Vous avez dit « bénévole » ?

Anne Sandoz Dutoit
Lic. ès Lettres, bacc. en théologie, bénévole

Les bénévoles disposent en effet souvent de compétences pointues, acquises durant leur parcours de vie et leur-s formation-s antérieure-s, ainsi que dans le cadre de cours spécifiques qu’ils sont de plus en plus fréquemment appelés à suivre pour exercer leur activité bénévole.

A l’heure de la professionnalisation à outrance, qui exige des compétences toujours plus pointues attestées par des titres ou diplômes précisément définis, que faire du bénévolat [1] ? Faut-il maintenir la distinction entre « bénévoles » et « professionnels [2] » ? Ou serait-il au contraire judicieux de mettre l’accent sur le fait que les uns comme les autres effectuent des tâches nécessitant des compétences – qui se recoupent parfois – les uns gratuitement et les autres contre salaire ? Si nous adoptons cette vision des choses, il serait alors indiqué de distinguer entre « bénévoles » et « personnes salariées» afin d’abolir une terminologie qui tend à minimiser les qualifications apportées par les bénévoles.

Les bénévoles disposent en effet souvent de compétences pointues, acquises durant leur parcours de vie et leur-s formation-s antérieure-s, ainsi que dans le cadre de cours spécifiques qu’ils sont de plus en plus fréquemment appelés à suivre pour exercer leur activité bénévole. La terminologie « traditionnelle », en établissant la distinction entre « bénévoles » et « professionnels », risque dès lors d’entretenir le malaise au sein d'équipes mixtes [3] : les bénévoles passent pour des personnes non qualifiées, des « amateurs », par opposition aux autres qui, eux, feraient preuve de « professionnalisme » [4], c.-à-d. de compétences spécifiques reconnues comme nécessaires à l’accomplissement de leur tâche.

Certes, bénévoles et personnes rémunérées n’effectuent pas les mêmes tâches. Et c’est heureux, car il faut éviter que les bénévoles n’occupent des emplois à titre gratuit. Soulignons du reste le fait que, depuis l’année internationale du bénévolat en 2001, il est recommandé aux différentes associations de clarifier non seulement les tâches qui sont déléguées, mais encore la durée de celles-ci, soit 4 à 6 heures hebdomadaires. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est de mettre en valeur les situations où le bénévolat constitue une activité qui requiert des compétences spécifiques et ne peut donc être simplement opposé à professionnalisme.

Pour ne citer que quelques exemples parmi de nombreux cas : que dire des experts-comptables, parfois à la retraite, qui tiennent bénévolement la caisse de clubs sportifs ou de paroisses, des architectes qui suivent - bénévolement - les travaux de réfection des locaux de ces mêmes organisations ou institutions ? Ou encore des cuisiniers qui apprêtent gratuitement des repas pour une association dont ils font partie ? Ne sont-ils plus des professionnels, ont-ils perdu leurs qualifications, parce qu'ils travaillent gratuitement ? De même, les bénévoles actifs dans la relation d’aide qui assurent un accompagnement à domicile, en hôpital ou en EMS ont non seulement suivi des cours en vue d’effectuer cette activité spécifique [5], mais apportent de surcroît souvent leur expérience d’assistants sociaux, d’éducateurs, de médecins, de théologiens et/ou celle acquise durant l’accompagnement de proches. Quant aux entraîneurs sportifs bénévoles, il s’agit généralement d’anciens compétiteurs de la discipline qui sont censés suivre régulièrement les cours dispensés par Jeunesse et Sport, organisme rattaché à l’Office fédéral du sport.

Si les bénévoles veulent voir leur statut valorisé, il est bien évidemment important qu’ils soient de leur côté attentifs à utiliser au mieux leurs compétences. Cela implique notamment de savoir reconnaître ce que je sais et aime faire, ce que je suis capable de développer chez moi et, à l’inverse, ce qui me rebute totalement ou m’est trop difficile. Rien ne sert en effet de me proposer comme animateur bénévole de la ludothèque si je n’aime pas les jeux de société, n’y connais rien et que l’impatience me gagne rapidement avec les petits enfants !

Pour en finir avec la distinction entre « bénévoles » et « professionnels », il est nécessaire non seulement que les compétences des uns et des autres soient utilisées au mieux, mais encore que les bénévoles apprennent à s’engager là où leurs compétences sont susceptibles d’être adéquates - et pas juste « pour dépanner » ou « boucher un trou ». Il est temps de prendre conscience que le bénévolat n’est pas de l’amateurisme !

Anne Sandoz Dutoit

 

[1] En Belgique, les termes de volontariat et de bénévolat sont pratiquement interchangeables dans le langage courant, mais, comme en France, la législation tend à établir une distinction (cf http://www.ces.ulg.ac.be/fr_FR/services/cles/dictionnaire/a-b/volontariat-benevolat, 30.01.2013, 17h20). Pour la Suisse, il existe un dossier bénévolat, volontariato en italien, extrêmement complet qui constitue un « instrument permettant d'assurer la visibilité du volontariat (sic !) et de conférer aux bénévoles la reconnaissance qu'ils méritent » (http://www.dossier-benevolat.ch/index.php?id=583, 01.02.2013, 14h30).

[2]  La terminologie s’applique aux femmes comme aux hommes et c’est volontairement que nous choisissons le masculin pour désigner les deux dans l’ensemble du texte afin de ne pas enraciner l’idée selon laquelle le bénévolat serait l’apanage des femmes.

[3]  Par « équipes mixtes », nous entendons des équipes où collaborent bénévoles et personnes salariées de différentes formations.

[4]  Très intéressant à ce propos est l’ouvrage de Godbout, Jacques T. L’esprit du don, La Découverte/Poche, 2000, qui aborde entre autres la question du bénévolat et de la professionnalisation (cf en partic. p. 105ss.).

[5]  Signalons ici tout spécialement, pour le canton de Vaud, l’espace pallium qui assure la formation de base et continue des bénévoles et des proches aidants dans le domaine de la relation d’aide et de l’accompagnement en soins palliatifs (http://www.espacepallium.ch).

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