La Smartbox ou le syndrome de la plante en pot

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On n’offre pas de plante en pot, il y a une raison précise à cela.

A l'heure des présents obligatoires de la fatidique échéance consumériste de fin d'année, Smartbox offre un service, celui d'éviter d'avoir à choisir, de s'intéresser à la personne à qui l'on prétend faire un cadeau, de lui offrir quelque chose de beau et d'utile pour l'instant présent, qui lui montre que l'on a sincèrement cherché à s'en rapprocher, à la comprendre, à se pencher sur l'affection qu'on lui doit et qui justifie la récurrente obole décembriste.

Intermédiaire

Sur le principe de la pochette surprise, Smartbox, littéralement la "boîte intelligente", offre des paquets de prestations selon les critères les plus basiques qui soient. A l'origine, le principe était d'offrir des nuitées dans des hôtels de luxe, l'offre s'est depuis développée, spa, aventure, gastronomie, selon que vous êtes célibataire, en couple, marié etc. Le coffret contient un catalogue qui, apparemment, laisse un choix fourni pour chaque catégorie de produits, ce n'est d'ailleurs pas dans ce qui est proposé que semble se situer le problème. L'idée n'est pas nouvelle, qui permet de ratisser de nouveaux clients dans un secteur somnolent sous le couvert de la promotion. La Smartbox n'est en somme qu'un bon, un bon que quelqu'un d'autre a payé fort cher à votre place et qui aura surtout servi à rémunérer les intermédiaires de Smart&Co, la boîte française qui détient la franchise.

La martingale fonctionne comme suit, Smart&Co négocie des rabais auprès des prestataires en échange d'une apparition dans son catalogue. C'est après cela que ça cesse d'être simple, dans le cas de l'hôtellerie, l'offre ne cesse de varier en fonction des saisons touristiques, les meilleures occasions étant aussi faciles à obtenir que des places vraiment bon marché dans une compagnie d'aviation low-cost. Codes à gratter en tout genre, numéros d'identification qui ne correspondent pas, quête sans fin sur internet pour des réservations qui puissent convenir et ne qui ne conviennent pas (les hotlines étant forcément surtaxées et inaccessibles depuis l'étranger, malheur à vous donc, si vous désirez réserver votre nuit d'hôtel à l'étranger... depuis l'étranger. Malheur à vous surtout si le code ne s'avère pas valable).

Filouterie d'auberge ?

Autre effet pervers, celui de créer une habitude chez les prestataires de considérer les clients Smartbox en hôtes de seconde zone, en gogos qui, de toute façon, n'ont pas à se plaindre en ce qu'ils n'ont rien payé. Ainsi, ce n'est pas sans intérêt que le récipiendaire de l'un de ces coffrets-cadeaux découvrira ce que les hôtels de luxe les plus rutilants peuvent cacher de sinistres chambres de bonnes. Une mésaventure arrivée à un couple de nos lecteurs: Le cadeau, pour leurs noces, payé 319 francs pour une nuit, hors saison, et un repas dans un splendide hôtel 4 étoiles, un château médiéval du nord de l'Italie, s'est soldé par une veillée aux armes, dans un cagibi d'une crasse infâme, à tenir en respect cafards, puces de lit et autres spécimen d'un biotope jusqu'ici alors inconnu, après un méchant plat de pâtes et peu avant un breakfast allemand... Et pas question d'avoir accès au Spa ou à la piscine, réservés aux vrais clients. Le catalogue de l'établissement comptait 7 magnifiques chambres, il y avait 6 couples, en tout, dans un hôtel de plusieurs dizaines de chambres, mais il était absolument impératif de ranger les clients Smartbox dans le premier placard venu.

Le service après-vente ne vaut pas tripette, après avoir reproché aux "bénéficiaires" de la box de ne pas avoir conservé codes, quittances et Dieu sait quoi encore, ni même pris des photos, charmant week-end, il suffira au tenancier de l'hôtel d'arguer, sans avoir à fournir de preuves, que la literie était neuve pour justifier qu'elle n'était pas habitée. L'internet éructe (1) d'ailleurs de la frustration rageuse de dizaines de clients dont on s'est ouvertement moqué. En 2009, Smartbox avait lancé un programme de garantie 100 % satisfait ou remboursé, mais ce n'est pas pour la Suisse où le client est réputé satisfait dès le moment qu'il a payé.

Clientèle déclassée

Ce qui est clair, c'est que les clients Smartbox ne sont pas vus commercialement comme de vrais clients, comme des clients ayant eu le choix pleinement libre et entier de se rendre dans cet hôtel et, par conséquent, susceptibles d'être fidélisés. Avoir du choix, ce n'est pas avoir le choix. Une fois achetée, la Smartbox enchaîne et contraint la liberté du client et, par conséquent, sa valeur auprès du commerçant. Le système joue en outre sur le fractionnement de l'exigence clientèle, le consommateur n'étant pas le payeur, une astuce censée adoucir les moeurs des mécontents et diluer le flux des récriminations.

Offrir une Smartbox est, en soi, à peine plus élégant que d'offrir de l'argent, la liberté en moins, un soupçon d'intention en plus, mais elle a surtout pour principal défaut de reporter sur son destinataire l'ennui de la recherche d'un cadeau qu'elle a épargné au destinateur.

On n'offre pas de plante en pot, et pour cause, c'est un élément de décoration trop durable pour être poli s'il a le malheur de déplaire. L'entretien qu'il demande, en outre, peut constituer un embarras certain chez quelqu'un qui n'en demandait pas tant. En un mot, il n'est pas convenable de s'imposer dans l'univers d'autrui en limitant ses choix. La Smartbox fait tout cela à la fois, empêtrer, encombrer et imposer les limites et l'ennui dont vous n'avez pas voulu à l'heure de votre propre choix. Pour la Noël à venir, pensez donc à un vrai cadeau, offrez un peu de vous-mêmes.

 

(1) Fouiller aussi sur tripadvisor et, forcément, Google.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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