Devant ce qui se passe et s’est passé, devant le terrorisme aujourd’hui, les révolutions hier, ou la naissance des religions, nous devons nous efforcer de comprendre et non d’expliquer. Il serait fou de vouloir expliquer le comportement du Christ comme celui d’une infectieuse petite bête. Nous devons le comprendre. Même chose aujourd’hui : lorsque nous voulons expliquer le terrorisme et seulement l’expliquer, nous délirons. Un terroriste n’est pas une infectieuse petite bête.
Les débats organisés autour de la tragédie de Boston avant-hier ne sont pas rassurants. Ils ne le sont pas car ils sont d’une étonnante médiocrité. Aucune référence à l’histoire du terrorisme. Aucune considération qui aille au-delà d’une photographie de l’événement. Aucun propos sur ce qu’est ou pourrait être le terrorisme. Devant de tels débats, si j’étais un djihadiste, je ne pourrais être qu’encouragé à aller de l’avant. En tout cas, devant tant de paroles creuses et soi-disant expertes, je ne tremblerais pas, je ne craindrais pas d’être pris, je trouverais même matière à m’activer davantage. Plus l’Occident continuera à débattre du terrorisme, plus il l’encouragera, ce qu’il a d’ailleurs commencé à faire. En Europe, des jeunes partent vers l’Afghanistan, la Syrie, l’Afrique, pour rejoindre des mouvements djihadistes. Comment ces débats encourageant le terrorisme, pourraient-ils cesser d’être médiocres ?
Le terrorisme ne date pas d’hier en Europe. Qu’est-ce qui le motivait ? Le désir de changer le monde. « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi », disait-on en mai 68. Formule qui résume tout le messianisme contenu dans des actions politiques violentes. Le messianisme est lié au terrorisme parce que lorsqu’il s’exacerbe, il bascule dans des actes de destruction. Ce mouvement de bascule ne date ni de mai 68, ni même d’hier. Lorsque les Zélotes se révoltaient contre les Romains au premier siècle de notre ère, ils commettaient de tels actes. Au début de la révolution anglaise au 17e siècle, on vit apparaître des sectes composées de fous de dieu, qui rêvaient de tout démolir. Quant à la Révolution française, elle passa rapidement à la Terreur qui, dans Paris seulement, fit environ trois mille morts. L’histoire humaine ne peut pas être comprise indépendamment du messianisme et du terrorisme qu’il peut nourrir.
Pourquoi donc y a-t-il du messianisme aujourd’hui ? Parce que des jeunes et des moins jeunes ne supportent plus le monde dans lequel ils vivent. Ils ne le supportent plus parce qu’il leur semble que tout ce qu’on leur demande est de fonctionner dans un système qu’ils appellent capitaliste ou néo-libéral. Or jamais un être humain, surtout lorsqu’il est jeune, n’acceptera de fonctionner dans un système, quel qu’il soit. Notre vocation n’est pas de bouger mécaniquement dans un ensemble de bielles et d’engrenages.
Quel rapport, demandera-t-on, tout cela peut-il bien avoir avec un messie ? C’est qu’une telle figure est comme une porte ouvrant sur l’au-delà d’un temps répétitif, misérable, ne conduisant plus qu’à la mort et rien d’autre. Dans une société qui aurait supprimé toute porte de ce genre, tout messie, on n’aurait plus que du terrorisme. Personne n’accepterait de rester tranquillement en place en attendant son cercueil. Si des jeunes partent aujourd’hui en djihad, c’est parce qu’ils ne peuvent pas rester tranquillement en place. Ils cherchent une porte ouvrant sur l’au-delà d’une vie seulement mortelle, comme on leur dit qu’est la vie en Occident. Peu importe que cette porte soit un messie, Dieu ou Allah. L’essentiel, pour eux, est de se tendre vers un au-delà des vacances, des mets surgelés ou des aménagements du temps de travail.
La médiocrité des analyses du terrorisme et des débats qui les entourent, tient aussi à l’idéologie journalistique sur laquelle ils s’appuient. Cette idéologie n’est ni de droite, ni de gauche. Elle dérive de cette croyance étrange en une analyse de l’actualité basée sur une photographie de cette même actualité. Etrange parce qu’il est évident que l’actualité ne peut pas être analysée ; elle passe, passe, et passe encore. Cette même idéologie énonce que le monde est composé de forces qu’il s’agirait de déchiffrer comme on déchiffre, par le calcul vectoriel, ce qui se passe dans un champ magnétique, gravitationnel ou électromagnétique. Ces forces n’ont aucune signification. Il s’agit seulement d’en expliquer l’anonyme logique. Or l’histoire n’est pas faite de forces anonymes, mais de forces qui veulent dire quelque chose. Que veut dire le terrorisme ? Personne ne se pose la question. Or, à ne jamais la poser, on n’ouvre pas une porte messianique, mais la porte de la violence.
Il y a eu un philosophe qui, à Genève, était assez connu lorsqu’on y parlait philosophie, Karl Jaspers. Il insistait sur la différence entre expliquer et comprendre. Nous expliquons la tuberculose en en dévoilant la logique, mais nous comprenons un événement historique. En effet, nous développons une explication lorsqu’il est question de saisir l’action des bacilles et des virus. Autrement dit, nous pouvons seulement expliquer le comportement de ces « petites bêtes ». Il serait fou de vouloir les comprendre. Mais devant ce qui se passe et s’est passé, devant le terrorisme aujourd’hui, les révolutions hier, ou la naissance des religions, nous devons nous efforcer de comprendre et non d’expliquer. Il serait fou de vouloir expliquer le comportement du Christ comme celui d’une infectieuse petite bête. Nous devons le comprendre. Même chose aujourd’hui : lorsque nous voulons expliquer le terrorisme et seulement l’expliquer, nous délirons. Un terroriste n’est pas une infectieuse petite bête.
Aussi longtemps que nous voudrons expliquer le terrorisme, nous ne le comprendrons pas. Tant que nous ne le comprendrons pas, nous ne pourrons pas lutter contre lui car nous n’en aurons aucune connaissance. Sun Tsu, dans l’Art de la guerre, n’a cessé d’insister sur l’importance d’une connaissance de l’ennemi. Il a en même temps insisté sur le fait qu’une telle connaissance est indissociable de la connaissance de soi. Commençons par-là !
Et si le péché était de voir en l’autre, un autre que soi ?
Et de voir en soi un autre que Dieu ?
L’image, reflet, la manifestation de Dieu se prend pour un être autonome, comme le sarment qui se détacherait du Cep ou comme un rayon de soleil déciderait de lui-même de sa trajectoire …
Jésus dit : ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits d’entre Mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait. (Matthieu 25:40)
Qui est ce Moi ? Or, vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun en particulier. (1 Corinthiens 12:27)
Qui sont Mes frères ?
Jésus répond : Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une soeur et une mère. »
Les autres sont… morts, et il faut laisser les morts enterrer les morts.
Quelle est Sa volonté ?
S’il fallait détacher un seul mot des paroles et de la vie du Christ ce serait “détachement” :
Pas d’orgueil, pas d’offense.
Pas d’attachement, pas de souffrances.
Pas de désirs, pas de problèmes pour les assouvir.
Plus précisément, ne pas avoir de volonté propre. “Non pas ce que je veux mais ce que Tu veux”.
La frêle ligne entre le pôle attractif et le pôle répulsif, c’est le chemin étroit qu’il nous faut suivre. Ligne infime, aussi, celle qui relie le passé au futur.
S’en écarter c’est chuter dans le monde avec son cortège d’angoisses ( “…et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché”)
S’y tenir c’est rester dans la Création et en être le noble gardien.
La Création c’est la Réalité, la véritable manifestation par opposition au monde qui en est la réfraction, l’ornement, (kosmos) acquise par l’âme humaine (Eve) en quête de liberté et d’intelligence (libre-arbitre) et fatalement restreinte à des sensations localisées à son illusoire survie.
“La femme vit que le fruit de l’arbre était bon à manger, agréable à la vue et désirable pour acquérir l’intelligence”
La Chute se reproduit en chaque homme, et la marque du monde est imprimée dans son âme dès son plus jeune âge, intelligence dérisoire que nous considérons comme le plus grand des trésors.
Il n’est que Dieu, seul, c’est cela que veut dire un Dieu unique.
Merci Pierre-Henri Reymond. Depuis des années, je suis littéralement fasciné par l’approche hébraïque de la parole. Vous pouvez donc imaginer à quel point vos propos m’enchantent.
Cher Jan! Merci pour vos lignes. Elles réjouissent mon intelligence, si petite soit-elle. Je n’ai qu’elle. Et ouvrent une digue. Je commence par la la fin. Par Sun Tsu! Lequel invite à la connaissance de l’ennemi! Ce qui implique le but de vaincre! Mais qui? L’ennemi?
Depuis un temps je tourne autours du pot. Autour de la deuxième parole! “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”! Ce qu’un courant, multicolore, de pensées tend a rendre obligatoire. Sous forme de condamnation de l’incitation à la haine! Je passe la dessus. La deuxième parole, donc, est formulée en hébreu. Eut égard à l’original la traduction est une niaiserie! Mais qui blâmer d’avoir avalé cette pilule? Coulée dans le bronze du Bien! Venons-y donc, à l’original! Mais avant je précise que mes maigres connaissances ont suffi pour que je reçoive ces paroles comme une promesse, comme un fait qui adviendra. Un érudit juif me l’a confirmé. Passant sur ce fait je simplifie en relatant au futur:
“Tu aimeras…” Ici je relaie l’enseignement que j’ai reçu. Aimer est “chercher à connaître”. Non connaître, comme Adam connu Ève, mais bien chercher à connaître. Ce que la suite confirme, vous allez le constater. L’objet de la connaissance, en l’occurence un sujet, n’est pas directement lié à l’action. Il est introduit par une préposition qui indique la direction, donc la distance. Et, par voie de conséquence, la permanence de la quête de connaissance. C’est un peu comme les amants du Cantique des cantiques. Qui se louent sans jamais se rencontrer. Au point ou nous en sommes nous pouvons lire: “tu chercheras a connaître vers…!” Venons en au prochain! Le mot hébreu qui le désigne signifie, selon l’enseignement que j’ai reçu: ” celui qui fait route avec moi, ma face ombreuse”! Ce mot tient en deux lettres. Qui désignent aussi le pôle “mal” de l’arbre de la connaissance! Deux lettres aussi qui entrent dans le mot “berger”!
Donc nous pouvons lire en progressant: “tu chercheras à connaître vers ton autre, ta face ombreuse! ” du coup le “comme toi même” sonne faux! Voici donc la traduction telle que je l’ai reçue: ” tu cherchera à connaître vers l’autre car de lui tu procède! ”
Jan, vous allez dans cette direction! J’en viens au tranchant impitoyable de l’épée, présent dans la Bible et le Coran! Quand je reconnais ma face ombreuse en l’autre, c’est en moi que je tranche! Sans pitié, sans compromission!
Me permettrez-vous une digression? L’actualité me plonge dans le mythe! Le mythe? Allons-y! David a souffert du Roi Saül! David n’a pas usé de son avantage quand il a trouve son ennemi endormi dans la grotte! Et quand, des années plus tard, un serviteur vint lui annoncer joyeusement la mort de Saül, il le pourfendit de son épée! Ferai-je ainsi lorsqu’on m’annonce que Cahuzac a menti, que tous sont pourris jusqu’à la moelle! Je ne sais pas.
Mais il est, je crois, des “choses” que l’on ne peut comprendre! Elles doivent être mangées! Jésus n’a-t-il pas dit, celui qui mange ma chair et boit mon sang? Qu’est-ce à dire? Que le rite dominical suffit? Je ne crois pas, ni ne sait. Mais je cherche.
Mais, encore un détail. Chercher à connaître vers l’autre coïncide, selon mon écoute, avec redevenir enfant. Et avec un autre passage de la Bible dont je tait la référence pour le moment. Qu’il me suffise d’affirmer que les mots de Jan Marejko en sont proches.