IV. La responsabilité sociale de l’entreprise 20.11.2011

Suzette Sandoz
Suzette Sandoz
Prof. honoraire UNIL
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Notre Collègue Suzette Sandoz, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, nous fait l’amitié de figurer parmi les contributeurs réguliers de notre site Lesobservateurs.ch. L’ouvrage qu’elle vient de publier, avec une Introduction de A. Maillard, “Une voix claire dans la foule”, aux Editions Cabédita, comporte une centaine de chroniques publiées en allemand dans la NZZ au cours de ces dernières années. Nous reprenons, dans une série, pendant quelques jours, certains de ces articles directement en rapport avec des problèmes majeurs de l’actualité politique. La force, la profondeur, l’originalité et le courage de cette pensée rigoureuse et hors des modes sont connus.Cela mérite la relecture, en français.

Le franc fort cause des inquiétudes à bien des entreprises et l’avenir du monde du travail n’est pas rose. L’incompétence prétentieuse des politiciens les plus influents de la zone euro en est largement la cause, mais cela ne supprime pas pour autant la responsabilité des entreprises sises sur sol suisse. L’annonce toute récente par Novartis de la fermeture du centre de Nyon, celle de nombreux licenciements par le Crédit suisse, pour ne citer que deux cas, obligent à se poser un certain nombre de questions en rapport précisément avec la responsabilité des entreprises sises sur sol suisse.

Je ne prétends pas pouvoir juger si, en l’espèce, les décisions prises sont fondées ou non, les éléments de base m’en étant inconnus, mais il convient de rappeler quelques principes de responsabilité de l’entreprise qui semblent avoir été négligés.

Le premier principe est celui de la loyauté envers le pays dont on tire des avantages. Si Novartis est devenue une multinationale, il n’en demeure pas moins que son nom est intimement lié à notre pays et qu’elle tire de ce lien une crédibilité dont la valeur ajoutée est tout sauf négligeable. Certes, nous commettons peut-être en Suisse l’erreur de nous acharner contre le prix des médicaments, au nom d’une égalité avec les pays qui nous entourent et dont le coût de la vie n’est précisément pas égal au nôtre. Ceci posé, il n’en demeure pas moins que les conditions générales de liberté économique, de stabilité politique, de savoir-faire professionnel, liées au label suisse, représentent une valeur dont une entreprise ne saurait prétendre profiter tout en délocalisant. C’est à la limite de l’abus de droit.

Le second principe est celui du respect de la culture sociale du pays dans lequel se trouvent les employés ou le centre qui devraient être sacrifiés. On peut malheureusement constater que les Américains ignorent en général tout de la culture du pays qu’ils «occupent». Les échecs douloureux et coûteux des guerres du Vietnam, d’Irak, voire d’Afghanistan en sont la preuve flagrante. Ils commettent la même catégorie d’erreur dans le monde du travail. Dans notre pays, la paix du travail exige que patrons et employés collaborent loyalement et, si possible, sans que les uns ni les autres ne recourent au coup de force. L’annonce par surprise, à Nyon, d’une décision de fermeture de Novartis prise par quelque tête aux Etats-Unis, a déclenché dans le canton un processus dont on souhaite de tout cœur qu’il aboutisse à un résultat positif pour les employés comme pour les cadres locaux mais qui ne sera alors qu’une sorte de désaveu du procédé américain et coûtera peut-être plus cher – dégâts humains autant que financiers – que ne l’aurait fait une procédé correct dès le début.

Enfin, troisième principe – mais celui-ci est une question d’éducation et d’humanisme et ne correspond hélas que très mal aux mœurs actuelles d’une économie globalisée où la valeur d’une personne se mesure strictement en argent et non pas aussi en qualités humaines – on ne peut, éthiquement parlant, annoncer simultanément un bénéfice et des licenciements, ou encore des licenciements et des bonus ou des salaires mirobolants. Certes, les critères à la base des décisions de licenciements ne dépendent pas que de résultats économiques immédiats, en outre, le salaire de ceux qui accomplissent à satisfaction un certain travail n’a pas de raison de baisser, sauf solidarité acceptée librement, mais mesure-t-on les dégâts humains que causent certaines annonces? Nos grandes banques, et certaines multinationales, devraient peut-être avoir dans leur équipe dirigeante des conseillers respectueux des personnes et connaissant la culture d’entreprise locale et non pas seulement des spécialistes comptables. Elles en seraient les premières bénéficiaires car leur réputation en serait améliorée.

Suzette Sandoz 20.11.2011

Un commentaire

  1. Posté par Julien le

    Je me régale comme à chaqu’une de vos parutions. Merci !

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