées, qui ont demandé au Conseil Fédéral d’édicter une loi instaurant le secret bancaire, afin de protéger leurs clients français ; ses dispositions sont entrées en vigueur en 1933. Il est faux de prétendre que ce secret bancaire a été instauré afin de protéger les avoirs des juifs pourchassés par le nazisme. Ce n’est qu’après la Seconde guerre mondiale qu’on a commencé à prétendre que ces dispositions auraient été édictées afin de protéger les avoirs juifs.
Revenons au krach de la Banque Populaire Suisse en 1933. Contrairement à la grande majorité des banques suisses et à l’exception des banques privées organisées en S.A. ou en sociétés de personnes, la BPS était une coopérative avec parts sociales d’une valeur faciale de fr. 1'000.-- C’était typiquement la banque des classes moyennes, de l’artisanat. Seul un nombre restreint de parts pouvait être détenu par famille. Entre les années 1925 et 1932, la BPS s’était très investie Outre-Rhin, notamment à Berlin. Au début de 1933, des nouvelles alarmantes se sont répandues, amenant les épargnants à retirer leurs billes. C’est ainsi que les dirigeants de la BPS, ayant à sa tête M. Hirs, ont appelé le Conseil Fédéral au secours qui, en urgence, via la BNS, a mis 50 millions de bons francs suisses à disposition de la BPS. Vite dispersés, la BPS est revenue à charge et a obtenu un second montant de 50 millions.
Puis des mesures draconiennes furent imposées à la BPS par le gouvernement et les Chambres. La valeur faciale des parts sociales fut drastiquement réduite. En contrepartie de la perte subie par les porteurs, chaque détenteur de part reçut un bon de jouissance qui, durant des années, se négociait en bourse entre 20 e 30 francs. Et aussi longtemps que la BPS n’aurait pas remboursé, aucun dividende ne devait être versé par la BPS. Ce n’est que vers 1950 que la BPS a lancé une offre de rachat de ces bons de jouissance.
Ce que personne ne semble avoir rappelé, c’est que M. Alfred Hirs, le grand patron de la BPS, est devenu, dès 1942 et jusqu’au 30.06 1954, un des trois membres du directoire de la Banque Nationale Suisse. A ce titre, il continua d’entretenir des contacts étroits avec les autorités financières, économiques ainsi qu’avec la Reichsbank, initié alors qu’il était à la tête de la BPS, jusqu’en avril 1945 ! Ces relations privilégiées pourraient expliciter bien des choses! Et en passant, le CF avait nommé la BPS comme seule banque dépositaire des réfugiés civils accueillis en Suisse, entre 1940 et 1946.
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Et une remarque dernière : Les banques étrangères ont, de tout temps, tenté d’établir des succursales, voire des banques constituées selon les lois suisses et dont elles détenaient la majorité qualifiée. En premier lieu, les banques françaises, dont la Banque de Paris et des Pays-Bas, le Crédit Lyonnais, le Crédit commercial de France, le CIAL et bien d’autres. Avant la révolution de 1917, plusieurs banques russes avaient pignon sur rue ou plutôt sur le bd. Du Théâtre à Genève. Et après-guerre, d’autres banques étrangères se sont établies à Genève, la HSBC, le Crédit Agricole, United Overseas Bank.
Et si le présent gouvernement français, certains de ses ministres nous prennent à partie, par exemple MM. de Montebourg, Moscovici (malgré ses contacts de bon voisinage entre le Jura français et le gouvernement jurassien à Delémont), ou cet enragé mélangeur de torchons et serviettes, on constate leur carence de mémoire…
A preuve, à la veille de l’invasion de la zone sud par la Wehrmacht début novembre 1942, le Crédit Lyonnais avait mis ses réserves d’or en barres à l’abri, les ayant acheminées via Annemasse et la voie ferrée du Tonkin. Réceptionné au Bouveret par l’attaché financier de l’Ambassade de France à Berne, il avait été incorporé aux réserves de la BNS et de la SBS, entreposées dans les caves du Winterpalace de Gstaad, propriété de M. Scherz, un Conseiller National libéral. De son propre aveu, Antoine Pinay, lors d’une émission de Bernard Pivot, avait rendu un vibrant hommage aux banquiers de la Bahnhofstrasse zurichoise, car sans leur aide active lors du lancement de l’emprunt-or à 3 ¼ %, couplé à l’anonymisation du marché de l’or, ce dernier se serait terminé par un échec cuisant. Et à la même époque, l’Office de Stabilisation des Changes, d’entente avec trois grandes banques de Suisse (UBS SA et SBS) avait mis sur pied un stratagème qui lui a permis de reconstituer une importante réserve d’or en lingots. Cet office – dépendant de la Banque de France- se portait acquéreur de tout l’or en lingots ou pièces d’or offerts en bourse par les détenteurs restant anonymes, contre des francs français. Cet or était ensuite vendu immédiatement soit à la SBS, soit à l’UBS contre paiement en US$, versés sur un compte en US$ auprès d’une banque des U.S.A. Quant à l’or, la livraison aux banques suisses s’effectuait immédiatement via Air France et les aéroports de Genève-Cointrin ou Zurich-Kloten.
Les mêmes lingots et pièces d’or étaient revendus contre francs français ou d’autres valeurs à des passeurs professionnels ramenant le tout en France, « sous les sapins » ! Les douanes françaises avaient pour instructions de ne pas intervenir, instructions venant de très haut ! Et à chaque circuit accompli, les réserves en devises fortes de la Banque de France s’accroissaient d’autant. Un seul passeur pouvait transporter jusqu’à 200 kg de lingots dans sa Mercédès truquée, à plus de 4000 francs suisses au kilo ! Ci-après un tableau décrivant ce circuit :
Banque suisse > Passeur > Bourse de Paris ou Lyon > Achat par Office de stabilisation
Puis le même circuit Paiement par les banques Vente et livraison
recommençait, augmentant à < suisses en US$ sur un < aux banques suisses
chaque fois les réserves en compte de l’OSC aux U.S.A.
US$ de la Banque de France !
7 août 1013 Henry Spira
Bravo, une fois de plus, à M. Spira, infatigable redresseur de torts, fondé sur des informations que personne, à ma connaissance, n’a jamais pu contester. Je souhaite à cet homme âgé une encore longue vie, car il aura sans doute encore bien des révélations à faire.
Frank Bridel
Comment se fait-il qu’un petit gratte papier ou pisse-copie de la NZZ, institution nationale, se laisse aller à pareilles distractions qu’il faille une connaisseur de la banque, de la politique suisse pendant la guerre et historien, pour lui apprendre son métier? Si M.Spira n’avait pas donné son article au site “lesobservateurs” qui resterait-il en Suisse pour rappeler l’Histoire, sans faux fuyants, sans animosité, sans tricherie ? Merci à la NZZ et à Markus Städeli sans qui nous n’aurions jamais su le quart de la moitié de la vérité. Et Merci à M.Spira.