Vers l’introduction de plans sociaux obligatoires?

Christophe Reymond
Christophe Reymond
Directeur général Centre Patronal vaudois
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Un changement de taille pourrait survenir dans le droit suisse du travail. Le Conseil fédéral propose en effet d’ajouter dans le Code des obligations le devoir de négocier un plan social pour les entreprises comptant plus de 250 employés en cas de licenciement collectif d’au moins 30 personnes.

Il est prévu que si les syndicats et l’entreprise en restructuration ne parviennent pas à un accord, il appartiendra à un tribunal arbitral de trancher et de déterminer les modalités du plan social.

Ce qui existe

Avant d’envisager une innovation aussi importante de notre droit, il faudrait commencer par se demander comment s’articulent les règles qui existent et comment elles fonctionnent. Car s’il est vrai que la mise en place d’un plan social n’est pas une condition prévue par la loi pour résilier un contrat de travail, cela ne signifie pas que l’on se meuve dans un domaine où il n’existe rien.

Tout d’abord, au plan individuel, une certaine sécurité est conférée aux travailleurs par le biais des délais de congé. Ils sont agrémentés d’interdictions de résilier en temps inopportun, avec parfois de très longues protections. Le Code des obligations prévoit par ailleurs des règles en cas d’insolvabilité de l’entreprise, permettant à l’employé d’exiger des sûretés et, à défaut d’en obtenir, de résilier immédiatement le contrat et de demander réparation du préjudice.

On observera aussi que de nombreuses conventions collectives de travail renferment des dispositions sur les licenciements collectifs. D’une façon générale, le partenaire social doit être informé et des négociations entamées avant toute décision de licencier collectivement.

Surtout, depuis 1993, le Code des obligations contient des règles sur les licenciements collectifs. Celles-ci ne s’appliquent pas seulement aux grandes entreprises mais à toutes celles qui emploient plus de 20 travailleurs. Premièrement, la loi impose la consultation préalable des employés, qui doivent pouvoir formuler des propositions sur les moyens de limiter les congés et d’en atténuer les conséquences. Parallèlement à la consultation des travailleurs, l’employeur doit informer par écrit l’office cantonal du travail de son projet de licenciement et du résultat de la consultation des travailleurs. L’Autorité cantonale peut alors s’interposer pour tenter de trouver les solutions.

On voit ainsi que, quand bien même l’obligation légale d’établir un plan social n’existe pas formellement, le concept du plan social est en place : l’employeur n’est pas libre de faire ce qu’il veut. On est en présence d’une réglementation assez fine, très incitative mais sans caractère obligatoire, qui donne de bons résultats dans la pratique.

Ce qui est souhaitable

Sur le principe, l’élaboration de plans sociaux sur une base volontaire doit être saluée comme une bonne mesure de politique patronale, aussi longtemps bien entendu que l’entreprise en a les moyens. La rapidité des changements de l’environnement économique appelle parfois des réorganisations importantes même pour des sociétés qui ne sont pas au bord du gouffre. Au contraire, c’est pour assurer leur avenir qu’elles doivent prendre des mesures adéquates en temps voulu. La prise en compte à ce stade des intérêts des travailleurs entre en quelque sorte dans les charges liées à l’adaptation au marché et à la modernisation des structures. La confection d’un plan social en accord avec le syndicat ou les représentants du personnel constitue une méthode qui honore le partenariat social.

Les effets pervers

Dès le moment en revanche où les plans sociaux deviennent obligatoires, les difficultés se multiplient. La plus évidente consiste en le risque d’accroître les difficultés des entreprises qui traversent une période de crise. Celles-ci seraient en effet amenées, de par le droit comptable, à constituer dans leur bilan des provisions pour un éventuel plan social. Elles alourdiraient ainsi leurs charges, accélérant par là même la nécessité de procéder à des licenciements.

Dans le projet présenté par le Conseil fédéral, il faut aussi craindre que le contenu des plans sociaux soit trop systématiquement le fruit d’une sentence arbitrale. Aujourd’hui, le risque d’un échec pur et simple des négociations oblige les représentants des travailleurs à faire montre d’une certaine mesure dans leurs revendications. Si le plan social est obligatoire – et pire encore s’il peut être imposé par un tiers – c’est la porte ouverte à toutes les exagérations.

Il faut enfin relever le risque de généralisation auquel on peut s’attendre. On ne tardera pas (plusieurs représentants syndicaux l’ont déjà fait) à affirmer qu’il n’y a pas de motif de limiter les plans sociaux obligatoires aux grandes entreprises. Et l’on sera forcément amené à faire le pas suivant et à se demander pourquoi des plans sociaux devraient n’être prévus qu’en cas de licenciements collectifs. Si de tels plans sont légitimes, pourquoi ne seraient-ils pas obligatoires dans tous les cas de licenciements non fautifs ?

Cette proposition d’introduire des plans sociaux obligatoires survient à un moment où l’on parle beaucoup des relations du travail. Elle constitue un pas de plus vers un droit sur-réglementé, en faveur duquel on perçoit malheureusement de plus en plus de pressions. Curieuse dérive alors que notre marché du travail se porte remarquablement bien en raison d’une flexibilité qui constitue son atout majeur.

Christophe Reymond

03.04.2013

 

3 commentaires

  1. Posté par Le pragmatique le

    Ne saluait-on pas la paix du travail en Suisse, il y a peu ? Les solutions actuelles me paraissent satisfaisantes et font appel au bon sens et à une approche raisonnable.

    Cette approche des choses fait du reste partie de nos gènes ou alors Bruxelles nous l’aurait interdit au travers d’une bilatérale de derrière les fagots ?

    Est-ce que nos socialos sont en train de fantasmer sur système français qui tire la France vers l’Europe du sud avec sa surréglementation.

    F Bayrou ventait il y a encore peu notre Code des obligations qui règle le droit du travail en 100 pages pour un pendant Élyséen de 2500 pages faisant le bonheur des juristes.

    La droite incite, la gauche interdit.

  2. Posté par Lafayette le

    Faire de nouvelle entreprise en France pour remplacer le système défaillant.
    Le seul défaut c’est que c’est un bagne, un lieu ou les travailleurs ne pourront plus en partir.
    Le plan social ne sera plus qu’un contrat obsèques.
    Ca fait rêver …

  3. Posté par cheseaux monique le

    Ces plans arrivent bizarrement au moment oû les clauses de sauvegarde ne peuvent être activées…alors nos oligarches ne voulant point déplaire au despote Barosso et craignant des licenciements massifs nous obligent à jouer les bons samaritains afin d’éponger les pertes des entreprises ! ..Bientôt des milliers de travailleurs immigrés vont devoir être mis au chômage…donc obligation pour les salariés suisses à prendre en charge ces sans-emplois .Nous n’avons plus les saisonniers et le droit international prime….Nous ne pouvons déjà expulser aucun ou si peu ,les criminels étrangers toujours en vertu des obligations internationales ,alors que depuis 2010 la loi votée sur le sujet ne peut être appliquée ,toujours en soumission au droit international….alors nous devrons assumer encore et encore les milliers d’immigrés sans emploi et ne pouvant être renvoyés dans leurs bleds d’origine ! Vive l’ultra libéralisme et ses dindons …en l’occurence la population laborieuse Suisse !

Et vous, qu'en pensez vous ?

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