Professeur de droit à l’université de Zurich et témoin privilégié de la première heure, le Pr Martin Killias revient sur les problèmes originaux des jours-amende et leur possible réforme. Une vision optimiste quoique prudente. Entretien exclusif.
Originaire de Finlande, le système des jours-amende est passé en Suisse via l'exemple allemand et la filière professorale, mais avec quelques particularités bien spécifiques à notre pays qui ont causé, de fait, les désordres que nous connaissons aujourd'hui : Les jours-amende avec sursis - qui permettent aux fauteurs d'en réchapper là où les victimes d'amendes d'ordre se font poursuivre jusqu'à ce qu'ils aient dûment rendu gorge - et la dépendance à un avis de taxation qui confronta bientôt les promoteurs de cette brillante idée à cette réalité que dealers et délinquants en tout genre ne déclaraient pas scrupuleusement leurs revenus à l'Etat; stupeur dans les administrations...
Devant le consensus quasi unanime des partis de système, gauche en tête, mais une droite parlementaire suivant à quelques pas seulement, la réaction des rares opposants a été alors presque impossible. Selon Martin Killias, ils ont « manqué de courage » et se sont reposés, comme font beaucoup, sur l'éventualité d'un référendum qui ne vint jamais.
Résultat des courses, les jours-amende fonctionnent à merveille avec les honnêtes gens mais peinent à corriger ceux qui semblent en avoir le plus besoin, et les libéralités concédées aux criminels pénaux n'atteindront jamais - poule aux oeufs d'or oblige - les milliers de malheureux ayant manqué une demi-seconde de respect à l'ordre public au pied d'un sémaphore. Une réforme au fond est par conséquent indispensable et attendue de tous.
Des solutions en vue ? Rendre au juge son pouvoir d'appréciation dans l'attribution du sursis ou non, revenir sans complexe aux peines de privation de liberté de courte durée.
“Les juges donnent toujours les peines les plus basses”. C’est un des leurs qui l’a dit dans une émission de Temps Présent. Donc, mis à part changer la loi, cela ne changerait en rien de donner plus de pouvoir ou pas aux juges. Quand nous pouvons constater avec quel angélisme ils traitent certaines affaires, heureusement, nous ne savons pas tout. Sursis, jours-amendes pour des faits extrêmement graves. Pourtant le directeur de la LAVI (protection des victimes de violence), avec qui je me suis entretenu, prévient que sans une peine juste et appropriée, il est difficile pour les victimes de faire leur travail de reconstruction psychiques (lutter contre la dépression, guérir le traumatisme). Non, c’est tout le système qui est à revoir. Comme dit dans un autre article, la justice US n’est pas non plus un exemple. Mais il devrait y avoir un juste milieu. Après, tout comme les journalistes de notre presse écrite, il serait intéressant de faire un sondage de l’autorité judiciaire pour savoir de quel bord politique se retrouvent le plus ses membres. Cela peut s’imaginer et pourrait expliquer le pourquoi du comment…
“Rendre au juge son pouvoir d’appréciation ” Grave question dans l’état actuel de la mentalité de la magistrature. C’est d’ailleurs curieux de constater à quel point ce corps de l’état s’est fait complétement retourner par les gauchistes en dix, vingt ans. Est-ce l’influence d’un seul homme, André Kuhn, pénaliste de Lausanne qui veut supprimer la prison (et ne punir que les victimes de braquage. La propriété, c’est le vol…).