Face aux islamistes, construire des contre-pouvoirs

L’article d’ Akram Belkaïd, journaliste algérien, dans Le Quotidien d’Oran.

"Les islamistes sont-ils capables de jouer le jeu de la démocratie et, plus encore, celui de l’alternance politique ? D’ailleurs, en ont-ils envie ou est-ce que les assurances qu’ils donnent ne sont qu’une façade trompeuse ?

[...] Bien entendu, il ne s’agit pas de joindre sa voix à celles et ceux qui triomphent sur l’air du “on vous l’avait bien dit !”. Pour les contempteurs de l’islamisme politique, ce qui se passe en Tunisie ou en Turquie est la preuve directe de l’incompatibilité entre, d’un côté, les courants ayant pour but la mise en place d’une théocratie et, de l’autre, les principes universels de respect des libertés individuelles. [...] La pire des solutions, celle qui mène tout droit à la guerre civile, est d’interdire le champ politique aux islamistes et de refuser le moindre contact avec eux. Pour autant, ce “dialoguisme” assumé, certes parfois de manière inconfortable quand l’actualité devient tragique, ne doit pas être synonyme de naïveté ou de complaisance.

Il y a quelques années, Erdogan a déclaré que la démocratie était comparable à un bus qui doit bien s’arrêter quelque part. [...] L’on voit bien que son pouvoir s’est radicalisé au cours de ces dernières années et que flotte sur Ankara un inquiétant air d’autoritarisme. L’emprise religieuse de l’AKP, le parti d’Erdogan, ne cesse de se resserrer sur la société, des journalistes sont ­emprisonnés pour avoir défié le pouvoir tandis que des intellectuels sont poursuivis pour des propos ou des écrits jugés blasphématoires.

On l’aura compris, l’AKP comme Ennahda [parti islamiste dit modéré au pouvoir en Tunisie, ndlr] posent le fameux problème de la “tyrannie de la majorité” face à la minorité (encore que personne ne soit sûr aujourd’hui qu’Ennahda représente toujours la majorité politique dans son pays). A-t-on le droit d’entreprendre tout ce que l’on veut quand on a été élu ? A cette question Erdogan, comme tant d’autres responsables politiques dans le monde, répond de manière catégorique par l’affirmative. Que cela déplaise ou non, il en a le droit. En revanche, ce qui pose problème, c’est l’absence de contre-pouvoirs efficaces. L’absence d’institutions solides capables de limiter la tyrannie des représentants de la majorité électorale.

On peut donc se demander si l’évolution du monde musulman, et plus encore du monde arabe, n’est pas freinée par le fait que les peuples sont peu sensibles, peu concernés et peu sensibilisés à la nécessité du contre-pouvoir quelle que soit sa structure. Exiger la démocratie est devenu chose courante. La penser en termes de pouvoir et de contre-pouvoirs institutionnels est loin de l’être."

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