Notre Collègue Suzette Sandoz, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, nous fait l’amitié de figurer parmi les contributeurs réguliers de notre site Lesobservateurs.ch. L’ouvrage qu’elle vient de publier, avec une Introduction de A. Maillard, “Une voix claire dans la foule”, aux Editions Cabédita, comporte une centaine de chroniques publiées en allemand dans la NZZ au cours de ces dernières années. Nous reprenons, dans une série, pendant quelques jours, certains de ces articles directement en rapport avec des problèmes majeurs de l’actualité politique. La force, la profondeur, l’originalité et le courage de cette pensée rigoureuse et hors des modes sont connus.Cela mérite la relecture, en français.
Le 10 décembre dernier était la journée des droits de l’homme. Bon! C’est à la mode de donner des titres à des journées. Mais au fond, qu’est-ce que cela apporte?
Quelquefois, cela permet de récolter des fonds, afin de soutenir la recherche médicale ou scientifique (ex.: la mucoviscidose, le cancer), et c’est très bien. Mais une journée des droits de l’homme, à quoi cela peut-il servir?
Poser la question oblige évidemment à se demander d’abord ce qu’il faut entendre par « droits de l’homme ». Certes, le 10 décembre a permis d’évoquer brièvement l’origine historique de la déclaration universelle des droits de l’homme et de rappeler que la raison profonde de cette déclaration était de chercher à protéger chaque personne contre l’arbitraire de tout régime politique totalitaire. C’est la juste affirmation de la supériorité de la valeur de la personne sur les abstractions que représentent la société et l’Etat. Mais en réalité cette raison profonde n’est plus vraiment à l’honneur. Force est de constater que les droits de l’homme sont devenus une arme politique ou sociale.
Comme arme politique, les droits de l’homme sont peu à peu confondus avec la notion d’Etat de droit. La «moralisation» des relations internationales permet de classer les Etats en «Etats de droit» – qui affirment respecter les droits de l’homme – et « Etats voyous » – qui les ignorent parce qu’ils seraient contraires à leur culture. Et à cheval entre les deux groupes se trouvent tous les régimes qui prétendent asseoir leur autorité sur des légitimités religieuses et brandissent leur guerre sainte. Il n’y a pas de guerre sainte, ni de guerre juste. Il ne peut y avoir, selon les cas, que de la légitime défense. Encore faut-il arriver à savoir qui a attaqué. Mais, en toute franchise, les droits de l’homme se concilient mal avec la guerre.
Plus regrettable encore est l’altération des droits de l’homme en droits sociaux ou droits à des prestations de la part de l’Etat. Quelques exemples? Le droit au regroupement familial devrait empêcher un régime politique de démanteler, sur son territoire, des familles, afin de récupérer certains membres comme forces de travail ou d’imposer aux enfants une éducation étatisée. A aucun moment ce droit n’a eu pour but de contraindre un Etat à réunir sur son territoire tous les membres de familles éclatées au-delà des frontières. La récupération du droit au regroupement familial par la politique d’asile est une altération de la notion de droits de l’homme qui cause probablement plus de mal que de bien. Elle a inspiré sans doute le monstrueux article 109 al. 31 de notre code civil qui prévoit la perte de légitimité de l’enfant de parents mariés par complaisance quand leur mariage est annulé pour ce seul motif puisque c’est alors une manière d’éviter le regroupement avec le père.
Le respect de l’égalité entre tous les être humains assure la reconnaissance de l’égalité de valeur, du droit à la vie, à la liberté d’opinion, à la liberté d’entreprendre de tout homme ou femme vivant sur le territoire d’un Etat; cette égalité a dégénéré en un droit à la « non-discrimination » en matière de nom de famille – qui aboutit à de stupides décisions – ou en matière de mœurs, ce qui permet à une petite poignée de juges d’imposer à des millions de personnes, souvent contre tout processus démocratique, une conception exclusive du mariage entre personnes de même sexe ou du bien de l’enfant en matière d’homoparentalité.
Et, comble de fétichisme, dans leur passion égalitariste, certains «beaux» esprits ne peuvent même plus tolérer, en français, l’expression de «droits de l’homme»; ils veulent lire «Homme» comme «mâle» et non pas comme «être humain»; ils s’obstinent donc, contre tout bon sens, à débaptiser les droits de l’Homme en droits humains («menschliche Rechte» au lieu de « Menschenrechte »); c’est, en français, d’un ridicule total, bien indigne de l’idéal historique de la déclaration universelle des droits de l’Homme !
Suzette Sandoz 18.01.09
Hélas , Madame Sandoz dans l’esprit des tenants et aboutissants de la religion du “Progrès” contre l’humanité, la formule “droits humains” est tout à fait sérieuse , puisqu’ils considèrent que les animaux ont autant de droits que les hommes , et parfois plus, puisque par exemple la funeste UE a légiféré pour établir notamment que la vivisection est interdite chez les grands primates alors que l’on fait le forcing pour la faire admettre sur l’embryon !
Chez eux, seul le ridicule et le cynique ne tuent pas.