“Faut-il avoir peur de la liberté?” de Thierry Falissard

Francis Richard
Resp. Ressources humaines
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Le libéralisme n’a pas bonne presse. Certains médias en font même un fléau qui menacerait la planète. Rien de moins. Le mot de Talleyrand – “tout ce qui est excessif est insignifiant” – ne peut trouver meilleure application en la circonstance.
De deux choses l’une: dans le meilleur cas ces médias sont ignares, dans le pire ils sont de mauvaise foi. Ce qui n’exclut pas, après réflexion, qu’ils soient les deux. Ignares et de mauvaise foi…

 

 

Thierry Falissard a fait le pari de répondre à toutes les principales questions que vous vous posez sur le libéralisme sans recevoir de réponses justes, sinon honnêtes.

Dans un compendium de quelque 70 pages, qui se lisent en un peu plus d'une heure, il pose 21 bonnes questions sur le libéralisme et donne 21 bonnes réponses...

Ce texte d'initiation ne suffit évidemment pas pour bien connaître le libéralisme, qui est "multiforme tout en ayant sa propre cohérence", mais au minimum il remet les choses à l'endroit, avec l'espoir que le lecteur pris au jeu de la connaissance se laissera tenter par de plus amples développements.

A la fin de l'ouvrage Thierry Falissard dresse d'ailleurs une liste de 31 livres de référence qui pourront satisfaire la curiosité du lecteur. Ce sera d'autant plus facile pour lui qu'un certain nombre d'entre ces livres sont en libre accès sur Internet.

Résumer un texte aussi synthétique relève de la gageure. Mais, comme il faut enfoncer le clou, remettre cent fois l'ouvrage sur le métier pour contrecarrer la toute-puissante propagande anti-libérale, il n'est pas inutile de rappeler avec l'auteur quelques vérités.

Les libéraux sont pluriels, mais leurs nombreuses écoles de pensées ont un socle commun:

"Le concept de liberté est central, le consentement de l'individu est une exigence morale, et tout pouvoir de quelque espèce qu'il soit qui s'impose sans ce consentement est suspect si ce n'est illégitime."

Quelle liberté?

"Pour un libéral, la liberté positive, contrepartie de la liberté négative [ne pas nuire à autrui ou ne pas l'agresser], est la possibilité d'agir comme on l'entend dans le respect de la liberté d'autrui."

L'éthique libérale?

Elle aboutit à l'énoncé de droits, "qu'on qualifie de "naturels", car ils ne tiennent qu'au fait qu'on soit un être humain", qui s'appliquent à tous les hommes, sans distinction - c'est l'égalité en droit -, et dont la liste est courte:

- droit à la vie

- liberté

- droit de propriété

Quel pouvoir est légitime?

Celui dont la seule fonction est de protéger le droit. Qu'importe la nature de ce pouvoir, pourvu qu'il assure justice et sécurité.

Les deux droits de liberté et de propriété ont pour corollaire la responsabilité:

"Chacun est responsable de ses actions, des décisions qu'il a prises, des obligations qu'il a contractées volontairement, des dommages (même involontaires) causés par lui-même ou sa propriété [...]. Liberté, propriété, responsabilité forment les trois piliers indissociables du libéralisme."

Quand la démocratie ne respecte pas les droits naturels, elle est critiquable du point de vue libéral, de même que le collectif:

"L'égoïsme bien compris de chacun le porte à coopérer avec autrui, ce qui rend inutile et incertaine (si ce n'est nuisible au plus haut point) toute théorie collectiviste."

Ainsi est-il liberticide de vouloir faire le bonheur des gens malgré eux.

Le droit de propriété est la seule limite à la liberté d'expression:

"Les idées et leur expression ne lèsent personne, sauf à admettre l'existence d'un improbable délit moral qui irait contre un "ordre moral" encore plus improbable."

Comme on vient de le voir, le libéralisme ne se réduit pas au libéralisme économique, il est avant tout une éthique:

"L'économie libérale découle des principes de liberté et de propriété, et de la possibilité d'échange libre dans le respect de ces principes: le laissez-faire ou libre-échange. On échange ce qu'on possède avec qui le veut bien."

Pour le libéral le marché n'est pas la réponse à tous les problèmes de société:

"En revanche, le marché, expression de la liberté et de la propriété, est pour lui ce qu'il y a de plus juste, dès lors qu'il n'est pas faussé par une intervention extérieure."

Les interventions extérieures qui faussent le marché?

- le protectionnisme

- les subventions à l'exportation

- les commandes publiques réservées aux nationaux

- les aides de toutes sortes aux entreprises

- les monopoles de droit imposés par un pouvoir etc.

Le capitalisme est-il libéral?

"Dans un certain sens, tout le monde est capitaliste, car chacun dispose de son popre capital humain."

Mais le capitalisme qui ne respecte pas le principe de non-agression n'est pas libéral. Il en est ainsi du capitalisme d'Etat, du capitalisme d'économie mixte (où prospère le capitalisme de connivence) et du capitalisme mafieux.

La propriété publique n'a pas de propriétaire précis ni de responsabilité. Pour un libéral, le seul moyen d'avoir un propriétaire réel et responsable est de désétatiser:

"Désétatiser ne signifie pas qu'on remplace un monopole public par un monopole privé. Cela signifie qu'on libère le marché, c'est-à-dire l'initiative privée, éventuellement par étapes, en commençant par une déréglementation."

Aux dernière questions du livre (sur la monnaie, la propriété intellectuelle, les dispositifs étatiques de protection sociale, les inégalités et la pauvreté, l'écologie), l'auteur donne les réponses libérales, toujours à la lumière des principes énoncés précédemment. Le lecteur intéressé par ces questions les lira avec profit...

Alors, faut-il avoir peur du libéralisme?

"Ce n'est peut-être pas tant le libéralisme qui fait peur, que la façon dont la société évolue, vers plus de complexité et d'incertitude, sans possibilité pour quiconque de la régenter, de la diriger autoritairement vers un objectif défini. Il ne sert à rien de regretter les servitudes rassurantes du passé. La peur de la liberté est-elle autre chose qu'une peur de soi-même?"

Même pas peur!

Faut-il avoir peur de la liberté?, Thierry Falissard, 70 pages, Collectif La Main Invisible et Institut Coppet.

Première publication sur le blog de Francis Richard

 

2 commentaires

  1. Posté par Francis Richard le

    @Pierre-Henri Rémond
    Le libéralisme n’est pas une personne. C’est avant tout une éthique. Quand les hommes sont malhonnêtes ils doivent en subir les conséquences. L’un des piliers du libéralisme est la responsabilité. Le libéralisme contrairement à ce que vous affirmez tient donc compte du facteur humain.

    Vous avez tort d’associer libéralisme avec exigence de croissance. La croissance n’est qu’un résultat, de même que le marché n’est qu’un processus relationnel entre individus et n’a rien à voir avec un quelconque intégrisme.

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Cher Monsieur, à vous lire, citant Thierry Falissard, j’en viens à croire que le libéralisme est une personne ! Oserai-je dire idéale ? Certes, la liberté est un fondement, sous réserve d’honnêteté ! De droiture et d’intégrité. Mais faites une excursion dans le livre de l’exode ! Dans lequel on voit la relation du peuple avec ce qui est donné, offert ! Avec une seule réserve : pas le samedi ! Deux descriptions de cet épisode se côtoient. Ceux qui sont mort la bouche pleine. Et les autres, ceux qui, ayant beaucoup, n’avaient pas de trop. Et ceux qui, ayant peu ne manquaient pas. Une utopie ? Oui, ce chant du libéralisme, mâtiné de liberté et de la sagesse de la main invisible, ne tient pas compte du facteur humain. Lequel humain n’est pas exempt de reproches. J’en ai pour preuve des reportages concernant Veolia et le commerce de l’eau, et les compagnies productrices de potasse de la Mer morte ! Pour ne parler que de ceux-ci. Mais aussi le livre de Jean-Claude Guillebaud, « la refondation du monde » (Seuil 1999). Lequel évoque, par exemple, les besoins du marché (de la main invisible) : instabilité et insatisfaction. Et l’utopie libérale qui se substitue à l’utopie communiste. Les deux s’exprimant en dogmes dont les zélateurs rivalisent d’intolérance. Guillebaud cite aussi Georges Soros : « l’intégrisme des marchés menace la démocratie. Vous invoquez la liberté ? Alors pourquoi diable s’ingénie-t-on à perfectionner les techniques de manipulation ? Pourtant la main invisible est en panne ! Les « ménages », qui sont la composante essentielle du marché, n’ont pas le moral. Ils achètent moins et le marché risque de s’effondrer. J’avoue, en matière de finance, y connaître autant qu’une chèvre en pharmacie ! Mais j’ai bien compris Marcel Dassault ! Qui disait ne pas pouvoir manger plus d’un poulet par jour ! A partir de ce poulet, plus de croissance possible ! Ou alors plus de poulets, mais moins gras ? Je pose une question. Ai-je raison d’associer libéralisme et exigence de croissance ? Et si oui, pourquoi la croissance est-elle vue comme nécessaire ? Ceci dit, je me fais aussi le chantre d’un « libéralisme ». A ce titre je mentionne le livre de Hans Magnus Enzensberger, « Le doux monstre de Bruxelles » (ou l’Europe sous tutelle). Gallimard, 2011.

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