Notre système politique serait quasiment mis entre parenthèses pendant des mois et des mois pour suivre les campagnes des personnes qui viseraient un tel poste. Une énorme énergie dépensée pour un résultat plus que discutable et une personnalisation et une peopolisation accrues de la politique.
Seuls les médias seraient gagnants à ce jeu puisqu’ils vivent pour et par cela, sans assumer leur responsabilité quant aux conséquences de ces combats de gladiateurs en herbe sur l’efficacité de la politique.
La campagne politique au sujet de cette initiative populaire ne fait que commencer et une discussion soulevant des problèmes importants par rapport au fonctionnement actuel du système politique suisse et de sa démocratie n’est pas exclue.
Mais on ne peut pas isoler cette question de l’ensemble que constitue notre démocratie directe ou semi-directe et des limitations que l’on veut de plus en plus lui imposer.
Premiers arguments.
Notre système politique serait quasiment mis entre parenthèses pendant des mois et des mois pour suivre les campagnes des personnes qui viseraient un tel poste. Une énorme énergie dépensée pour un résultat plus que discutable et une personnalisation et une peopolisation accrues de la politique.
Seuls les médias seraient gagnants à ce jeu puisqu’ils vivent pour et par cela, sans assumer leur responsabilité quant aux conséquences de ces combats de gladiateurs en herbe sur l’efficacité de la politique.
Une « innovation » totalement contraire à notre système politique ensuite, notamment en contradiction complète avec le fédéralisme. La Suisse est faite de cantons et de régions culturelles, linguistiques, etc., différentes, ayant chacune ses particularités et ses sous-ensembles politiques spécifiques, représentés en tant que tels au niveau fédéral du Parlement et du CF. Avec une élection par le peuple, on gommerait l'essentiel de ces sous-ensembles politiques réels et constitutifs qui vivent leur propre vie tout en étant représentés niveau fédéral.
Qui représenteraient exactement des Conseillers fédéraux élus par toute la Suisse, même s’ils étaient répartis selon les régions ?
Imaginons un instant tout ce que devrait déployer comme activités un prétendant pour être connu, et sur la base de quoi serait-il finalement connu, voire apprécié.
Eviter l’américanisation de la politique. Nous tomberions dans les pires travers de la politique américaine : paralysie du pouvoir pendant des mois, milliards dépensés de manière scandaleuse, un combat de coqs souvent du plus bas étage, des équipes de personnes entraînées pour dénigrer des adversaires, pour chercher la moindre faille chez l’Autre, etc. Et surtout une polarisation sur des individus jugés pour beaucoup sur leurs traits physiques, leur compatibilité médiatique, etc. !
Notre politique, à laquelle tout le monde peut participer, n’a rien à voir avec cela. C’est l’aspect participatif de notre démocratie qui doit rester, avec l’initiative populaire et le référendum notamment. Ici on parle des vrais problèmes qui préoccupent la population et dont l’avis compte, est même parfois déterminant. C’est à cela qu’il faut consacrer notre temps politique, et plus encore qu’aujourd’hui à cause de l’abstention parfois importante. Chez nous il y a une certaine osmose obligée entre la prise en charge des problèmes par les politiques et les souhaits de la population, même si un fossé a tendance à se creuser.
Les citoyens sont coresponsables de l’état de la société, état qui ne peut être attribué ou rejeté sur un seul acteur, un président, chancelier, etc. On sait à quel point ces acteurs isolés peuvent devenir très vite des cibles, des boucs émissaires, subitement honnis après avoir été portés aux nues par des populations entières, et créer un climat d’instabilité touchant une nation entière.
La personnalisation extrême du pouvoir n’est pas pour nous ; on semble oublier sa vulnérabilité et son danger. L’élection par le peuple suisse de quelques individus largement inconnus de la plupart irait dans ce sens.
En revanche, il est beaucoup plus important que tous les grands partis politiques soient représentées à hauteur de leur force au CF. Cela, la nuance est capitale, à condition qu’un tel parti politique accepte les fondements essentiels de notre société ! La question peut en effet se poser certaines fois.
De vrais problèmes peuvent intervenir lorsqu’un parti, voire le premier parti de Suisse, est clairement sous-représenté tout en étant un défenseur inconditionnel des composantes fondamentales et historiques de notre pays et de son système politique. Là se créent des frustrations, des tensions et des divisions susceptibles de nuire sérieusement au climat politique général, que l’on soit d’accord ou pas avec les idées d’un tel parti.
Dans un tel cas, et ce serait là une amélioration certaine du climat politique, les intrigants qui se livrent à des manœuvres contraires aux règles de base de la représentativité devraient être sanctionnés, non par la justice bien sûr (nous sommes fortement opposé à la judiciarisation du politique) mais par les autres élus et surtout par le peuple lorsque ces intrigants se représentent devant leur public électoral respectif. La politique comporte toujours intrigues et manœuvres mais il y a des limites, au risque de perdre la confiance des électeurs et surtout d’alimenter une image pas toujours positive des politiques ! C’est une autre nécessité : le rétablissement d’une image plus positive des politiques.
La compétence, la détermination dans la volonté d’agir, surtout elle, la confiance durable du peuple et la fiabilité devraient primer sur la peopolisation, même si cette dernière n’exclut pas totalement les premières qualités.
Les droits populaires, voilà l’essentiel. Dans les discussions qui vont suivre sur ces modifications éventuelles de notre système d’élection du CF, il y a un point beaucoup plus fondamental qui devrait être constamment souligné et rappelé: cesser de vouloir constamment amputer les droits populaires, en limitant les possibilités d’initiatives populaires au nom de l’ « essence des droits fondamentaux », « des règles impératives du droit international », du « noyau intangible des droits humains ».
Il faut lutter contre ces tentatives d’amputation des droits populaires, quitte à dénoncer certaines conventions dictées par des instances internationales. Cela est cent fois plus important que la peopolisation et la télégénisation de nos autorités. Etant entendu que personne ne souhaite transgresser les droits et les devoirs humains les plus essentiels. Le risque est d’ailleurs nul puisque personne n’aurait idée de contrevenir à « l’interdiction du génocide, de la torture et de l’esclavage » !
Même la fameuse initiative sur l’interdiction de la construction de nouveaux minarets n’a pas été déclarée contraire à ces divers droits humains. Et nous n’avons pas besoin que la Norvège, par exemple, vienne nous demander des garanties pour que les initiatives populaires ne violent pas nos obligations en matière de droits de l’homme.
Il faut aussi veiller à ce que le Parlement continue à être le seul organe à pouvoir décréter la nullité d’une initiative populaire. Il n’est même pas nécessaire que l’Office fédéral de la justice se mêle d’« expertiser » un projet d’initiative avant la récolte des signatures. C’est un autre risque de judiciarisation du politique, le danger majeur.
Pour notre part nos préférons une liberté totale dans la possibilité de développer des initiatives, quitte à voir une annulation éventuelle par le Parlement, après coup. Solution qui devrait être très rare, voire théorique.
Il faut comprendre que la mise en route d’une initiative populaire est le signe qu’un problème important n’est pas suffisamment ou adéquatement traité par les autorités. Et l’on sait que même en cas de refus, les autorités vont devoir l’empoigner.
L’initiative populaire comme thermomètre des sensibilités collectives, pour ceux qui s’en éloigneraient un peu trop ; et donc comme sas de décompression des tensions susceptibles de menacer un équilibre politique reposant sur le pragmatisme et non sur l’intransigeance idéologique.
Conclusion : balayons rapidement les inutiles et fausses réformes, et participons et défendons encore davantage notre forme de démocratie, un garant vital du modèle socio-politique suisse. Consacrons notre énergie à lutter contre les vrais dangers qui menacent ce modèle, notamment la judiciarisation du politique, lente, sournoise, insistante et qui ne veut pas dire son nom.
Une démocratie c’est le peuple choisi point bar! par contre les politiciens ne sont pas des stars et donc manque une loi qui leur interdit de se vendre dans des campagne débile. Infrarouge, internet ou autre suffit pour se faire une opinion. et ceux qui ne se renseigne pas ben c est que ça les intéresse pas donc vote blanc ou pas.
Bonjour et merci de mettre un peu d’ordre dans ce débat.
Ce n’est pas parce que l’utilisation actuelle du processus de désignation du CF laisse fortement à désirer qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain. Vos arguments sont imparables et les dangers de l’élection directe sont considérables.
Il faut cent fois mieux faire comprendre aux députés que nous voulons plus de leurs “petites” manœuvres actuelles, contraires aux règles de base de la représentativité, et dont on connaît depuis plusieurs années l’effet catastrophique sur la haute direction de notre pays. Sont-ils capables de comprendre et d’appliquer cela ? La question reste malheureusement ouverte.
Mais je reste convaincu qu’une élection par le peuple poserait beaucoup plus problèmes, notamment en donnant le rôle d’acteur principal aux médias, dont l’objectivité … non, j’arrête là.
Excellents arguments!
La collégialité du Conseil fédéral est aussi en jeux, car ce qui en reste (et c’est plus que l’on veut bien le penser) disparaîtrait totalement car les enjeux sont plus politiques au CF que de gestion comme dans les conseils d’état des cantons.
Or un collège formé de membres de partis différents peut supporter un échec dans un vote référendaire, mais pas un individu qui se verrait obligé de se profiler sur chacun des sujets en cause. Alors, comme dans d’autres pays, le référendum deviendrait un vote de confiance pour le gouvernement ou certains de ses membres et non une prise de décision sur un objet particulier.
Il est de bon ton de se moquer de la concordance et de la collégialité. Ce sont pourtant des facteurs clés pour la survie d’une démocratie directe.
Autre question: à part la simpliste suggestion que c’est le peuple qui doit choisir ses gouvernants directement, quels sont les arguments de fond des initiateurs?