L’étincelle du Passage

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant
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Le mystère pascal me touche infiniment. L’histoire qu’on nous raconte est celle d’une infinie souffrance, sur la croix, un homme rejeté, vilipendé, mis à la porte des vivants, acceptant cet état. Et, le troisième jour, il serait passé ailleurs. Croire en ce passage, contre toute logique de matière et tout constat vécu, relève de l’irraisonnable, voire de la folie. Je suis, comme tant d’entre nous, heurté, remué, mais aussi comme magnifié par la beauté de cette histoire. Elle ne conclut rien, ne résout rien, ne clarifie rien. Elle ouvre simplement une porte. Celle du tombeau ? Elle allume l’étincelle d’une espérance.

Bon, on nous dit que c’est un passage. On fait allusion au sens hébraïque, la traversée de la mer Rouge, on nous parle d’une libération, d’une nouvelle naissance. Et de fait, ça coïncide avec le printemps. Il y aurait aussi une initiation. Nous passerions d’un état à un autre, plus évolué. Une affaire de vie et de mort, de nuit et de lumière. Il y a aussi le mystère de ce tombeau vide, le sens que chacun de nous tente de lui donner, l’irrationnel que cela représente, la part de révolte et de folie. Pâques, la plus belle fête du christianisme, nous laisse devant l’irrésolu. Fable, ou vérité ? Je n’ai pas la réponse à cette question.

Mais le mystère pascal me touche infiniment. L’histoire qu’on nous raconte est celle d’une infinie souffrance, sur la croix, un homme rejeté, vilipendé, mis à la porte des vivants, acceptant cet état. Et, le troisième jour, il serait passé ailleurs. Croire en ce passage, contre toute logique de matière et tout constat vécu, relève de l’irraisonnable, voire de la folie. Il y a quelque chose à quoi on se heurte, un mur. Je n’aime pas trop, pour ma part, les récits de miracles, ni le surnaturel. Je serais plutôt enclin, avec mon cerveau, à reléguer cette histoire dans le chapitre des grandes superstitions. Ou, comme le font les historiens des religions, l’inscrire dans la continuité de mille sources antérieures au christianisme, ici la Pâque juive, là les mythes du Phénix, ceux de Déméter. Ou d’une étape majeure dans l’histoire du sacrifice dans les religions antiques, comme cela fut maintes fois brillamment démontré.

Oui, avec mon cerveau, je relativise. Sinon, à quoi bon penser ? Mais je ne suis pas persuadé que le christianisme soit avant tout une affaire de réflexion cérébrale. Il y a quelque chose de puissant, d’irrémédiable, qui surgit de l’instinct. Comme le feu. Oui, je crois que cette religion est celle du feu, et des petites lumières, et des poudres d’étoiles dans la nuit d’été, et de l’huile et de l’eau, et du pain et du vin. Et que ces éléments, loin de n’être que ceux du rituel, nous habitent par leur corps et leur simplicité. Je pense au tableau de Rembrandt, les Pèlerins d’Emmaüs, je revois le visage de cet homme à droite, le barbu, illuminé par une révélation qui le dépasse. Ce passant, qui partage avec lui le pain, qui est-il, d’où vient-il, où va-t-il ? Je n’ai pas la réponse à ces questions.

Je n’ai d’ailleurs la réponse à aucune question. C’est bien ça le problème. Je suis, comme tant d’entre nous, heurté, remué, mais aussi comme magnifié par la beauté de cette histoire. Elle ne conclut rien, ne résout rien, ne clarifie rien. Elle ouvre simplement une porte. Celle du tombeau ? Elle allume l’étincelle d’une espérance. Rien de plus. Mais enfin, par rapport à la trahison du jeudi soir et l’abandon mortel du vendredi, ou cet abandon hurlé sur la croix, il y a déjà un chemin. Un Passage.

Première publication Nouvelliste 29.3.2013

 

4 commentaires

  1. Posté par Certeny le

    Le raccourci de Pascal Décaillet est étonnant pour conclure c’est un mythe ! Tout l’Ancien testament “mène” à Pâques sans oublier la mort sur la croix. Cette mort sans la résurrection n’a aucun sens : st-Paul le dit avec force… si Christ n’est pas ressuscité nous sommes les plus malheureux de tous les hommes (voir le chapitre 15 dans 1 Corinthiens). Un mythe avez-vous conclu, pourquoi ne pas voir ce que des contemporains ont écrit comme un certain Josèph qui n’était pas disciple de Jésus ? La naissance de Jésus, sa vie et ses miracles… des mythes, c’est une façon de voir “raisonnable”. Je sais qu’il faut être “déraisonnable” pour croire… je le suis.

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Cher Pascal, le côté bucolique et l’aspect dramatique des narrations évangéliques en ocultent le contenu. Je crois. La mort n’était-elle pas présente dans les louanges de ceux qui crieront “crucifie”? N’était-elle pas effective? N’est-elle pas contenue dans un relation viciée!
    J’insiste sur la relation! Dont l’exemple majeur est donné dans la Genèse!Jugez-en. Entre s’alimenter de tout arbre, beau à la vue et bon à la consommation, et manger du fruit pour être comme Dieu, il y a une différence! Une sacrée différence! On me dira l’interdit porté sur l’arbre du centre, qui d’ailleurs était deux! Je suis fondé de nier cet interdit! Et ce d’autant plus que la faute a porté sur le fruit! Et. qui plus est, que cette faute est d’une cuisante actualité!
    Si la rédaction juge bon de ne pas me publier, je n’en prendai nul ombrage. Mais je lui demande instamment de transmettre mes lignes à Monsieur Décaillet.

  3. Posté par Jan Marejko le

    Pâques est certainement une porte, Pascal Décaillet fait bien de le rappeler. Une porte aussi bien pour les juifs que pour les chrétiens. Cela aussi peut être signalé. Dans les deux cas, il nous est dit que notre vie mortelle n’est pas tout. Il y a un au-delà qui, bien que mystérieux, donne sens à cette vie.

  4. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Cher Pascal, vous me touchez. Je suis ému! Tenez, par exemple, vous dites n’avoir réponse à aucune question. Rien qu’en ceci vous vous distinguez! Cela couronne l’adéquation dont témoignente vos lignes. “Pas de réponse” m’a propulsé dans le désert, entre Égypte et terre promise. Et dans tous les travers humains dont je suis héritier. Le désert, en hébreu, contient “parole, chose et événement”, leur absence. Rien ne se passe, le silence angoissant. On fabrique un veau, abusivement nommé d’or! En fait on a transformé l’or en ferraille!
    Pas de réponse donc. On fabrique. Sarah propulse Abraham vers la servante. Un raccourci. Et pourtant Dieu sanctionne, bénissant Ismael. Encore une question. La question est comme la femme stérile, elle n’engendre pas de réponse… Mais la patience, je crois, la féconde. Heureux ceux qui questionnent…

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