Comme un diablotin hors de sa boîte

Jean-Jacques Langendorf
Jean-Jacques Langendorf
Historien, écrivain
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« Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage » écrivait au XVIIe siècle Boileau dans son Art poétique. Ce conseil semble, à quelques siècles de distance, avoir inspiré nos historiens révisionnistes qui s’acharnent à fustiger la Suisse et son attitude durant la Deuxième Guerre mondiale et qui, cent fois, renvoient le pays et ses autorités sur le banc d’infamie.

Ils procèdent d'ailleurs toujours de la même manière, en proclamant bien haut la découverte de nouveaux documents qui jettent un éclairage accablant sur les agissements « crapuleux » de notre pays, via le Conseil fédéral.

Glapissements

Récemment, on a vu des folliculaires romands annoncer à grand tapage la découverte à Paris d'un lot d'archives qui devait démontrer dans quelles proportions scandaleuses le Général Guisan et les chefs de l'armée s'étaient acoquinés avec l'état-major français pour agir en commun dans le cas d'une invasion de la Suisse par le Reich. Or les faits étaient connus depuis longtemps et on les trouvait évoqués, depuis belle lurette, dans plusieurs publications. On n'ose imaginer les glapissements de nos vertueux censeurs si ces contacts n'avaient pas été pris avec des représentants de l'armée de la IIIe République mais avec ceux de la Wehrmacht !

Aujourd'hui, on assiste au même phénomène, des historiens alémaniques venant d'annoncer que de nouveaux documents étaient apparus, démontrant que, par la voie diplomatique, le Conseil fédéral était informé du sort tragique réservé par les nazis aux Juifs.

Or ces documents ne sont pas nouveaux pas plus que le fait que le Conseil fédéral savait n'était ignoré. En février 1940, la Neue Zürcher Zeitung publie un article de son correspondant de Berlin qui évoque avec précision la déportation des Juifs de Stettin et en annonce d'autres dans différentes villes allemandes. Rapidement des témoins supplémentaires se font entendre: délégation du CICR à Berlin, organisations caritatives, etc.

Précieux

Nous possédons en Suisse romande un historien précieux, le professeur honoraire Hans Ulrich Jost, véritable Jeanne d'Arc de l'histoire révisionniste, la virginité, la jeunesse et la qualité du français en moins. Si je dis précieux, c'est parce qu'il évoque, pour moi au moins, un des plus chers souvenirs de ma lointaine enfance: une boîte contenant un diablotin qui, mû par un ressort, surgissait dès qu'on soulevait le couvercle. Il suffit de prononcer des mots comme « refoulement », « fonds en déshérence », « faillite du Conseil fédéral », « abjection suisse », « totalitarisme suisse » (un de ses dadas) pour qu'il jaillisse, diablotin fripé, non pas d'une boîte mais d'un écran de TV pour en rajouter encore et souligner les incommensurables dimensions de notre vilenie.

Ce qu'il vient de faire à nouveau, dénonçant la politique de non accueil de notre pays, à propos des « nouvelles » découvertes. Mais il se garde bien de dire quelle a été, à cet égard, la politique totalement restrictive des Etats-Unis (qui pourtant ne risquaient rien) et de la Grande-Bretagne et ne se demande pas pourquoi, ces pays tôt informés de ce qui se passait, dans le Reich et dans les pays occupés, n'ont rien entrepris pour dénoncer à la face du monde ce scandale et ont même refusé formellement de bombarder les lignes ferroviaires conduisant aux camps de concentration. Aurait-ce été à la Suisse qui, elle, risquait tout, de le faire, étranglée économiquement comme elle l'était par les puissances de l'Axe ?

Jean-Jacques Langendorf

Pour en savoir plus sur la question des bombardements alliés

7 commentaires

  1. Posté par Géo le

    Qu’on le veuille ou non, le véritable procès du génocide des Juifs par les Allemands n’a jamais été vraiment fait. Les Allemands ont du subir tellement d’horreurs de 1945 à 1947 que l’ardoise a de facto été effacée. Nüremberg a été le procès des vainqueurs pour punir les vaincus. Ensuite, personne n’a osé poser les questions qui fâchent sur ce que l’on appelle à tort antisémitisme (les Sépharades sont sémites, pas les Ashkénazes) et le fait que tous les peuples européens haïssaient les Juifs au début du 20ème siècle.
    La folie génocidaire des Allemands a causé le 90% du phénomène. Les complicités américaines avec Hitler (Ford, Kennedy, Banque de Recouvrements internationaux) et soviétiques (pacte Molotov-Ribbentrop, fournitures de charbon et acier) ont contribué pour 9, 999%. L’attitude de la Suisse pour 0,0001% et c’est la seule dont on parle…

  2. Posté par Philippe Druey le

    Monsieur Langendorf,
    L’art consommé avec lequel vous dégommez H.-U. Jost est un pur régal et je vous en remercie chaleureusement, car cet acte de salubrité publique (et historique) permet de contrebalancer la complaisance servile dont nos journaliste de la RTS (bons disciples du ci-devant Jost depuis le temps de leurs études en sciences sociales et politiques à l’université de Lausanne) font preuve dans le choix de la personne à interviewer et dans l’absence totale de sens critique à l’égard de celle-ci.

  3. Posté par Robert Cheval le

    En ne me positionnant pas sur la version de l’histoire que je préfère, je me dois de souligner que les responsables de l’exhumation de ces photos ainsi que Jost ou des membres de la Commission Bergier sont tout à fait d’accord qu’il ne s’agit en aucun cas de découvertes (voir le TJ du 28.01.2012 http://www.rts.ch/video/info/journal-19h30/4612364-des-photos-de-mai-1942-attestent-que-la-suisse-avait-connaissance-des-crimes-commis-par-les-nazis.html). L’article tombe donc un peu à côté du sujet en voulant à tout pris dénigrer l’histoire révisionniste ou critique selon certains, il s’agit toujours d’un enjeu de lutte pour sa définition.

  4. Posté par Noe Cramer le

    Merci Monsieur Langendorf de continuer cette longue résistance pour contrer ces “oiseaux qui souillent leur nid”. Il faut en effet une vision bien restreinte pour persister à ignorer la situation globale qui régnait à l’époque. C’est particulièrement grave de la part d’un historien qui prétend à une compétence professionnelle. Comme un adolescent qui n’a pas encore réussi à “tuer le père” pour affirmer sa personnalité…

  5. Posté par Jean Streit le

    Merci Monsieur Langendorf, d’avoir exprimé se que je pense depuis longtemps ainsi que beaucoup de vrais Suisses. J.Streit

  6. Posté par Zeller Philippe le

    Mes professeurs d’histoire au cours de mes études m’ont laissé, entre autres souvenirs , ce propos: “la plus grande malhonnêteté intellectuielle consiste à juger des faits du passé avec les connaissances acteulles.”

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