C'est l'histoire de Jessica*, pardon de Christophe, Christophe-Jessica est « une femme née dans un corps d'homme ». Le processus a été long, mais après la visite chez le psychiatre - qui confirma sans faire de difficultés que Christophe développait « un des symptômes majeurs du syndrome transsexuel », qui « est le conflit dramatique chez un même individu de la non-identité de son sexe apparent masculin ou féminin, avec le sentiment profond et inexplicable qu'il a de son genre féminin ou masculin » (1) - quelques formulaires de consentement et la mise en branle du traitement hormonal, Christophe a pu devenir Jessica. Ce conflit dramatique n'était pas un simple trouble de la personnalité, la médecine devait d'urgence réparer l'erreur de la nature (l'un de ces « hasards de la génétique » malheureux qui frappent les transsexuels et « les ont fait naître dans un sexe qui n'est pas le leur ») et rendre à cette femme son apparence de femme. Le passage opéré, Jessica a obtenu sa modification d'état civil, elle est une femme, c'est officiel, elle vient de gagner un an sur l'AVS. Comme elle n'a pas voulu divorcer, son mariage a été changé en partenariat enregistré (2); ce n'est pas légal, mais c'est tout ce que l'Etat a trouvé pour ne pas finir devant des mariages homosexuels de fait. Il a fallu expliquer aux enfants que papa et maman n'étaient plus mariés. Il faut dire que maman n'a pas tardé à aller voir ailleurs, se faire piquer ses chemisiers par son homme n'étant pas trop son truc.

La LAmal n'avait pas fini de payer les dernières retouches plastiques que Jessica découvrait, non sans un certain dépit, son homosexualité, elle est lesbienne. Elle fait annuler son partenariat enregistré, se fait belle et sort. Un soir, elle rencontre Claude. Claude est aussi une de ces femmes à qui la nature à imposé un autre corps. Son âge avancé et sa santé ne lui permettant pas de supporter l'opération, il a réclamé, et obtenu, un changement d'état civil (3) sans devoir passer par le processus chirurgical.

C'est l'amour fou, Claude et Jessica veulent se marier, pas se partenarier, un vrai mariage, entre femmes. Elles partent en Belgique et préparent une grande fête. Seulement voilà, drame inattendu, les recherches des différents offices d'Etat civil ont démontré que Claude et Jessica étaient demi-frères, pardon demi-soeurs, Claude, l'aîné, ayant été élevé dans la première famille fondée par leur père et dont il n'avait jamais parlé. La Belgique refuse de procéder au mariage. Jessica comprend enfin d'où venait cette magnifique entente et pourquoi Claude représente cette force et cette sécurité qu'elle a toujours recherchées. Ni l'une ni l'autre ne veulent renoncer à leur projet. Claude se souvient avoir lu que le maire d'une commune espagnole avait déjà marié un couple de frère et soeur. La chose n'est pas strictement légale, mais après tout, l'inceste consenti n'est pas interdit là-bas. Les deux soeurs vont voir le maire en question et emportent, dans leurs valises, l'une un curé, l'autre un pasteur, pour une petite bénédiction à l'occasion d'une nouvelle grande fête. On a un peu escamoté l'attestation d'état civil, le mariage entre cousins du premier degré étant autorisé là-bas, l'on a prétendu à un tel lien, les autorités se sont montrées conciliantes d'autant qu'il s'agissait d'une procédure de mariage homosexuel.

Claude et Jessica sont au comble du bonheur et veulent un enfant, un enfant qui leur ressemble. Claude, qui ne s'est pas fait castrer, trouve sur internet une jeune ukrainienne, Irina, domiciliée en Hollande, et lui donne rendez-vous dans une clinique de Nicosie pour un don d'ovocyte. Une jeune étudiante péruvienne, rencontrée à Madrid, portera l'enfant. 80'000 dollars et quelques extras plus tard, bébé est là, il est celui de son père-mère Claude, Jessica l'adopte et partage l'autorité parentale.

Nonobstant un mini-scandale dans la presse locale qui révèle le mariage incestueux, Jessica et Claude, dont la légalité de l'union est contestée, se voient tout de même attribuer un livret de famille. Mais Irina, qui lit la presse de boulevard de son pays, reconnaît ses anciens "clients" et découvre divers détails sur leur situation de fortune. Elle dénonce les termes de son contrat de donneuse, non reconnu en Espagne, saisit la justice pour demander un test ADN, attaque la décision d'adoption de Jessica et réclame une reconnaissance en maternité en vue d'obtenir une pension alimentaire indexée sur les revenus de Claude. L'avocat de Claude proteste que celle-ci ne saurait être reconnue comme liée à Irina en ce qu'elle ne saurait être le père de l'enfant vu qu'elle est une femme. Le procès est long et lourd, la presse s'en donne à coeur joie. Jessica se met à picoler, ce qui se marie mal avec son cocktail hormonal, elle fait une grosse dépression et se taille les veines.

Quelque part une publication gay-friendly écrira que Jessica est morte victime de l'oppression d'une société homophobe déterminée à tout refuser à ceux qui ne demandent qu'à aimer.

*Le cas est fictif, les situations non

(1)  DELVAUX Henri, Les conséquences juridiques du changement de sexe en droit comparé, in Transsexualisme, médecine et droit, XIIIe colloque de droit européen, Vrije Universiteit Amsterdam (Pays-Bas), 14-16 avril 1993, publié par le Conseil de l'Europe, p. 157.

(2) « Avec l'entrée en vigueur au 1er janvier 2007 de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, la transcription du changement de sexe d'une personne mariée impliquera automatiquement la transformation du mariage en partenariat enregistré sans avoir à passer par une procédure de dissolution du mariage», Décision du Conseil d'Etat du canton du Valais du 06.11.2006 contre la décision du Service de l'état civil et des étrangers (SEE) du 14.06.2006.

(3) Sans changer de sexe, elle est devenue un homme, Le Matin 04.05.2001.Voir aussi ici.