Hollande, le Désenchanteur

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

On accuse parfois notre pays d’un penchant excessif pour les libations. Mais il est une ivresse plus dangereuse encore : c’est celle des mots.

La France y succombe en permanence. Il suffit d’un bon mot ou d’une petite phrase pour retenir l’attention des médias. Ceux-ci vont gloser la signification du message avec ce plaisir brumeux, que l’on ressent en d’autres occasions chères à Antoine Blondin, qui fait s’effacer l’ennuyeuse réalité au profit de ce monde imaginaire, ici, le microcosme des politiciens et des journaleux.

A ce jeu, il faut reconnaître le talent de notre Président : de la petite blague incongrue à la tirade lyrique, il sait faire. Tout le monde se souvient du « Moi Président » qui avait interloqué Sarkozy. Mais dans son anthologie, il y a un sommet, une sorte de titre qui résume le reste du spectacle : après sa victoire aux primaires socialistes, François Hollande dit qu’il veut « réenchanter le rêve français, celui qui a permis à des générations, durant toute la République, de croire à l’Egalité et au Progrès. » Certes, le champ lexical de l’onirique a dû s’ouvrir devant lui lorsqu’il a écarté le cauchemar Aubry, mais fascinés par ce verbe digne de Saint-Just, Jaurès et Blum réunis, les commentateurs n’ont pas vu l’extraordinaire aveu présent dans cette belle formule littéraire. D’abord, il ne s’agit pas de donner un commencement de réalisation aux aspirations des Français contenues dans « leur rêve ». Il faut, au contraire, réanimer l’illusion qui s’éteint, comme on rallume un feu. Car l’enchantement, c’est ça, depuis Merlin, c’est utiliser la magie pour cacher la réalité et lui substituer un mirage. Dans le fond, en annonçant qu’il allait mettre les Français en état d’hypnose, le candidat a été transparent.  En second lieu, et là on verse dans le cynisme, il a aussi ramené les deux piliers de l’idéologie de gauche, l’égalité et le progrès à n’être que des fantasmes que l’on poursuit sans jamais les atteindre. « Allez-y, les p’tits gars, vous voyez l’horizon. On l’atteindra demain, si vous me faîtes confiance. »

Réveil cruel

Malheureusement, François Hollande se heurte à deux difficultés. La première tient au fait que lorsque la réalité perçue dément systématiquement le rêve, le bon sens impose un réveil cruel. Jacques Marseille aimait dissiper les idées fausses. Il se plaisait à montrer que le niveau de vie et l’égalité avaient augmenté dans notre pays depuis les années 70. Il soulignait encore en 2004 que le déclin français n’était pas une fatalité, et que l’on pouvait l’enrayer à condition de choisir la France qui gagne et non celle qui freine. Deux mandats « de droite » inutiles, une crise économique et une victoire socialiste en plus, on sait maintenant que le choix a favorisé la France qui freine, et qui, à l’abri de ses emplois protégés, de ses revenus meilleurs et de ses retraites privilégiées, continue de rêver tandis que l’autre, aux prises avec le réel rencontre parfois le drame, lorsqu’un homme qui veut travailler, préfère le suicide à la situation qu’on lui impose. La fierté pour l’institution, le Pôle Emploi du Ministre du Travail, tandis que trois de ses collègues « flinguaient » sans sommation 300 salariés du privé pour le plaisir de se payer un patron peut-être « voyou », montre assez quel est le choix de l’exécutif. La plupart des Français ne croient plus ni au progrès ni à la progression de l’égalité. Le simulacre qui prétendait réunir les deux objectifs avec le soi-disant « mariage pour tous » a laissé la majorité indifférente. Si elle semble légèrement favorable à une partie de la réforme, c’est pour dire : « Foutez-nous la paix avec ça ! C’est pas le problème ». La disproportion des deux manifestations, plus ou moins dissimulée par le médias, est assez claire à ce sujet.

Toute-puissance des mots

La seconde difficulté tient sans doute au fait que l’ENA n’est pas Poudlard, ni François, Harry. Notre magicien rate quasiment tous ses tours. En fait, ses incantations impuissantes ne relèvent pas de la prestidigitation habile, à la manière de Sarkozy, passant sans cesse d’un sujet à un autre, pour éviter que le public ne fixe trop son attention, mais elle appartient à ce que d’aucuns appelaient, ce qui n’est pas bien, la pensée primitive, c’est-à-dire cette propension à croire à la toute-puissance des mots et de la pensée. Cela irait mieux avec de la croissance. Notre Président appelle donc la croissance. Elle ne vient pas. Evidemment ce n’est qu’un mot. La réalité qui lui correspond, ce sont des chiffres : l’augmentation du PIB, et si possible par habitant, et à condition que çà ne soit pas constitué de mauvaise graisse, de dépenses inutiles qui vont accroître déficit et dette ! Il faut que ce soit une augmentation des richesses produites et éventuellement exportées. Il faut donc améliorer notre compétitivité. Là encore, l’emploi du mot ne peut compenser l’absence de la chose. Les mesures insuffisantes annoncées sont trop faibles et trop tardives. La manière avec laquelle le PDG d’une entreprise dont l’Etat est encore en partie propriétaire vient de les traiter montre assez qu’elles sont anecdotiques pour la firme présente sur un marché mondial, mais qu’elles vont être plus durement ressenties par les ouvriers de Renault. Désenchantés, ils rejoindront ceux d’Arcelor-Mittal, de Petroplus et d’Aulnay qui ont cru à la magie du verbe d’un candidat et se trouvent confrontés à la réalité de l’action d’un politique. Malheureusement, il n’est pas sûr que les ténors de l’opposition ne soient pas eux-aussi des disciples de Merlin.

Christian Vanneste

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