Un militant réfléchi et modéré ‘de droite’ pourrait soutenir que l’odeur nauséabonde qui se dégage actuellement de tout discours d’un ‘acharné du bien et du juste’ commence sérieusement à sentir le rance et, pourquoi pas, la défaite.
Et cet optimisme se traduira très probablement par une déconfiture annoncée de la gauche dans les urnes (à Genève), dans un avenir, nous l’espérons tous, pas trop éloigné.
Essayons de comprendre cette évolution.
Il est sans conteste que l’idéal socialiste est, sur le plan moral, éminemment supérieur à l’idéal d’un système d’économie libérale (protection de la propriété privée, liberté du commerce et de l’industrie, liberté de concurrence, etc.).
Bêtes de somme
En effet, l’idéal socialiste comporte des souhaits de justice sociale, de solidarité et d’égalité qui planent avec une arrogance moralisatrice très nettement au dessus des objectifs moraux de l’idéologie dite ‘capitaliste’ et de son ‘hédonisme radical’ : ‘plus tu auras, mieux tu seras’.
Et qui pourrait nier les bienfaits de la lutte de la gauche ‘militante, combative et glorieuse’ à une époque où les ouvriers, mineurs et autres ‘bêtes de somme’ se tuaient littéralement au travail pour un salaire de misère ou en échange d’une rémunération malthusienne.
Ces débuts de l’ère industrielle ont été analysés, dans leur fonctionnement et devenir, ou décrits dans toute leur inhumanité, par de grands auteurs tels que Karl Marx, Victor Hugo ou Emile Zola.
Sans l’action syndicale, la lutte ouvrière et une solide idéologie de salut terrestre, il est fort à parier que l’amélioration des conditions matérielles d’existence de ces classes défavorisées aurait toujours pu attendre.
Acquis sociaux
Ainsi, la protection sociale, le droit à l’éducation, aux congés payés, soins et retraites et autre protection des travailleurs, locataires, personnes défavorisées ou se trouvant dans une situation de faiblesse ou de dépendance, font aujourd’hui partie de nos acquis que personne ne songe sérieusement à remettre en question.
De plus, et c’est là un point essentiel, il est incontestable que l’action de la gauche se situait dans un cadre de lutte afin d’obtenir des améliorations économiques et sociales ‘possibles’, c’est à dire compatibles avec le monde (économique) réel et sans entraver la progression ou la croissance de ce dernier (bien au contraire).
Il est indéniable que ces luttes menées victorieusement au nom de la dignité humaine ont fait la gloire et forgé le respect que nous devons tous à ces fiers précurseurs. Les acquis qui ont vu le jour suite à leurs actions constituent aujourd’hui la marque même de notre culture et civilisation.
Evidences communes
Il est probable, par ailleurs, que le ralliement d’une majeure partie des intellectuels à cette opinion de gauche s’explique en grande partie par le rôle qu’elle à joué dans l’établissement de plus de justice, au sens le plus large du terme, même s’il a fallu utiliser de méthodes ‘musclées’ avec les dissidents, ou parfois bafouer les droits de l’homme, pour dire le moins.
Par simplification, on pourrait situer le point d’inflexion au moment de la chute du mur de Berlin.
En effet, à partir de cette date, la faillite des systèmes collectivistes s’inspirant de l’idéologie socialiste est devenu une évidence à la fois pour le bloc de l’est et le bloc de l’ouest.
Force était de constater que l’idéologie socialiste ou communiste n’a pas eu ‘les moyens anthropologiques de ses ambitions’ : L’homme ne se lève en principe pas le matin pour se demander ce qu’il pourrait faire en priorité pour autrui ou le bien d’autrui… C’est trop souvent le contraire qui est vrai.
Mais si l’Homme c’est cela, il faut faire avec !
Dès lors, l’économie collectiviste, en tant que système économique créant de la richesse, n’étant plus porteuse d’avenir ou même de présent (il est inefficace), le monde développé ou en voie de développement a eu le choix entre l’économie de marché et….l’économie de marché.
Avec quelles perspectives pour la gauche ?
D’abord de faire probablement définitivement le deuil de pouvoir imposer un système collectiviste de type marxiste ou communiste, faute de toute crédibilité.
Cela étant, par voie de conséquence, la gauche devrait se cantonner à un rôle de régulation afin de continuer à s’assurer que les parties les plus faibles ou défavorisées ne soient abusées dans leur vie contractuelle, leur travail ou plus largement leur cadre de vie et que les droits et/ ou avantages sociaux soient constamment adaptés au ‘gâteau’ (PNB) que le système capitaliste, lui sait fabriquer.
Pour s’assurer de cela, la gauche dispose aujourd’hui d’un arsenal impressionnant d’armes de démocratie directe et indirecte, soit notamment, pétitions, initiatives, projets de lois de toutes sortes, référendums et élections à tous niveaux, hormis les manifestations, grèves et autres moyens de lutte.
Le problème c’est qu’ayant goûté au pouvoir et aux avantages et privilèges qui vont avec, la gauche n’est pas disposée à remplir uniquement la tâche qui serait sienne : Continuer une lutte pour l’amélioration des conditions matérielles d’existence des plus démunis, plus d’égalité ou de justice sociale.
Nouvelle religion
Ayant été portée au pouvoir et ayant gouverné, elle a également largement eu le temps d’établir sa ‘religion’, la promesse de l’avènement d’une société idéale, égalitaire et juste et sa funeste liturgie, soit la bien-pensance, la pensée unique, de plus en plus déconnectée de sa base, ou encore le fameux ‘politiquement correct’ (soit l’absence de pensée tout court).
Et c’est précisément en s’appuyant sur les dogmes de sa ‘religion’ que la gauche prétend encore continuer à régner, mais cette fois au détriment manifeste des ‘ouailles’ du sérail électoral qu’elle prétend défendre.
Voyons cela d’un peu plus près.
Nous l’avons vu, en matière d’éthique, la nature des idéaux de la gauche est manifestement supérieure à celle d’un système d’économie de marché qui se contente d’être efficace, sans réels états d’âme.
En voulant moraliser le système économique et social qui, suite à l’effondrement du religieux, ne demandait probablement que cela, la gauche a mis la main dans une faille, et trouvé un point faible sur lequel elle ne cesse d’agir depuis.
Nous l’avons également vu, la gauche a obtenu par sa lutte, une série d’améliorations matérielles (et formelles) pour les classes défavorisées en ciblant ses revendications de progrès dans le cadre d’un réel possible, compatible avec l’environnement économique. Ainsi, des hausses de salaire âprement négociées, la durée limitée du travail, les congés, les retraites ou le droit à l’éducation ou aux soins, ont été obtenus en respectant la réalité économique des acteurs ou agents économiques en cause.
Mais le système a ses limites !
Quel devenir pour la gauche une fois atteintes ces limites du supportable sur le plan de la réalité économique et sociale ?
Au nom de ses dogmes et en mettant en place une suite de revendications impossibles à réaliser, notamment en matière de droits sociaux, logement, travail, justice, pour ne citer que ces grandes avenues de la vie sociale, la gauche ne lutte que pour sa seule survie, au détriment des intérêts de ses protégés.
En effet, ayant déjà obtenu tout le possible, il ne lui reste plus que de l’impossible à vendre, au-delà du réel, en échange du pouvoir électoral de ses fidèles pour qui l’illusion fait encore recette.
C’est ainsi qu’en matière de logement la gauche, en transgressant les limites du possible, propose toute une panoplie de mesures qui rendront pérenne la crise du logement, en particulier à Genève, à qui elle doit son pouvoir et survie :
Organisation de la crise
1. Fixation de loyers maximums rendant illusoire toute rénovation ou création de logements dans les gabarits existants.
2. Recourite systématique de la gauche en matière de toute nouvelle construction de logements locatifs.
3. Opposition farouche à toute acquisition de son logement par un locataire en place.
4. Etc., etc., etc., ‘ad nauseam’.
Résultat, pas de création de logements, pression sur les loyers des logements existants, soit perpétuation de la crise qui justifie le maintien de la gauche en place et de l’Asloca.
Conséquence dommageable pour les ‘fidèles’ : Pas de logements supplémentaires et loyers élevés.
Ce résultat n’est probablement pas souhaité, mais pleinement accepté par une gauche qui préfère agir à l’encontre des intérêts de ses inconditionnels plutôt que de disparaître du pouvoir ou de voir faiblir son emprise sur son électorat.
A l’évidence, le cynisme de l’illusion crée n’a pas encore été percé à jour par la plupart des ‘groupies’ de ces ‘chevaliers du bien et du juste’.
Mais cela viendra.
Nous pourrions multiplier les exemples en matière de justice, de fiscalité, de droits sociaux pour aboutir, toujours, aux mêmes conclusions : La gauche pratique aujourd’hui essentiellement un système de surenchère afin d’assurer sa survie en termes de pouvoir et de dominance.
Son ‘marketing dogmatique’ consiste à proposer des ‘produits’ politiques, parfois à haute teneur morale, prétendument favorables pour ceux que la gauche prétend défendre.
Mais ces produits, toxiques, se situant systématiquement dans le domaine du ‘non possible’ (logements en dessous du prix de revient, fiscalité confiscatoire, revendications salariales rendant l’entreprise non concurrentielle, ou encore droits de la défense surpondérés, clémence judiciaire frisant l’impunité, sans oublier la régularisation des ‘sans papiers’ (pourquoi pas pour l’Afrique tout entière), etc.), il en résulte une dégradation ou une déconstruction de l’édifice économique et social que la gauche avait pourtant contribué à réaliser.
Et il n’est pas étonnant de constater que l’ancienne gauche progressiste soit devenue conservatrice, réactionnaire et totalitaire, défendant son emprise et privilèges becs et ongles, et que les intellectuels d’aujourd’hui soient presque tous plutôt de droite, progressistes et libéraux !
Apprentissage critique
Notre pensée en guise de conclusion : Il devient urgent que l’électorat ouvre les yeux et fasse l’apprentissage d’une pensée réellement critique quant à la perversion des programmes de la gauche d’aujourd’hui.
Vu le matraquage utilisé pour façonner notre manière de penser depuis des décennies, nager à contre-courant ne sera pas chose aisée.
Mais il devient urgent d’entreprendre cette noble tâche, aussi afin de rendre à la gauche le rôle qui est réellement sien en lieu et place de celui qu’elle assume aujourd’hui de manière dénaturée.
Ronald Zacharias
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